Le Choix de l’école : contribuer à la valorisation du métier d'enseignant

Le Choix de l’école : contribuer à la valorisation du métier d'enseignant

L’association Le Choix de l’école a été fondée en 2015. Son idée est simple : encourager l’engagement des jeunes diplômés dans l’éducation et répondre à un besoin d’enseignants dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Elle a été inspirée par des initiatives similaires dans d’autres pays, regroupées aujourd’hui au sein du réseau Teach for All. De nombreux diplômés de Sciences Po et d’autres grandes écoles ont été accompagnés par l’association pour une reconversion professionnelle. Émile s’est entretenu avec son directeur, Paul Guis (promo 16).

Propos recueillis par Albane Demaret et Maïna Marjany

Paul Guis, directeur du Choix de l’école. (Crédits : Le Choix de l’école)

Vous êtes diplômé d’un master en droit de l’Université Panthéon-Assas, de l’ESSEC et de l’Ecole d’Affaires publiques de Sciences Po. Vous avez été notamment enseignant en histoire-géographie dans un collège de Seine-Saint-Denis. Est-ce lors de vos études ou de cette expérience professionnelle que vous avez réalisé l'intérêt des jeunes diplômés à s'engager professionnellement dans un métier utile à la société ?

Les jeunes diplômés sont de plus en plus attentifs au sens de leurs engagements, notamment professionnels, sur le plan social et environnemental. Il y a une dynamique de fond dans la société mais c’est en particulier le cas chez les nouvelles générations qui arrivent sur le marché du travail, qui ont beaucoup d’attentes et sont très exigeantes vis-à-vis de leur employeur.

« Les jeunes diplômés sont de plus en plus attentifs au sens de leurs engagements, notamment professionnels, sur le plan social et environnemental. »

C’est une bonne chose : cela contribue à faire évoluer les comportements des entreprises sur ces sujets. Cette dynamique est également perceptible dans l’engagement social des grandes écoles, où certaines comme Sciences Po, l’ENS, l’ESSEC ou HEC sont très mobilisées.

Parfois cela va encore plus loin : de plus en plus de jeunes diplômés choisissent leur métier en fonction du rôle social que celui-ci occupe dans la société - dans laquelle le métier d’enseignant occupe, bien sûr, une place centrale.

Pouvez-vous nous expliquer en quelques mots le concept du Choix de l’école ?

Logo de l’association “Le choix de l’école”.

L’objectif du Choix de l’école est d’encourager et de favoriser l’engagement de jeunes diplômés dans l’enseignement, dans les collèges publics de quartiers prioritaires où il y a des besoins. Pour assurer leur réussite et celle de leurs élèves, Le Choix de l’école accompagne ces jeunes enseignants pendant leurs deux premières années d’enseignement.

Depuis 2015, ce sont plus de 200 jeunes, âgés de 22 à 35 ans, diplômés de Sciences Po, d’écoles d’ingénieurs, de commerce, d’universités, qui se sont lancés dans l'enseignement avec Le Choix de l’école auprès de plus de 35 000 collégiens. 

« Depuis 2015, ce sont plus de 200 jeunes diplômés qui se sont lancés dans l’enseignement avec Le Choix de l’école. »

Selon vous, quels sont les principaux freins pour des jeunes diplômés de grandes écoles à se lancer dans une carrière d'enseignant, et notamment dans les collèges d’éducation prioritaire ? 

La faible mobilité professionnelle entre l’enseignement et d’autres secteurs est l’un des principaux freins. Il est normal d’avoir des doutes avant de commencer, comme dans tout métier, et il est important de savoir qu’il sera ensuite possible de poursuivre son parcours dans un autre secteur, à court ou à long terme, si on le souhaite. Cette faible mobilité reflète la méconnaissance des qualités et compétences acquises dans l’enseignement et la valorisation insuffisante de ce métier dans la société. C’est pourquoi il est important de favoriser ces mobilités professionnelles, dans un sens comme dans l’autre, et de valoriser davantage les expériences d’enseignement, ce que font de plus en plus certains employeurs.

Ensuite, il y a bien sûr la question du niveau de vie qu’il ne faut pas éluder. Cela est vrai pour toute personne qui fait le choix d’exercer le métier d’enseignant et encore davantage lorsqu’il s’agit d’une reconversion professionnelle, étant donné que l’expérience antérieure n’est pas valorisée sur le plan financier, ou lorsque ces jeunes doivent rembourser un emprunt étudiant en début de carrière.

