Émile Magazine

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En attendant mai - 77 candidats en lice

Jason Wiels, journaliste à LCP, nous livre une chronique régulière de choses lues et entendues sur la campagne présidentielle. 

D’après l’Opinion, les candidats déclarés à l’élection présidentielle sont au moins 77 en lice. Vous avez bien lu, soixante-dix-sept. Mais quelle mouche les a donc piqués ? Il faut en effet être maso pour vouloir devenir le huitième président de la Ve République. Quel esprit sain voudrait signer un CDD d’à peine cinq ans, que l’on sait très rarement renouvelable, et qui brisera à coup sûr votre couple – jurisprudence 2007 et 2013 ? Le marché du travail est-il devenu à ce point précaire que l’on précipite sa candidature pour, osons le dire, le pire job de France.

Regardons de près la fiche de poste. Démarrer sa prise de fonction avec la moitié du pays contre soi ; être condamné à perdre dans une part non négligeable, c’est selon, le soutien de l’autre moitié ; hériter de dix/vingt/trente ans d’incurie de ses prédécesseurs (rayez la mention inutile) ; nommer au gouvernement ses futurs rivaux et, peut-être, tombeurs ; essayer d’appliquer son programme sans vraiment savoir si on en aura les moyens, du prix du pétrole aux taux d’intérêt ; essayer de gagner une guerre ? vous en perdrez deux autres !

Même en laissant de côté l’aspect un brin mégalomane nécessaire pour prétendre présider aux destinées de 65 millions de Français, l’on peut s’interroger sur les motivations profondes de cette impressionnante ribambelle de concurrents sur la ligne de départ. Est-ce une énième manifestation de la théorie warholienne du quart d’heure de célébrité appliquée à la politique ? Le paroxysme de ce que redoutait De Gaulle, le « trop plein » plutôt que le vide ? Ou ont-ils simplement tous trop regardé Games of Thrones, pensant que quelque ruse et un peu de chance suffisent à grimper sur le trône élyséen ?

Alors que s’annoncent encore de longs mois de campagne, oublions les questionnements cyniques et tentons de rester positif. S’ils sont autant, c’est leur générosité et esprit de service public qui parlent. Un certain sens du sacrifice, voyez-vous. Tous ont à cœur de guider à leur tour l’intérêt général.

Pour le bonheur de tous… mais certainement pas du leur.