Le billet de Pascal Perrineau : une élection présidentielle sous influence législative ?
D’habitude, sous la Vème République, l’élection présidentielle a toujours été l’élection maîtresse qui soumettait à sa loi les élections législatives. Ce fut le cas en 1981 où François Mitterrand, vainqueur en mai, avait dissous l’Assemblée nationale et avait déclenché un raz-de-marée socialiste lors des législatives de juin. Ce fut encore le cas, avec plus d’imprécision, en 1988. Puis, bien sûr, une fois l’inversion du calendrier électoral inscrit dans la loi organique du 15 mai 2001, les législatives post-présidentielle vont apporter au Président nouvellement élu une majorité législative à sa main. Ce fut le cas en 2002 pour Jacques Chirac, en 2007 pour Nicolas Sarkozy et en 2012 pour François Hollande. Cette fois-ci dans le cadre du grand dérèglement politique qui semble affecter l’élection présidentielle, il se peut que le second tour voit s’affronter deux candidats qui n’ont pas de majorité pré-construite. Marine Le Pen n’a que deux députés dans l’Assemblée nationale sortante et aucun allié susceptible pour l’instant de « co-construire » une majorité même si l’effet de souffle d’une victoire présidentielle contribue à dynamiser les forces qui soutiennent le (ou la) Président(e). Emmanuel Macron situe son combat politique au-delà du clivage gauche-droite qui, pour l’instant, est ultra-majoritaire à l’Assemblée nationale et il ne pourrait élaborer une majorité législative que sur les décombres de la droite et de la gauche sachant que les énergies, qu’il appelle de ses vœux, de la « société civile » ne seront pas suffisantes pour accoucher une majorité nouvelle.
Ainsi, la question « quelle sera votre majorité législative pour gouverner et mettre en œuvre votre projet présidentiel ? » n’a jamais eu autant d’acuité. Cette question vient maintenant hanter le débat présidentiel afin que l’élection présidentielle du 7 mai prochain ne soit pas une « élection inachevée ». Qu’est-ce qu’une « majorité nationale et anti-européenne ?» Qu’est-ce qu’une « majorité centrale et pro-européenne ?» Voilà deux questions qui méritent d’être posées sans relâche et qui exigent des réponses claires et convaincantes. Or, la tâche n’est pas facile. Rappelons que, lorsque le général de Gaulle est revenu au pouvoir en 1958, l’homme « neuf » qu’il était mais qui était porteur d’une légitimité historique peu commune n’avait réussi, lors des élections législatives de novembre 1958, à obtenir qu’à peine 200 députés gaullistes dans une Assemblée nationale de 579 députés et qu’il avait été obligé de former un gouvernement de coalition avec les partis anciens de la droite, du centre et de la gauche modérée. Même pour de Gaulle, la nouveauté radicale avait ses limites.