L'infiltré - Un hologramme de campagne
A TRAVERS LES COULOIRS DES PALAIS DE LA RÉPUBLIQUE, JE CIRCULE PARMI MES SEMBLABLES, SOUVENT D'ANCIENS SCIENCES PO ATTIRÉS PAR LES LUMIÈRES DE LA POLITIQUE. JE SUIS UN INFILTRÉ AU COEUR DU POUVOIR, J'EN CONNAIS TOUS LES CODES, TOUS LES USAGES.
Après l'emploi fictif de Pénélope Fillon, voici le candidat fictif selon Jean-Luc Mélenchon. Décidément, la réalité virtuelle prend chaque jour un peu plus le contrôle de notre vie politique...
Né du trotskisme, envoûté par le mitterrandisme, ennemi et allié du communisme, l'ancien sénateur socialiste poursuit son évolution politique. L'hologrammisme, stade suprême du mélenchonisme.
Les mots étaient forts : avec cette prouesse technologique, la gauche renouait avec sa tradition de progrès, comme si créer un double de soi-même était une mesure de gauche...
Qu'on nous autorise au moins d'en douter.
Avec son hologramme, Jean-Luc Mélenchon réalisait plutôt le rêve de tout bon candidat en campagne : se dédoubler pour être à plusieurs endroits en même temps et rencontrer ainsi le maximum de personnes.
Avec 10 000 supporters à Lyon et 6 000 à Aubervilliers où il s'était téléporté avec deux secondes de décalage, Jean-Luc Mélenchon faisait mieux qu'Emmanuel Macron, ce "jeune banquier pétaradant" !
Quel député en quête de réélection n'a pas fait çà : prenant l'apéritif dans un endroit et avalant l'entrée dans un autre, dévorant le plat de résistance ici et goûtant le dessert là. On reconnaît un élu de terrain à sa capacité à dîner plusieurs fois chaque soir.
Plus ou moins glorieux, les exemples historiques ne manquent pas non plus qui disent cette folle espérance, celle de se dédoubler pour se faire élire.
Jusqu'en 1889 en France, le droit électoral et le scrutin départemental autorisaient d'ailleurs à un candidat aux élections législatives de se présenter simultanément à plusieurs endroits.
Il fallut le scandale du boulangisme (du nom du Général Boulanger, rien à voir avec le prix des pains au chocolat selon Jean-Francois Copé) pour que cette pratique cessât.
Mais ce furent d'autres références historiques qui nous vinrent à l'esprit en voyant Jean-Luc Mélenchon sanglé dans sa veste militaire grise, dimanche dernier à Lyon.
Il avait ce jour là des allures de vieux guérillero en embuscade, descendu de la sierra, le regard plus sombre, le verbe plus haut, les imprécations plus définitives que jamais.
Il nous revint qu'il était de tradition ancienne d'utiliser des sosies politiques en Amérique.
Fidel Castro lui-même avait l'habitude d'utiliser de nombreuses doublures, plus ou moins ressemblantes, pour des raisons évidentes de sécurité ou de propagande.
On dit qu'Hillary Clinton eut recours, lors de sa dernier campagne, à une actrice pour masquer ses absences médicales.
Faut-il que l'ancien sénateur de l'Essonne ait à coeur de laisser une trace dans l'Histoire pour qu'il en soit venu d'ores et déjà à s'inventer un double ?
À l'évidence, chez Jean-Luc Mélenchon, l'éloquence ne suffit plus et les mots ont disparu derrière l'image, son image à lui.
Ou bien est-ce parce qu'il sent cette campagne lui échapper, lui le vieux lider máximo, rattrapé par le jeune Benoît Hamon, nouvel arrivant sur la scène politique à gauche, aux allures de Tintin avec son "futur désirable".
Le candidat désigné par la Belle Alliance Populaire lui a volé ce qui aurait pu être sa proposition phare et qui est à ce jour la seule trouvaille de cette campagne sans idée : le revenu universel.
Depuis, la gauche déboussolée tourne autour de ce nouveau totem, sans en comprendre toujours les tenants et les aboutissants.
Alors, comme un vieux clown fatigué, Jean-Luc Mélenchon se démultiplie, se dédouble, se téléporte et, à mesure que son image se reproduit, ses idées s'estompent, s'évanouissent, se banalisent.
Et si la fréquentation de sa chaîne YouTube explose, comme à chaque fois, les intentions de vote dans les sondages s'érodent à mesure qu'on approche de l'échéance.
Jean-Luc Mélenchon le sait bien : cette fois-ci encore, ce ne sera pas la bonne et il redoute en son fors intérieur de se voir appliquer la théorie politique qu'il va partout répétant : le "dégagisme"...