Reportage - Le renoncement de Hollande laisse le PS Sciences Po divisé
Le 1er décembre, François Hollande renonçait dans une allocution télévisée à se représenter à l’élection présidentielle en 2017. Quatre jours plus tard, Manuel Valls démissionnait de son poste de Premier Ministre pour se porter candidat à la primaire de la Belle Alliance Populaire qui réunit le Parti Socialiste et ses alliés. Au PS Sciences Po, le débat fait rage entre ses partisans et ceux d’autres candidats. Reportage d'Antoine Piel, étudiant à l'Ecole de journalisme de Sciences Po.
“Comment voulez-vous redonner le goût de la politique à la jeunesse avec vos propositions ?” lance un jeune étudiant debout, laissant les débatteurs groggy. Le 23 novembre dernier, dans l’amphithéâtre Caquot, le débat entre les représentants de François Hollande, encore présumé candidat, de Benoît Hamon et d’Arnaud Montebourg se déroule pourtant dans une ambiance “apaisée” selon Sabri Meguedem, co-organisateur de l’événement pour La Péniche, le journal des étudiants de Sciences Po. “C’était un débat de fond” ajoute-t-il. Revenu universel, transition énergétique, emploi et projets européens sont notamment passés au crible. Mais l’amphithéâtre sonne un peu creux et seulement 25 à 20 curieux assistent aux échanges.
Pierre C.*, en deuxième année de master politiques publiques, y représente François Hollande dont il s’apprête alors à être le “point d’ancrage” à Sciences Po. Venant de Corrèze, il milite au Parti Socialiste depuis 9 ans et n’a fait campagne que pour François Hollande : "Je n'ai milité que pour lui !". Devant sa télé le soir du 1er décembre, le renoncement du Président à se représenter est pour lui un choc. “J’étais très surpris et vraiment triste. Cela laisse un vide remarquable.” Lui ne se dit “pas prêt” à soutenir Manuel Valls aux primaires. Il évoque pêle-mêle l’utilisation du 49.3 pour les lois Travail et Macron ainsi que les “gauches irréconciliables” dénoncées par Manuel Valls. Il impute également la responsabilité de la déchéance de nationalité à l’ancien Premier Ministre. “C’est lui qui a poussé pour ça” pointe-il. Arthur Moinet, étudiant en deuxième année, partage sa position, regrettant par ailleurs le côté “social-libéral” de Manuel Valls. Ils se disent donc prêts tous les deux à soutenir Vincent Peillon qui devrait annoncer sa candidature le 10 décembre même si Arthur reconnaît qu’il n’a “sans doute pas la carrure.” Mais, selon eux, c’est celui qui incarne le mieux le bilan de François Hollande.
Valls, Montebourg, Peillon, Hamon... le coeur du PS Sciences Po balance
Ce n’est pas l’avis de Dorine P.*. En première année de master politiques publiques à Sciences Po, elle est aussi militante à Saint-Fargeau-Ponthierry en Seine-et-Marne. Le visage encore juvénile, elle a l’air déterminé d’une future femme politique. “Manuel Valls est le meilleur candidat car c’est le seul qui défend une gauche ancrée dans le réel !” affirme-t-elle. Très sereine quant aux chances de l’ancien Premier ministre, elle rit franchement à l’évocation de la probable candidature de Vincent Peillon. “La majorité des Hollandais que je connais va soutenir Manuel Valls” assure-t-elle. Dorine compte même prendre un peu moins de cours au semestre prochain pour s’investir à fond dans la campagne de celui qu’elle voit déjà gagner le 29 janvier.
Maëlle Gélin, secrétaire de la section Jean Zay de Sciences Po et étudiante en histoire à l’Ecole doctorale, n’est pas du même avis : “Il faut ancrer le Parti Socialiste à gauche pour contrer le programme ultraconservateur de François Fillon”. La militante soutient Arnaud Montebourg depuis longtemps et a intégré son équipe de campagne. La jeune étudiante ne se reconnaît plus dans les politiques du gouvernement qu’elle reproche à Manuel Valls comme à François Hollande. D’autant que la section sort affaiblie du quinquennat en cours. “C’est difficile mais ce n’est pas non plus l’hémorragie. Quelques étudiants en première et deuxième année nous ont rejoint” confesse-t-elle. “Il y a aujourd’hui 70 adhérents et sympathisants et 30 militants” indique-t-elle. Toutefois, de source proche de la section, on moque ces chiffres “officiels”. Ils ne seraient que dix militants actifs.
Mais les socialistes sont également représentés à Sciences Po par le Mouvement des Jeunes Socialistes. Les relations ne sont d’ailleurs pas des plus chaleureuses avec la section Jean Zay même s’il leur arrive de militer ensemble. Arthur Moinet parle même de sections indépendantes. “Il n’y a pas de relation du tout” ajoute-t-il. Les membres du MJS soutiennent plutôt Benoît Hamon, qui en a été le premier secrétaire national de 1993 à 1995. Contactés, les militants le soutenant n’ont pas donné suite à nos sollicitations.
Si les militants du PS Sciences Po sont divisés, ils se retrouvent toutefois sur une chose, le combat face à la droite. « Nous sommes dans le même bateau. Certes pas dans la même cabine, mais dans le même bateau » disait à l’issue du débat du 23 novembre Pierre C., cité par La Péniche. La section ne soutient ainsi collectivement aucun candidat et vient de mettre en place des groupes de travail pour nourrir leurs propositions. Mais les socialistes de la rue Saint-Guillaume vont avoir du mal à militer activement, la campagne concordant avec les vacances de l’institut parisien. Ils devraient être tous appelés à tenir des bureaux de vote et tractent chacun dans leur région respective, à Nantes pour Arthur Moinet par exemple. Pour lui, ce n’est pas en vain. “Bien sûr que la gauche a une chance en 2017 !” s’exclame-t-il. “Les Français vont se rendre compte que le programme ultra-radical de Fillon est dangereux.”
Les derniers sondages sur la primaire donnent Manuel Valls largement en tête au premier tour, mais au coude-à-coude au second avec Arnaud Montebourg. Cependant ils n’incluent pas encore la candidature de Vincent Peillon.
*Le nom de famille a été enlevé à la demande de l'étudiant