Le choix d'un mot - Démocratie
Ami proche et conseiller spécial de François Hollande, ancien député et ancien maire de Quimper, Bernard Poignant (promo 62) connaît fort bien les rouages de la politique. Alors que débute l’année 2017, Émile lui a demandé de choisir un mot, qui soit en lien avec la politique. Bernard Poignant a voulu écrire une lettre à la démocratie, entre critique et bienveillance…
Définition (source : Larousse) :
- Système politique, forme de gouvernement dans lequel la souveraineté émane du peuple.
- État ayant ce type de gouvernement.
Chère démocratie, tu vas être très sollicitée cette année, au moins pour les élections. Tu nous viens de loin, du pays hellène, de l’Athènes de Périclès. Déjà là-bas tu n’étais pas parfaite. Tu excluais les femmes et les esclaves. Mais il y a vingt-cinq siècles et vous n’étiez pas très nombreux sur l’agora à délibérer des affaires de la cité.
Depuis tu as fait du chemin. Pour la seule France il aura fallu attendre la fin du XVIIIe siècle pour étendre la qualité du citoyen et encore à condition qu’il soit actif et non passif, qu’il ait du bien à défendre car sans propriété, on n’a rien à défendre ! Tu as accordé un droit plus universel avec la seconde république, mais toujours aux seuls hommes. Les femmes ont pu accéder aux urnes il y a seulement trois quarts de siècle et les jeunes de 18 ans il y a moins d’un demi-siècle.
Malgré cela ta démocratie dite représentative est à cette heure atteinte de la maladie de la méfiance. Beaucoup de citoyens à qui tu as donné ce droit de voter, de choisir celles et ceux qui vont décider au nom du peuple, doutent, critiquent, deviennent indifférents, s’éloignent et il y en a qui sont même en colère.
Tu as donc besoin d’un autre pilier pour trouver un nouveau souffle. À côté de la représentation, des citoyens attendent de la participation, de l’association, de la discussion avant toute prise de décision. C’est la chose la plus difficile à inventer car il ne faut pas détourner la participation. Un petit nombre ne peut pas imposer son point de vue. Une minorité absolue est pire qu’une majorité hégémonique ! Un groupe de pression défend l’intérêt particulier de son activité ou de ses membres. Il ne rencontre pas forcément l’intérêt général. Pourtant, tout le monde cherche dans cette période à renouer le lien de confiance entre le peuple et ses représentants. Référendum en cascade, tirage au sort, groupes de citoyens, utilisation d’internet… l’imagination est fertile.
Mais, chère démocratie, tu ne dois pas te limiter aux élections. Car tu es aussi un système de droits et de libertés. On a connu des démocraties dites populaires où on emprisonnait, torturait, assassinait. En même temps, c’est ta noblesse et ta force : tu admets qu’on puisse « démocratiquement » combattre la démocratie, c’est-à-dire en utilisant les moyens que tu mets à disposition de ceux qui te combattent.
Malgré tout si je regarde le monde depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, tu progresses, ma chère démocratie. Sur tous les continents en Amérique surtout latine, en Europe depuis la chute du mur de Berlin, en Afrique, au moins dans plusieurs pays, en Asie aussi, même si beaucoup d’efforts sont encore à accomplir.
Bref, chère démocratie, tu as bien des défauts. Mais sache qu’on t’aime et que tu vaux mieux que tous les autres régimes !
Par Bernard Poignant (promo 62)