Portrait-robot du candidat idéal - L'idéal et la réalité
Tout au long des mois qui nous séparent du scrutin suprême, Emile va demander à ceux qui suivent, journalistes ou sondeurs, de près notre vie politique de se livrer à un petit exercice de style, entre pronostic et analyse. Pour ce numéro, ils dressent le portrait-robot du candidat idéal.
« Bien que son intelligence et sa culture le mettent à la hauteur de toutes les idées, il est porté, par nature, à considérer surtout le côté pratique des choses. Tout en révérant l’éclat dans l’action, le risque dans l’entreprise, l’audace dans l’autorité, il incline vers les attitudes prudentes et les démarchés réservées, excellant d’ailleurs dans chaque cas à en embrasser les données et à en dégager une issue… Couvert par le haut et étayé par le bas, mais en outre confiant en lui-même à travers sa circonspection, il se saisit des problèmes en usant, suivant l’occasion, de la faculté de comprendre et de la tendance à douter, du talent d’exposer et du goût de se taire… tel que je suis et tel qu’il est, j’ai mis Pompidou en fonction… »
Général de Gaulle, Mémoires d’espoir, II, p. 113-114, évoquant les raisons du choix de son nouveau Premier ministre en avril 1962, in De Gaulle de Jean Lacouture.
« Le pouvoir est d’abord un immense appétit. Léon M’Ba, président de la République du Gabon (1961-1967), avait mangé sa belle-mère, c’est connu. Si on mange sa belle-mère, ce n’est ni par faim, ni par gastronomie. C’est parce que sa belle-mère était d’un clan très supérieur au sien et donc qu’il était important de s’assimiler sa force vitale. On ne mange d’ailleurs pas toute sa belle-mère, seulement un morceau du foie (…). Le pouvoir ne dispense pas de la méfiance, au contraire. Qui a mangé sera mangé (…). Il n’y a de pouvoir ni sans magie, ni sans risques (…). Lénine disait que la seule question importante de notre monde était : “qui tient qui ?” Cela ne s’applique pas seulement aux agents secrets. La magie, qui est un exercice de pouvoir, est tenir le bas par le haut, le haut par le bas. Des hommes politiques se croient libérés par le succès de leurs engagements ? Ils ne se rendent pas compte : les succès attachent mieux que la défaite ».
Jean-François Deniau, Survivre, p. 113-114, Plon, 2006.
Par Dominique Seux (promo 87), Directeur délégué de la rédaction des Échos, éditorialiste sur France Inter