Le billet de Pascal Perrineau : la fatigue et l’hésitation démocratiques
Dans une de ses dernières enquêtes, l’institut IPSOS (sondage effectué du 25 au 27 mars) précise que 65% des Français ont pour l’instant l’intention d’aller voter. Si cela n’évolue pas d’ici le premier tour, l’élection présidentielle de 2017 pourrait battre un record d’abstention. D’habitude entre 72% et 85% des électeurs inscrits se rendent aux urnes présidentielles. Un niveau d’abstention nettement supérieur à 30% serait le signe d’une grande lassitude civique des Français. La même enquête relève que seuls54% des électeurs âgés de moins de 35 ans, 54% des ouvriers ou encore 57% des employés ont l’intention de se déplacer aux urnes. La fracture civique épouse assez profondément une fracture générationnelle et sociale préoccupante pour l’avenir de notre système démocratique. Cependant, on comprend bien comment le spectacle d’une campagne ponctuée par le rythme des « affaires » et incapable de nouer un véritable débat autour des enjeux qui préoccupent au quotidien les Français (terrorisme, chômage, protection sociale, immigration…) engendre inéluctablement un mouvement de retrait civique.
Pour ceux qui restent encore suffisamment intéressés pour envisager de se rendre aux urnes, c’est l’hésitationqui s’impose souvent. Sur cent citoyens exprimant un choix, seuls 59% disent être sûrs de leur vote et 41% disent qu’ils peuvent encore changer. Cette hésitation est particulièrement forte parmi les soutiens de Benoît Hamon (52%) et ceux d’Emmanuel Macron (47%). Elle n’est pas négligeable (40%) chez les électeurs qui soutiennent Jean-Luc Mélenchon alors qu’elle est relativement faible à droite : 16% chez les soutiens de François Fillon et 18% chez ceux de Marine Le Pen. La gauche soumise à un profond mouvement de désintégration et de recomposition libère un nombre important d’hésitants qui errent dans l’espace qui va d’Emmanuel Macron à Jean-Luc Mélenchon en passant par le candidat du Parti socialiste écartelé entredeux mouvements centrifuges qui poussent les électeurs de la gauche d’hier vers le candidat qui, dans son ardeur novatrice, oublie jusqu’à son ancrage de gauche et le candidat de la gauche d’alternative qui du Parti socialiste veut faire table rase.