Enseignants lors de l'université d'été Le Choix de l'école organisée chaque année en juillet. (Crédits : Le choix de l’école)

Comment décidez-vous les jeunes diplômés à sauter le pas ? 

L’association s’adresse à des personnes qui n’envisageaient pas à l’origine de devenir enseignant. Souvent, elles connaissent mal ce métier, ses voies de recrutement. Nous prenons du temps avec elles, notamment pour leur présenter ce métier, ses réalités. Ensuite, Le Choix de l’école propose un accompagnement pendant les deux premières années avec pour objectif de préparer au mieux ces jeunes pour qu’ils puissent aider leurs élèves et répondre à leurs besoins. Enfin, le collectif, l’entraide et le travail en équipe occupent une place fondamentale dans cet accompagnement, ce qui est très utile lorsque l’on commence.

« L’association s’adresse à des personnes qui n’envisageaient pas à l’origine de devenir enseignant. Souvent, elles connaissent mal ce métier, ses voies de recrutement. Nous prenons du temps avec elles, notamment pour leur présenter ce métier, ses réalités. »

Quelles sont les plus grandes appréhensions des jeunes diplômés lorsqu’ils se lancent dans l’enseignement ? 

Les jeunes qui se lancent dans l’enseignement avec Le Choix de l’école n’ont pas un parcours qui les destinaient en principe à cette voie. Le plus souvent ils appréhendent ce changement de parcours. La principale crainte est liée à la capacité à transmettre, à faire progresser les élèves. Ensuite, il y a la crainte de la solitude et de l’isolement face aux difficultés. Le Choix de l’école travaille avec les enseignants sur ces différents points dans le cadre de son programme d’accompagnement. 

L’un de vos objectifs est de « changer positivement l'image du métier d'enseignant et de l'éducation prioritaire ». Selon vous quelle est l'image véhiculée aujourd'hui et comment essayez-vous de la modifier ? 

La perception du métier d’enseignant est très variable mais malheureusement on constate une tendance générale de dégradation. Cela s’observe notamment au niveau des concours de recrutement où le nombre de candidats, et souvent leur niveau, baisse. Cette situation a des conséquences pour les élèves et en particulier ceux scolarisés dans les territoires les moins attractifs pour les enseignants titulaires.

Au-delà du rôle essentiel qu’il représente dans la société, enseigner est un métier difficile, exigeant, dans lequel on acquiert des compétences utiles dans de nombreux environnements professionnels. Le Choix de l’école entend contribuer à la valorisation de ce métier en faisant sa promotion auprès des jeunes diplômés, en favorisant leur engagement et en encourageant davantage de mobilité professionnelle entre l’éducation et d’autres secteurs d’activité. 

Atelier de travail collectif organisé par Le choix de l’école. (Crédits : Le choix de l’école)

Comment choisissez-vous vos candidats, quel est le profil que vous recherchez ? 

Dans un contexte de manque d’enseignants au niveau national, nous cherchons à amener de nouveaux profils vers l’enseignement pour élargir le vivier actuel.  Le processus de sélection se déroule en deux temps. D’abord une phase d’admissibilité sur dossier où l’on vérifie les conditions d’éligibilité et l’on évalue le parcours, l’engagement et les motivations des candidats. Ensuite une phase d’admission, qui consiste en une journée de sélection avec une douzaine de candidats. Lors de celle-ci, le jury évalue des qualités qui nous semblent essentielles à l’enseignement comme la capacité à travailler en équipe et à se remettre en question, ainsi que les motivations des candidats pour enseigner à des collégiens scolarisés dans des quartiers défavorisés. Il n’y a pas de numerus clausus, pas de concurrence entre les candidats. C’est un moment agréable où ils sont amenés à travailler ensemble, à réfléchir sur des problématiques rencontrées dans les collèges. 

Une fois sélectionnés par l’association, les candidats postulent ensuite selon la procédure de droit commun auprès d’une des Académies partenaires. Sous réserve de leur recrutement par les services d’un rectorat, les candidats admis dans le programme sont accompagnés par l’association pendant leurs deux premières années d’enseignement en collège.

Pour préparer cette interview, vous nous avez communiqué le témoignage de plusieurs Alumni de Sciences Po, la plupart étaient des femmes. Sont-elles plus nombreuses à candidater à votre programme ? Si oui, comment expliquez-vous ce phénomène et essayez-vous d’encourager les hommes à s'engager également ? 

