[Exclusif] Nicolas Sarkozy : "Les difficultés, j'en ai fait une force"
L'ancien président a accordé un entretien exclusif à Émile. Avec lui, nous avons remonté le temps pour évoquer ses premiers pas en politique, ses études à Sciences Po, son ambition et les difficultés rencontrées, les relations qu'il a entretenues avec ses mentors, notamment Jacques Chirac. Il nous a d'ailleurs révélé les mots qu'ils se sont échangés sur le perron de l'Élysée, le jour de la passation de pouvoir.
Qui est vraiment Nicolas Sarkozy ? De nombreuses biographies se sont penchées sur cette question, avec toujours une espèce de difficulté pour y répondre. L’homme est complexe. Véritable animal politique, adepte du rapport de forces, il est aussi un grand affectif, qui a besoin d’être aimé. Émile a voulu aller à sa rencontre pour parler notamment de sa jeunesse. N’est-ce pas souvent l’évocation des jeunes années qui permet de mieux comprendre la vraie nature d’un homme ? Nicolas Sarkozy avait en effet 24 ans lorsqu’il poussa les portes de la rue Saint-Guillaume. On nous avait malgré tout alertés, avant l’entretien, en nous disant qu’il n’aimait pas trop revenir sur le passé… On a essayé de le pousser à quelques confessions sur cette jeunesse, où la politique occupait déjà une grande place, pour ne pas dire déjà toute la place en réalité. Nicolas Sarkozy a montré peu de résistance en définitive, il s’est prêté à l’exercice. On a même eu le sentiment, plus l’entretien avançait, que cela lui faisait réellement plaisir de reparler de ces années-là, celles où tout a commencé. L’appétit de la politique, l’énergie, le pragmatisme, la soif de reconnaissance sociale… tout est déjà là. Jacques Chirac aussi. Dans cette machine à remonter le temps, on sent bien la place très particulière qu’occupe cet homme. Lorsqu’il parle de lui, Nicolas Sarkozy paraît sincèrement ému. La ressemblance entre les deux hommes y est sans doute pour quelque chose. Et puis, c’est avec Chirac que tout commence, à Nice, en 1975, et c’est avec Chirac que le couronnement se passe, plus de 30 ans plus tard, avec l’arrivée de Nicolas Sarkozy à l’Élysée.
Propos recueillis par Anne-Sophie Beauvais (promo 01)
Nous voudrions revenir sur vos années de jeunesse. À quel moment cette passion pour la politique vous est-elle venue ?
C’est tellement loin… En fait, je serais bien incapable de vous dire à quel moment je ne me suis pas intéressé à la politique. Dès 14-15 ans, j’avais déjà compris que, lorsque je prenais la parole en classe, mes camarades m’écoutaient. Mon premier moment fondateur a été la campagne de Chaban-Delmas, en 1974.
Est-ce que le fait d’intégrer Sciences Po a été lié à votre envie de faire de la politique ?
J’étais déjà aguerri au monde politique en arrivant à Sciences Po. Je suis entré rue Saint-Guillaume sans faire l’année préparatoire qui existait à l’époque. J’ai passé le concours d’entrée en deuxième année. À cette époque, vers 1979, je suis déjà élu au conseil municipal de Neuilly, j’avais également des responsabilités au sein du RPR, j’ai déjà une maîtrise de droit. J’ai le souvenir d’avoir passé le CAPA [diplôme pour être avocat] en même temps que mes études à Sciences Po, et en même temps aussi que je terminais mon service militaire. J’ai prêté serment en octobre 1981.
