Émile Magazine

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Portrait - Constance Rivière, la surdouée

D’eux, on ne sait pas grand-chose finalement. Leur rôle est de conseiller, dans l’ombre, le président de la République. Leurs attributions évoluent souvent dans le temps, confrontées à la dure et éprouvante réalité politique et présidentielle. Émile dresse le portrait de quatre conseillers, qui sont restés fidèles à François Hollande jusqu’à la fin de son mandat, et qui ont eu des dossiers importants à gérer tout au long de ce quinquennat. Parler d’eux, c’est une façon de rentrer dans le cercle restreint du pouvoir élyséen.

Passionnée de cinéma, normalienne et énarque, engagée au PS depuis l’âge de 15 ans, Constance Rivière entre à l’Élysée en mai 2012 après avoir activement participé à la campagne qui a mené François Hollande au pouvoir. Au cours du quinquennat, elle occupe successivement trois postes différents dans l’organigramme de la présidence et se retrouve souvent au coeur des dossiers les plus brûlants de la mandature.

Conseillère « institutions, société et libertés publiques », elle travaille sur les grands textes du quinquennat : le mariage pour tous, les lois transparence, le non-cumul des mandats et la loi droits des femmes. Constance Rivière effectue un travail principalement juridique et administratif. Pour être efficace, elle comprend rapidement qu’il ne faut pas faire cavalier seul. « Les moments où l’on a réussi au mieux à faire avancer les dossiers, c’est lorsqu’il y avait un alignement Élysée-Matignon-ministre », assure-telle. « Le rôle du conseiller à l’Élysée c’est d’être une courroie de transmission, en faisant comprendre au ministre quand un dossier est prioritaire ; mais c’est aussi être présent pour aider le ministre en charge. » En revanche, la jeune conseillère met du temps à trouver sa place auprès des parlementaires. Au départ, elle respecte scrupuleusement la séparation entre Matignon et l’Élysée – préconisée par François Hollande – pour ne pas empiéter sur le rôle de chef de la majorité du Premier ministre. « A posteriori je pense que c’était une erreur car, même si institutionnellement c’est à Matignon de traiter cette partie, les parlementaires sont frustrés quand ils ne peuvent pas avoir un accès direct à l’Élysée. » Finalement, elle juge la séparation « trop artificielle » et constate que lorsqu’elle a travaillé directement avec les parlementaires sur le mariage pour tous ou les droits des femmes, « cela fluidifiait les choses de manière très nette ».

En janvier 2015, elle est nommée directrice adjointe de cabinet, deux jours avant l’attentat contre Charlie Hebdo. « À ce poste, j’ai passé un an dans l’urgence, à faire de la gestion de crise. » La dimension juridique, qui prévalait lorsqu’elle était conseillère institutions, est également présente puisque l’une des premières tâches qui lui incombe le soir du 7 janvier est de s’occuper des textes encadrant l’état d’urgence. Les semaines et les mois qui suivent, elle s’attelle plutôt à la problématique de l’accompagnement des victimes.

La réflexion et le travail qu’elle mène en lien avec le Quai d’Orsay et le ministère de la Justice aboutissent à la nomination de Juliette Méadel comme secrétaire d’État chargée de l’aide aux victimes, en février 2016. « L’année 2015 fut très difficile et la gestion du suivi des victimes était un dossier très lourd à gérer, notamment d’un point de vue psychologique. » Constance Rivière est donc soulagée lorsque le président lui propose un autre poste en février 2016. Celle qui a suivi des études de cinéma et qui a rédigé plusieurs rapports sur le champ culturel, retourne à son premier amour en étant nommée conseillère spéciale chargée de la culture et de la citoyenneté. « Le président savait que j’avais un intérêt pour les questions culturelles, et en même temps il m’a proposé de garder, via l’appellation “citoyenneté” une partie des dossiers que je suivais ; jeunesse et engagement, minorité, banlieues, discrimination… »

Cinq ans après son entrée au château, nous lui demandons de qualifier le bilan de cette ère Hollande qui s’achève. « C’était un mandat de justice, de morale et d’éthique », répond-elle. « De progrès aussi, car de nouveaux droits ont été créés, et ce n’est pas toujours le cas. » D’ailleurs, Constance Rivière est profondément inquiète, car elle craint que ces nouveaux droits, notamment le mariage pour tous, soient remis en cause par le prochain président. Que tout le travail effectué soit « balayé d’un revers de la main ». Mais c’est le jeu de la démocratie.
Son avenir à elle la préoccupe moins. « Comme je viens du Conseil d’État, je n’ai pas de sujet de reconversion professionnelle. »

Elle en est déjà partie depuis cinq ans et demie et estime qu’il « ne faut pas rester éloigné trop longtemps, sinon c’est dur d’y revenir, c’est un métier très exigeant ». Mais elle n’exclut pas de travailler à nouveau en cabinet, d’ici cinq ou dix ans, si la gauche revient au pouvoir…