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Point de vue - Guy Bonvallet, élu local

La rubrique Points de vue de campagne laisse la parole à des Alumni qui évoquent les enjeux de leur profession ou de leur territoire. Guy Bonvallet (promo 94), maire sans étiquette du village de Moulinet dans les Alpes-Maritimes, détaille les problématiques de sa commune et de la région de la Riviera française : manque d'industries, prix élevé du foncier, tourisme, montée du FN... 

Le village de Moulinet. Crédit Photo : JP Chevreau

Quels sont les grands enjeux politiques dans votre commune ?

Moulinet est une petite commune de montagne qui doit maintenir une population fixe suffisante. La problématique est donc de rester attractive pour les résidents mais aussi pour les touristes, tout en veillant à ce que l’élevage se poursuive en dépit de la présence du loup, revenu au début des années 1990 dans le parc du Mercantour.

Moulinet fait aussi partie de la communauté d’agglomération de la Riviera Française, quelles sont les problématiques de cette région ?

L’agglomération de la Riviera française, située à l’extrême sud-est de la carte française, a besoin de vitalité économique. Le prix du foncier est cher donc ce n’est pas évident pour les entreprises de s’y installer, il n’y a par exemple aucune industrie. L’agglomération de la Riviera ne doit pas rester prisonnière de l’économie résidentielle, il nous faut de grands projets structurants.

Quel impact réel et concret peut avoir l’élection présidentielle sur votre territoire ?

La politique adoptée par l’État vis-à-vis des collectivités locales peut avoir un impact direct sur le budget des communes. Par exemple, avec la mise en place des activités périscolaires, une partie du temps de travail des enfants en fin de journée est maintenant prise en charge par les communes. Un autre aspect budgétaire est celui lié à la baisse des dotations locales. Ensuite, il y a la question de l’intercommunalité. Est-ce qu’on va plus loin dans l’intégration ? Quelles compétences les communes pourront-elles conserver ? En tant que maire d’une petite commune, je souhaite qu’on puisse continuer à prendre des décisions au plus près des citoyens.

Pensez-vous que les questions locales sont laissées au second plan de la campagne présidentielle ?

Pour l’instant, elles ne sont pas mises en avant par les gros candidats. En revanche, les petits candidats qui partent à la chasse aux signatures mettent davantage l’accent sur les enjeux locaux.

Le dernier scrutin qui s’est déroulé dans les Alpes-Maritimes (les élections régionales de 2015) a révélé une progression du FN dans le département. Pensez-vous que cette tendance va se confirmer lors de la présidentielle ?

Je le crains. Non seulement le FN est fort dans les Alpes-Maritimes, mais il est particulièrement fort dans notre canton. Aux régionales, la commune dont je suis maire a eu 45 % de vote FN au second tour et pourtant c’est l’un des taux les plus bas dans les 15 communes de l’agglomération de la Riviera.

Comment analysez-vous cet engouement pour le FN dans votre région ? 

Il existe des raisons sociologiques et économiques. Le sud de la France est marqué par des rapports chaleureux, qui vont de pair avec une tendance à interférer plus volontiers dans les affaires individuelles, par rapport à Paris ou au nord de la France. Or, le discours d’extrême droite exprime justement une nostalgie des vieilles solidarités communautaires, au sein de nos sociétés urbaines plus individualistes. Il y a aussi le fait que beaucoup de colons sont arrivés au début des années 1960 dans le sud de la France, avec un rapport particulier aux populations nord-africaines. L’histoire du FN et de l’OAS sont tout de même liées. Par ailleurs, dans l’extrême sud-est de la France, la faiblesse du tissu économique est problématique pour la jeunesse et contribue à l’attrait pour l’extrême-droite.

Si vous aviez trois demandes à adresser au futur président de la République, quelles seraient-elles ? 

Assumer le fait que les 36 000 communes françaises sont une force. Le système de petites communes fait partie de notre identité, celle de la France des villages, il ne faut pas vouloir plaquer à tout prix un modèle européen avec des organisations locales plus étendues. Il est nécessaire de laisser des compétences aux communes pour une démocratie de proximité.

Dans un contexte de rationalisation budgétaire, l’effort doit être partagé. Il faut arrêter de chercher les économies uniquement au niveau local.

Maintenir les gendarmeries là où elles existent. Le maillage actuel est important. Dans le haut pays des Alpes-Maritimes, par exemple, il y a une population jeune qui doit être encadrée et d’une manière générale les gendarmeries font un travail formidable. Or, je crains que l’État n’ait une politique qui vise à réduire la présence de la gendarmerie dans les territoires. 

 

Propos recueillis par Maïna Marjany (promo 14)