J’ai interrogé vos camarades de promotion qui m’ont dit que vous étiez en effet déjà avocat, déjà passionné par la politique et ce qui pêchait, pour vous, à Sciences Po, c’était surtout l’anglais…
J’avais tellement d’occupations à l’époque que, pour vous dire la vérité, je venais très peu. J’étais déjà avec Marie [Marie-Dominique Culioli], qui allait devenir la mère de mes deux premiers enfants, que je vais avoir en 1982 et 84. J’allais à la caserne la nuit, j’étais le jour à la mairie de Neuilly et au RPR, je préparais mon CAPA. J’avais donc beaucoup d’occupations, je ne mettais pas vraiment les pieds sur terre pour être honnête… L’amphi Boutmy, j’ai dû y aller deux fois dans ma vie comme étudiant. Heureusement, il y avait des « poly », comme on disait. Je m’en souviens, je me levais le matin vers 4 h 30, 5 heures ; je n’avais pas une minute à moi dans la journée. Cela fait prétentieux de dire ça, mais c’est vrai. J’ai pu faire mon service militaire : je ne voulais pas me faire exempter, je n’aimais pas ça, le côté planqué. Alors, je l’ai fait à Paris, je cirai les couloirs à Balard ; mais j’ai fait trois mois de classes, quand même ! Je dépendais de la caserne de l’aviation du Bourget, et on allait faire nos marches et nos exercices à Frileuse. Je n’étais donc pas l’étudiant de Sciences Po type. J’avais une activité, une existence qui n’avaient rien à voir. En général, mes camarades passaient leur temps à la bibliothèque, à noter les cours... J’ai découvert plein de choses à Sciences Po, mais c’était 25 % de mon temps !
Vous aviez déjà une vie d’adulte en fait...
J’étais vieux déjà, c’est vrai, quand j’ai fait Sciences Po, par rapport à l’étudiant normal. J’avais déjà une maîtrise, une vie de couple, j’étais élu. Mais je faisais très jeune physiquement, presque enfant. Je me souviens, au service militaire, ils m’avaient coupé les cheveux vraiment courts, et j’avais la tenue des aviateurs, le blouson bleu, qui me plaisait beaucoup. Je suis entré au service militaire deuxième classe, et je suis sorti deuxième classe ! Je ne suis pas sûr qu’il y ait beaucoup de jeunes, comme moi, qui n’ont même pas été promus première classe ! Je n’ai jamais eu un grade (sourire).
À vous entendre, on retrouve finalement déjà, à 20 ans, un Nicolas Sarkozy qui a besoin d’une activité soutenue pour dépenser son énergie et sa combativité… Vos journées ressemblaient à quoi, concrètement ?
Quand j’allais à Balard, je commençais à 22 h 30 ou 23 heures, et je terminais en cirant trois étages, on sortait vers 3 h 30-4 heures du matin. Là, j’étais en treillis. Mais à l’époque, je n’avais pas besoin de beaucoup dormir… Je rentrais, j’avais une chambre au 7e étage d’un immeuble, au Pont de Neuilly, où j’étais arrivé avec ma mère quelques années auparavant. Une chambre de bonne, comme on disait à l’époque. Et puis le matin, ça recommençait assez tôt. Le CAPA, c’était difficile, parce qu’on ne savait pas ce qu’il fallait faire pour le réussir. Il n’y avait pas de programme, c’était très curieux. Il y avait une épreuve écrite de 4 heures, et un oral, quelque chose comme ça.
J’étais très heureux d’être à Sciences Po, de réussir l’examen d’entrée, mais ce n’était pas ma priorité. On me disait, il faut que tu fasses service public, la section noble pour faire l’ENA. Mais je ne voulais pas devenir haut fonctionnaire. Et puis, il fallait que je paye mes études, je n’avais pas d’argent, je voulais être avocat tout de suite, pour pouvoir avoir mon indépendance. L’ENA, il y avait un stage… Je ne dis pas que j’aurais réussi, mais ça ne m’intéressait pas suffisamment. J’ai donc fait PES (Politique Économique et Sociale).
Vous avez des souvenirs, à partager avec nous, de ces années à Sciences Po ? Un professeur qui vous aurait marqué ou une rencontre importante que vous auriez pu faire là-bas ?
J’ai plein de souvenirs ! J’ai surtout la frustration de n’avoir jamais eu le temps d’aller au Basile… pas le temps, et pas tellement d’argent non plus. J’avais comme professeur de science politique Jérôme Jaffré ; j’étais en conférence, comme on disait à l’époque, avec l’ancienne présidente du Medef, Laurence Parisot ; il y avait aussi une jeune fille qui s’appelait Catherine Chatignoux, qui est aujourd’hui journaliste aux Échos. Quand je suis arrivé à Sciences Po, j’ai découvert un nouveau monde que je ne connaissais pas. Ce n’était pas du tout le Sciences Po d’aujourd’hui.
Vos pères en politique, ce sont Achille Peretti et Charles Pasqua…
Et Jacques Chirac. Je le connaissais bien, déjà. Je l’avais rencontré en juillet 1975, quand il était Premier ministre ; j’étais responsable national des jeunes UDR. Charles, oui, c’était mon ami – malgré la différence d’âge – et Achille Peretti, j’étais son adjoint.
