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Le billet de Pascal Perrineau - Réussir une élection présidentielle pour un ancien Premier ministre est chose difficile

Manuel Valls s’est porté  candidat à l’élection présidentielle, le 5 décembre, et a remis, dès le lendemain, sa démission au Président de la République. Cette démission jointe à la déclaration de non-candidature de François Hollande a dénoué ce qui aurait pu déboucher sur une véritable crise institutionnelle au sommet de l’Etat, la perspective d’un affrontement entre les deux têtes de l’exécutif devenant une hypothèse de plus en plus plausible. Tout est-il pour autant rentré dans l’ordre ? Non et cela pour deux raisons.

 La non-candidature d’un Président de la République sortant est en soi un « événement ». A cinq mois de l’échéance présidentielle et à deux mois des élections primaires organisées par le Parti socialiste, elle laisse la gauche dans un état de division peu commun sous la Vème République. Ce n’est pas seulement la gauche qui est un miroir brisé, c’est aussi le Parti socialistequi est éclaté entre de multiples ambitions. Et cela jusqu’au cœur du socialisme de gouvernement : pour l’instant ce ne sont pas moins de quatre anciens ministres des gouvernements de François Hollande qui s’affrontent (Benoît Hamon, Emmanuel Macron, Arnaud Montebourg, Manuel Valls). La non-candidature du Président de la République a révélé en plein jour la somme d’ambiguïtés, d’équivoques et de conflits que cachait -de plus en plus difficilement- la synthèse hollandaise.

Un autre élément de perturbation est la candidature d’un Premier ministre sortant à la plus haute fonction de la République. Réussir dans une élection présidentielle pour un ancien Premier ministre est chose difficile. Avant Manuel Valls, cinq premiers ministres ont tenté l’aventure (Georges Pompidou en 1969, Jacques Chaban-Delmas en 1974, Jacques Chirac en 1981, Jacques Chirac en 1988, Edouard Balladur en 1995, Lionel Jospin en 2002) et un seul a réussi (Georges Pompidou). Encore faut-il noter que ces premiers ministres candidats n’étaient plus en fonction parfois depuis plusieurs années (Pompidou, Chaban-Delmas, Chirac en 1981) ou étaient des premiers ministres sortants de cohabitation (Chirac en 1988, Balladur en 1995, Jospin en 2002). A cet égard, Manuel Valls innove : il n’observe aucun délai d’attente, il n’a pas cohabité avec le Président sortant et il a choisi de démissionner de ses fonctions. Ces éléments seront-ils suffisants pour que le candidat Valls franchisse les obstacles de la primaire de gauche puis de l’élection présidentielle ? Le pari est audacieux, le défi est immense car il exige que le Premier ministre clivant d’hier devienne demain le grand réconciliateur des gauches et parvienne à réveiller un « peuple de gauche » en plein désarroi.