Émile Magazine

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L'infiltré - Et si vous deveniez député(e) ?

Un infiltré nous livre une chronique hebdomadaire dans laquelle il dévoile les coulisses de la vie politique. Cette semaine, les dessous de la sélection des députés d'"En marche". 

Comme Emmanuel Macron est un visionnaire, il invente chaque jour une nouvelle façon de faire de la politique et trouve à chaque problème sa solution.

Depuis que le site "En Marche !" a ouvert une page dédiée aux législatives, plus de 5000 personnes se sont enregistrées pour devenir député. 

Le mouvement ne faiblit pas et chaque jour, il en arrive de nouveaux. Rien que pour la journée de mercredi, on a enregistré les CV de François Bayrou, François de Rugy et Jean-Louis Bourlanges.

À ce rythme-là, on risque l'embouteillage.

Heureusement, Emmanuel Macron a eu une idée, une excellente idée, une idée révolutionnaire. Une idée que personne n’avait jamais eu : créer une commission. C’est celle que Jean-Paul Delevoye préside.

Qui est Jean-Paul Delevoye ? Un homme nouveau. Depuis qu’il a rencontré Emmanuel Macron, rien n’est comme avant, sa vie a changé. 

Successivement maire, conseiller général, conseiller régional, député, sénateur, ministre, médiateur de la république, défenseur des droits, président du Conseil économique social et environnemental, sa fiche Wikipédia affiche un total cumulé de 75 ans 2 mois et 123 jours de mandats publics. C’est plus que son âge. 

C’était donc l’homme parfait pour incarner le changement dont Emmanuel Macron a fait sa marque de fabrique. 

Neuf membres titulaires et trois membres suppléants ont été désignés par Emmanuel Macron afin de choisir les futures député(e)s de la France en marche. 

On appelle ça l'uberisation de la politique. En d'autres temps, on aurait parlé de centralisme démocratique.

Pourquoi perdre son temps avec une désignation démocratique ? Faire voter les adhérents d’"En marche !" pour qu'ils choisissent leurs candidats aux législatives ? Mais, vous n’y pensez pas ! C’est tellement old school ! 

Un des membres de la commission d'investiture, ci-devant député socialiste, a été rappelé d’urgence du Sénégal où il pensait profiter de ses dernières semaines de parlementaire, pour participer aux premiers travaux. Il s’inquiète du volume de candidatures à examiner : « Il va nous falloir des mois pour éliminer les zozos et trouver les bons ». 

A ce jour, la commission a prévu de rendre ses décisions le 15 mai prochain. Attention à ne pas musarder en chemin car les élections ont lieu le 11 juin. Il faudrait quand même que les candidats aient encore le temps de faire un peu campagne

Mais, un autre problème se pose plus encore crucial que le respect des délais : le manque de femmes. Pour l’instant, elles ne représentent que 15% des candidatures enregistrées alors qu’Emmanuel Macron s’est engagé à présenter autant de femmes que d’hommes. 

Pour cela, des réunions de sensibilisation et de mobilisation se multiplient partout en France. Comme pour les émissions de télé-réalité, on assiste à de véritables séances de coaching. Des professeurs de chant ont même été réquisitionnés pour apprendre à poser la voix. 

Par souci de transparence, les équipes du candidat préviennent également des légères contraintes que pourrait entraîner une candidature aux législatives. 

Quand une amie, très intéressée par la fiche de poste a voulu en savoir plus, elle s’est vue expliquer par SMS les conditions indispensables pour faire campagne. Voici le contenu du message : 

«  1- D'abord il faut de l’argent : environ 50 000 - 70 000 euros de budget. "En marche !" ne donnera rien. 

2- Ensuite il faut du temps : renoncer à son job le temps de la campagne ou demander à son employeur de pouvoir bénéficier des 21 jours réglementaires qu’il ne peut refuser à un salarié

3- Enfin il faut des réseaux : la candidature doit être assortie de lettres de recommandation de « notables » locaux (présidents d’association, d’université...) pour montrer son importance locale. ». 

En revanche, ce que le SMS ne lui expliquait pas, c'était l'endroit où trouver le programme présidentiel d’Emmanuel Macron. Rien de plus normal : à ce stade, il n’est pas certain que lui-même le sache.

Il y a en revanche une chose que les équipes d’"En Marche !" ont oublié de dire à leurs futurs candidats, c’est qu'une campagne, ça peut finir mal. Autrement dit, par une défaite. 

Les députés socialistes le savent bien, eux qui se préparent à partir au front, revêtus du rouge garance du programme de Benoît Hamon.  

Dans les couloirs de l’Assemblée nationale, ils sont de plus en plus nombreux à s’inquiéter de la concurrence d’éventuels candidats macronistes dans leur circonscription. 

Notre député socialiste, membre de la commission de sélection, est d’ailleurs très courtisé depuis qu’il a accédé à cette nouvelle fonction. Il n’a jamais eu autant d’amis. 

A mesure que l’hypothèse Macron se confirme pour la présidentielle, ses collègues du groupe socialiste se font plus prévenants. Histoire de ne pas insulter l’avenir. L’un deux a été encore plus clair : « Je te fais confiance. Envoie-moi un bien nul ! ». 

Promis, il y veillera.