Comment vous vous voyez, aujourd’hui, en pensant au jeune homme que vous étiez à l’époque ?
J’étais pressé ! Tout ce qui pouvait me faciliter la tâche était bon à prendre. Je me suis dit, si je réussis l’examen d’avocat, j’aurais un statut social. « Qu’est-ce que vous faites dans la vie ? » - « Je suis avocat ! », ça répond à toutes les questions. Comme médecin. Ça n’existe plus vraiment maintenant cette idée du statut social. Mais à l’époque, ça posait. Et si je réussis le concours d’entrée à Sciences Po, c’est la même chose, cela me donnait aussi un statut. Ça m’installait, alors que je n’avais pas de relations. Je ne connaissais personne – personne ! Je n’avais jamais mis les pieds rue Saint-Guillaume avant de réussir l’examen d’entrée. Je suis arrivé un peu comme « un pirate » : pour moi, c’était très étrange. Je ne connaissais rien, je n’avais pas les codes.
Des journalistes, qui contribuent régulièrement à Émile, avaient des questions à vous poser. Gérard Leclerc voudrait savoir s’il y avait un autre métier qui vous aurait attiré si vous n’aviez pas fait du droit et de la politique ?
Un milliard de choses ! Tout me passionne. Si j’avais été doué pour le sport, j’aurais adoré faire du sport. Si j’avais été doué pour le spectacle, j’aurais adoré faire du spectacle… Pour médecine, j’ai trop peur de la maladie. Je rêvais de métier public, de monter en scène, de rencontrer des gens, de convaincre. Mais je ne rêvais pas de monter mon entreprise : j’aurais pu, mais je ne connaissais personne ! Mon premier patron, chez Truffaut, quand j’étais jardinier pour payer mes études, m’avait dit, quand je l’ai quitté au bout de deux ans, « tu adores ça, je suis prêt à te laisser ma boutique ». Ensuite, mon deuxième patron, quand j’ai tenu son magasin La Sorbetière, voulait aussi me laisser la boutique… et sa fille (rire) ! Tout de suite, j’ai vu que, quand j’étais dans un endroit, immédiatement, je pouvais avoir un projet, diriger, animer, entraîner, impulser.
Vous insistez sur le fait que vous n’aviez, jeune, ni relation ni statut, vous sentiez déjà que vous auriez face à vous des obstacles à franchir, en raison de cela ?
J’ai toujours su que ce serait difficile, qu’il faudrait que je me batte plus que les autres. Parce que je n’avais pas la carte. J’en ai fait une force. Il fallait venir de la bonne famille, du bon milieu, avec les bons diplômes, les bonnes idées. Je n’avais pas les bonnes idées – je n’ai jamais été de gauche – je n’avais pas les bons diplômes – j’ai eu une carrière universitaire moyenne – et je n’avais pas la bonne famille, au sens où on n’avait pas de relations. Je suis entré à Sciences Po en ne connaissant personne !
Pascal Perrineau vous pose cette question : Vous êtes au cours des deux dernières décennies un des hommes politiques français qui a suscité le plus d'identification positive (renouveau, audace, courage...) mais aussi le plus d'opposition. À partir du retour critique que vous faites sur les dix dernières années et sur vous-même, comment pouvez-vous éclairer et comprendre cette vive opposition ?
Dites-lui de ma part que je n’ai pas le même avis que lui. Je pense que c’est inhérent au fait d’être le chef de l’État. France soir, à la fin des années 1960, titre : « François Mitterrand, l’homme le plus haï de France » ; Avec Charles de Gaulle, au moment de la décolonisation, des débats terribles animaient les familles ; Valéry Giscard d’Estaing, quand il est parti de l’Élysée, était contesté. Jacques Chirac, après sa défaite de 1988, souffre de sa relation avec les Français, ce qui vaut à sa femme Bernadette cette phrase « les Français n’aiment pas mon mari ». François Hollande ne peut même pas se représenter, et son parti, après son départ de l’Élysée, n’a quasiment plus de député. Il faut prendre du recul, avoir de la mémoire. Je pourrais vous citer bien d’autres exemples de la haine que suscitaient, par exemple, Chaban ou encore Pompidou en leur temps. Même Simone Veil… n’a-t-elle pas aussi suscité, au cours de sa carrière, des passions négatives ? Quand vous montez à l’arbre le plus haut de la forêt, il n’y a pas autant d’ombre qu’en bas et le vent souffle plus fort ! Donc arrêtons avec ça, c’est la politique ! Et si on veut une vie plus tranquille, où personne ne dit du mal de vous dans les dîners en ville, on fait un autre métier… On devient universitaire (sourire). J’ai choisi cette vie-là, je n’en ai jamais voulu une autre.