Les femmes représentent plus de 70 % des personnels du ministère de l’Éducation nationale. Dans l’enseignement, les femmes représentent près de 60 % des personnels dans le secondaire et plus de 80 % dans le primaire. Les hommes sont en revanche davantage représentés dans l’enseignement supérieur… 

« Parmi les enseignants accompagnés par Le Choix de l’école, il y a également environ 60 % de femmes et cette surreprésentation se retrouve également au sein des enseignants diplômés de Sciences Po. »

Parmi les enseignants accompagnés par Le Choix de l’école, il y a également environ 60 % de femmes et cette surreprésentation se retrouve également au sein des enseignants diplômés de Sciences Po. C’est difficile d’agir sur cette situation mais nous menons quelques actions en ce sens, par exemple en valorisant la prise de parole de certains enseignants hommes lors d’événements auxquels nous participons ou dans notre communication.

Les candidats bénéficient d'un accompagnement gratuit pendant leurs deux premières années d’enseignements. Quel est le modèle économique de votre association ?  

Le Choix de l’école est une association à but non lucratif. L’activité est aujourd’hui possible grâce au mécénat privé, d’entreprises et de fondations d’entreprise, comme la Fondation La France s’engage, AXA, Eurazeo ou encore Kearney, et à des subventions publiques, notamment du ministère de l’Éducation nationale et de l’Agence nationale de la cohésion des territoires.

Jeune enseignante accompagnée par Le Choix de l'école pendant un cours, dans un collège REP. Crédits : Le choix de L’école)

L'association fait partie du plan gouvernemental pour la Seine-Saint-Denis annoncé par le Premier ministre le 31 octobre 2019. Est-ce l’aboutissement du travail de l’association depuis 2015 ?

Le Choix de l’école est présent dans l’Académie de Créteil, et en particulier en Seine-Saint-Denis, depuis septembre 2016, où le déficit de personnels titulaires est important. En quatre ans, plus de la moitié des 130 collèges du département a accueilli un enseignant accompagné par Le Choix de l’école. À la suite des retours positifs des différents services du ministère de l’Éducation nationale, Le Choix de l’école a été contacté par le cabinet du Premier ministre afin d’encourager le développement de l’action du Choix de l’école dans le cadre du plan gouvernemental « L’État plus fort en Seine-Saint-Denis ». La mise en valeur de l’association dans ce cadre constitue une reconnaissance du travail accompli et de l’utilité du Choix de l’école pour les collégiens du département.

«Dans le contexte actuel où les inégalités sociales sont très fortes et où la tendance est à un accroissement de celles-ci, il est nécessaire de construire un autre modèle de société. Un des principaux leviers est bien sûr l’éducation... »

Un dernier mot pour les jeunes diplômés de Sciences Po et les étudiants actuels ?

Comme nous le disions tout à l’heure, les nouvelles générations de diplômés sont très engagées et c’est particulièrement le cas des étudiants et jeunes diplômés de Sciences Po - ils représentent d’ailleurs près d’un quart des enseignants accompagnés par Le Choix de l’école. Dans le contexte actuel, où les inégalités sociales sont très fortes et où la tendance est à un accroissement de celles-ci, il est nécessaire de construire un autre modèle de société. Un des principaux leviers est bien sûr l’éducation, où les inégalités sont particulièrement fortes, comme le montre notamment la dernière étude PISA de l’OCDE. La mobilisation des nouvelles générations pour plus de solidarité et de justice sociale est essentielle. Il y a beaucoup de manières de s’engager et l’enseignement, qui est un métier extraordinaire dans lequel on apprend beaucoup, en fait bien sûr partie.


Le Choix de l’école en bref

  • Depuis 5 ans, plus de 200 jeunes diplômés et jeunes actifs, se sont lancés dans l'enseignement avec Le Choix de l’école auprès de plus de 35 000 collégiens, dont 28 000 en éducation prioritaire.

  • L'association est présente dans les trois académies d’Île-de-France et dans l’académie d’Aix-Marseille.

  • Le Choix de l'école fait partie du plan gouvernemental pour la Seine-Saint-Denis annoncé par le Premier ministre le 31 octobre 2019.

  • Le Choix de l'école est lauréat 2019 "La France s'engage".

  • Le Choix de l'école est partenaire de l'éducation nationale et de l'agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT).


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