France Télévisions : moins de schizophrénie et plus d'audace!

France Télévisions : moins de schizophrénie et plus d'audace!

Pour prolonger la réflexion sur la réforme de l’audiovisuel public (lire notre enquête ici), la rédaction d’Émile a choisi de laisser la parole à Gérard Leclerc (promo 76), ancien président de LCP-AN et ancien directeur adjoint de la rédaction de France 2. Dans cette tribune, il nous livre sa vision de ce que devrait être le futur des médias publics et dénonce la violence de la charge menée par les dirigeants politiques contre France Télévisions.

Gérard Leclerc / CC Wiki

Gérard Leclerc / CC Wiki

L’audiovisuel public serait donc « la honte de la République ». Rien de moins ! Les mots prêtés au chef de l’État ont été démentis, mais pas la violence de la charge.

C’est, hélas, une tradition pour France Télévisions d’être la cible des dirigeants politiques qui regardent très peu le petit écran, mais rêvent d’en être les grands ordonnateurs. Tant il est vrai que la télévision continue de fasciner… Pour les chaînes publiques, le procès est facile : leur mission, notamment pour France 2, le « vaisseau amiral », est de proposer une télévision populaire de qualité. En clair, des programmes exigeants qui fassent de l’audience. C’est là où les difficultés commencent : autant il n’est pas très difficile de diffuser de bons programmes culturels comme le fait Arte, mais pour un public réduit, ou à l’inverse de réaliser de fortes audiences avec des programmes populaires, comme y parviennent les chaînes commerciales, autant combiner les deux est très compliqué. Si le grand public se ruait sur l’opéra ou les émissions littéraires en prime time, vous en auriez tous les soirs sur TF1 !

Et il est facile de s’en prendre à France Télévisions en lui reprochant, soit de faire des émissions « grand public » donc peu culturelles, soit d’avoir des programmes trop élitistes, peu regardés alors que les téléspectateurs paient la redevance. Le tout avec des budgets contraints, comme si la qualité ne se payait pas. On touche à la schizophrénie, doublée de mauvaise foi quand les détracteurs de la télévision publique, de Nicolas Sarkozy à Emmanuel Macron, prétendent qu’elle n’est pas très différente des chaînes privées : faut-il rappeler que la plupart des magazines d’information et des émissions culturelles sont sur les chaînes publiques, les mêmes qui ont renoncé à la téléréalité et limité les séries américaines qui font le succès des chaînes privées ? On trouve aussi, c’est vrai, des émissions plus « légères » sur France Télévisions : c’est le moyen d’offrir des programmes qui « informent, divertissent et éduquent » tous les publics, ce qui constitue le cahier des charges de la télévision publique. Un récent sondage Ifop/Journal du Dimanche recensait d’ailleurs 59 % de Français satisfaits du service public.

 France Télévisions est loin d’être irréprochable. En termes d’organisation : caméras et ordinateurs de France 2 et France 3 étaient encore incompatibles il y a quelques années – pour éviter tout rapprochement ! – alors qu’il faudrait, au contraire, mieux mutualiser les moyens et investir dans les programmes à la demande. La gestion des ressources humaines est souvent déplorable, avec des services pléthoriques, des personnels mal utilisés, et le maintien de la bonne vieille tradition de la mise au placard ! On serait surtout en droit d’attendre de l’audiovisuel public plus d’audace et d’imagination. Par exemple, davantage de parole directe, d’intervention citoyenne dans des émissions politiques qui n’ont guère évolué depuis le Cartes sur table d’il y a quarante ans ; des sujets de société qui soient traités sous forme de magazines innovants et plus seulement par des téléfilms ; des documentaires et des magazines qui ne soient pas remisés au-delà de 23 heures ; des journaux télévisés plus ouverts sur le monde, comme le font les chaînes publiques étrangères…

Plutôt que de se lancer dans les fantasmes d’une « BBC à la française » – en fait une reconstitution de l’ORTF ! –, on pourrait commencer par nommer des dirigeants qui soient tous des professionnels compétents : « On ne peut pas mettre un garagiste à la place d’un chirurgien dans une salle d’opération », selon la formule imagée de Jean-Marie Cavada. 



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