La politique, ce sont des victoires mais ce sont aussi des défaites. Vous en avez connu deux, récemment – l’élection présidentielle, en 2012, et les primaires de la droite, en 2016. Même ceux qui ne partageaient pas vos idées politiques vous ont trouvé très digne lorsque vous vous êtes exprimé le soir des résultats de ces deux élections perdues...
Savoir gagner, c’est à la portée de tout le monde. J’ai compris dans la vie qu’il y avait plus d’échecs que de succès. L’échec n’est jamais décevant, le succès l’est souvent, ne serait-ce parce qu’il passe très vite. En plus, les gens ne vous regardent pas, ils regardent le soleil, la lumière. Dans l’échec, c’est vous qu’ils regardent. Je ne garde aucun souvenir de mes succès, je garde un souvenir très précis de mes échecs. Il n’y a pas de noblesse si on ne sait pas perdre.
Après votre défaite, en 2012, lors de la passation de pouvoir à l’Élysée, François Hollande ne vous raccompagne pas à votre voiture, au moment où vous partez, et tourne même les talons avant que vous ne soyez montés dedans avec votre épouse. François Hollande a dit regretter cette attitude. Ça reste un souvenir pour vous?
Vous savez, je suis quelqu’un qui n’a pas de sentiment de revanche ou de rancune. Je peux vous parler de 2007, quand j’arrive à l’Élysée et que je vois Jacques Chirac qui m’attend. Pourtant, on s’est bien battus lui et moi, et il me touche le cœur quand je le vois. Je suis ému. Pas de devenir président, mais parce que c’est la fin politique pour Jacques Chirac. J’ai de la peine pour lui, je sais qu’il souffre, ce n’est pas juste une partie de sa vie qui se ferme, mais c’est toute sa vie. Je passe du temps avec lui, je le raccompagne à sa voiture, je l’applaudis, et je vous demande de me croire, ce n’est pas du tout joué, c’est très sincère. Et je suis beaucoup plus ému pour Chirac que pour moi. Ça me touche de le voir comme ça, un peu perdu, et en bas de l’escalier quand il m’accueille, je lui dis . « Tu te rends compte Jacques — tu me tutoies, me dit-il — Oui, tu me l’as demandé depuis 30 ans, et je ne l’ai jamais fait. » J’ai attendu d’être président pour le tutoyer. Et en bas de l’escalier, je lui dis « tu te rends compte que nous étions ensemble, il y a 32 ans, à Nice. Ça fait du chemin… ».
Dans tout ce que vous avez vécu, est-ce qu’il y a un événement qui vous a particulièrement marqué?
Un seul ? C’est une question impossible… Quand je suis devenu ministre, puis président, quand j’ai quitté la présidence. J’ai tant de souvenirs.
Peut-être quelque chose que vous auriez aimé faire autrement ?
Des tas de choses, dans ma vie personnelle et dans ma vie publique. Mais comment ? La question que vous me posez voudrait dire : est-ce que vous aimeriez être le jeune homme de 20 ans avec l’expérience de mes 62 ans ? Eh bien oui… mais ce n’est pas possible. Ce que j’ai fait, je l’ai fait. Une vie, c’est une vie ! Et je sens que la seule manière d’être fidèle à une vie, c’est de vivre à 100 % chaque nano-seconde. Alors les erreurs, j’en ai fait beaucoup, j’ai connu des échecs, mais il faut vivre. Et donc s’il y a quelque chose que je recommencerais, c’est vivre. Ça, je l’ai compris tout de suite.
L’après-politique, comment l’abordez-vous ?
