Débat - La crise de la représentation politique en France
La prépondérance des Sciences Po et des énarques dans le paysage politique contribue-t-elle à la crise de la représentation que traverse la France ? Les élus sont-ils trop nombreux ? Des problématiques abordées lors d'une conférence-débat organisée le 7 novembre par Sciences Po Alumni. Pascal Perrineau, Yves Thréard, Géraldine Muhlmann et Jérôme Sainte-Marie ont, tour à tour, livré leur analyse.
Le politologue Pascal Perrineau est le premier à intervenir sur le thème de la représentation politique en France. « Au-delà de la haute fonction publique, il y a un poids atypique, en France, des fonctionnaires dans le personnel politique, il suffit d’observer les élus au Parlement ». Toutefois, il tient à préciser :
"Il ne faut pas tomber dans un travers, qu’on voit très souvent dans la science politique, il faudrait que la représentation politique soit le reflet parfait de la représentation des différentes catégories sociales de la population. Ça n’existe dans aucun pays !"
« Quant au poids de Sciences Po et de l’ENA, c’est un autre problème, franco-français, qui est celui du renouvellement, en particulier générationnel », ajoute Pascal Perrineau.
De son côté, Jérôme Sainte-Marie, président de la société d’études et de conseil PollingVox, estime que l’absence de représentation des couches populaires en politique profite au Front national.
"Autrefois il y avait l’ouvriérisme du Parti communiste. Le volontarisme communiste apportait une représentation populaire dans les lieux de pouvoir. Désormais ça a disparu (…) Je crois que les succès du Front national tiennent largement au fait qu’au niveau des candidats, il réintroduit des catégories absentes de la classe politique"
Sciences Po, l’ENA, des écoles qui accaparent le pouvoir politique ?
Le journaliste et éditorialiste Yves Thréard dénonce pour sa part les attaques contre Sciences Po ou l’ENA :
"Je fais partie de ceux qui pensent qu’il y a une démagogie ambiante, assez ancienne, à dénoncer le poids de Sciences Po, de l’ENA… C’est un débat très démagogique, parce qu’il faut bien une formation des élites."
La meilleure solution selon le directeur adjoint de la rédaction du Figaro : limiter le nombre de mandats dans le temps pour permettre un meilleur renouvellement des élus.
Pour la professeure de science politique Géraldine Muhlmann « la question de la formation est une fausse question » :
"Il y a plusieurs milliers d’élèves qui sortent chaque année de Sciences Po et franchement ils ne se ressemblent pas, les activités et les itinéraires de vie qu’ils ont après sont extrêmement variés."
Le problème viendrait plutôt du parcours des hommes politiques.
Les élus en France, trop nombreux ?
Géraldine Muhlmann propose de s’interroger sur le nombre élevé d’élus en France, sans que cela ne permette un véritable renouveau à la tête de l’Etat. « Il y a en France 600.000 élus, c’est énorme (…) Avec 600.000 élus, si l’ascenseur fonctionnait, ça voudrait dire qu’il devrait y avoir un véritable renouvellement des élites politiques. L’ascenseur ne marche pas. Il faut se rendre à l’évidence. » « Mais aucun candidat n’est capable de proposer de supprimer des élus ! »
S’en suit une discussion animée entre Yves Thréard et Géraldine Muhlmann sur le sujet (visible dans la vidéo ci-dessous).
Pour Pascal Perrineau, le tissu des élus locaux, notamment municipaux, est vital pour la France.
En revanche, poursuit le politologue, « le problème que pose à juste titre Géraldine Muhlmann est celui du personnel de l’Assemblée nationale et du Sénat ». D’ailleurs, certains candidats commencent à s’emparer de cette problématique...
Par Maïna Marjany (promo 14)