L’expression « après » est fausse, il n’y a pas un après, il y a une vie qui continue. J’ai vécu, j’ai respiré, j’ai aimé, je me suis battu avant d’être président, donc j’ai continué tout ça après. C’est de l’extérieur qu’on met une césure. Vous croyez que la vie commence quand on entre à l’Élysée et qu’elle s’arrête quand on en sort ? Je suis comme le héros de Dostoievski dans Crime et châtiment : « La renaissance lente mais certaine. » On renaît d’un échec professionnel, d’un échec familial… J’ai une fille de 5 ans et demi, ma femme Carla, mes garçons, je voyage dans le monde entier, j’ai la chance de donner une grande interview internationale pour Émile (sourire). Pour moi, répondre à Émile ou au Washington Post, si j’accepte, je le fais et je le fais de la même façon. Ça peut m’ennuyer ou me passionner de la même façon, je ne suis pas quelqu’un qui fait les choses à moitié. Donc ma vie continue, elle n’était pas entre parenthèses. Et puis si on m’avait dit quand j’étais entré rue Saint-Guillaume qu’un jour je serais président de la République… Eh bien, je l’aurais cru d’ailleurs !
Certains disent que l’on retrouve un peu de Nicolas Sarkozy en Emmanuel Macron, dans cette audace et cette façon un peu transgressive de conquérir et aujourd’hui d’exercer le pouvoir...
Sans transgression, sans rupture des habitudes, sans pensées libres, il n’y a pas de progrès. C’est pour ça que c’est très important. Il n'y a pas, par exemple, de progrès scientifique sans rupture. Le premier qui a dit que la terre était ronde a transgressé beaucoup de choses. Lorsque Pasteur, pour éviter la maladie, a décidé d’inoculer la maladie, n’a-t-il pas aussi été très transgressif ? Je pourrais multiplier les exemples. Macron y est arrivé, c’est vrai, et ce n’est pas si facile.
C’est peut-être aussi son âge qui permet à Emmanuel Macron de bousculer plus facilement l’ordre établi des choses ?
Ce n’est pas une question d’âge. L’âge importe peu. C’est une question d’opportunité. Ce qui compte, c’est d’y arriver, c’est de faire les choses, que ce soit à 39 ou à 49 ans. Moi, je n’y attache aucune importance.
L’expérience est tout de même liée à l’âge ?
J’ai été ministre très jeune. J’ai eu sans doute trop de pouvoir trop jeune. Je pense qu’il faut en effet de l’expérience. Mais après, chacun vit sa propre aventure. Ce qui compte, encore une fois, c’est ce que l’on a fait, pas l’âge auquel on l’a fait. Et puis, jeune, jeune… Mozart a commencé à composer à l'âge de six ans. Et Rimbaud est mort avant 40 ans. Alors l’âge ne compte pas, encore une fois, c’est ce que l’on fait.
Un mot peut-être sur la réforme des institutions vers laquelle on tend. Que pensez-vous du régime présidentiel et de la relation entre président de la République et le Premier ministre ?
Je pense une chose très simple : le patron, c’est celui qui est élu, pas celui qui est nommé.
Est-ce qu’il ne faut pas supprimer finalement celui qui est nommé ?
J’y ai pensé, d’autant que tous les Premiers ministres se plaignent d’être Premier ministre. Mais j’ai souhaité garder cette fonction parce que je considérais que dans un pays de 68 millions d’habitants, c’est important qu’il y ait quelqu’un qui puisse représenter et suppléer le président.
Est-ce qu’il y a une réforme qui vous paraît importante pour l’avenir de la France, une réforme qu’Emmanuel Macron devrait mener avant les autres ?
Il n’y en a pas une seule. Tout d’abord, le président français doit être un grand européen. Il faut proposer un nouveau traité. C’est vraiment très important. Ensuite, le calendrier du président de la République est simple : c’est tout de suite ! Tout ce que vous ne faites pas en juillet, vous ne le ferez pas en septembre, et tout ce que vous ne faites pas en septembre, vous ne le ferez pas en décembre. Voilà pourquoi, le calendrier n’attend pas. C’est notamment vrai pour la baisse des impôts. Troisièmement, la question de la réforme de la justice. La justice est un pouvoir indépendant, il ne peut pas exister de pouvoir sans contre-pouvoir, sans équilibre des pouvoirs. Quel contre-pouvoir ? C’est une question très difficile. Et enfin, les destins de l’Europe et de l’Afrique sont liés. L’Afrique va passer de un milliard d’habitants à 2,3 milliards d’habitants d’ici à 30 ans. Comment maîtrise-t-on les flux migratoires ? C’est aussi une question importante pour l’avenir.
Pour aller plus loin : Lorsque Nicolas Sarkozy raconte sa première rencontre avec Jacques Chirac…