Portrait - Thomas Mélonio, l'Africain
D’eux, on ne sait pas grand-chose finalement. Leur rôle est de conseiller, dans l’ombre, le président de la République. Leurs attributions évoluent souvent dans le temps, confrontées à la dure et éprouvante réalité politique et présidentielle. Émile dresse le portrait de quatre conseillers, qui sont restés fidèles à François Hollande jusqu’à la fin de son mandat, et qui ont eu des dossiers importants à gérer tout au long de ce quinquennat. Parler d’eux, c’est une façon de rentrer dans le cercle restreint du pouvoir élyséen.
Économiste, spécialiste du continent africain, Thomas Mélonio participe à la campagne présidentielle de 2012 avant d’être recruté par François Hollande en tant qu’adjoint à la conseillère Afrique, Hélène Le Gal. Lorsqu’elle quitte le navire en août 2016, il reprend le poste. Appartenant ainsi à la cellule diplomatique, il intègre le « domaine réservé ». « C’est l’Élysée qui coordonne l’action de l’État pour la politique étrangère », précise le jeune homme aujourd’hui âgé de 37 ans. Concernant l’Afrique, cela se traduit notamment par une réunion hebdomadaire réunissant l’ensemble des services de l’État ayant des cabinets ou des directions avec une
dimension africaine : ministères des Affaires étrangères, de l’Économie, de la Défense et de l’Intérieur, DGSE, Agence française de développement… Très vite, le principal dossier de crise abordé dans ces réunions est le Mali.
Avec le poste qu’il occupe, Thomas Mélonio se retrouve d’ailleurs au coeur du déclenchement de l’intervention au Mali. Un événement profondément marquant dont il se rappelle le déroulé heure par heure. « Tout d’abord des renseignements nous remontent, de plus en plus précis. On les relaie au président, de manière conjointe avec la cellule diplomatique et l’état-major particulier. Ensuite, le mécanisme plus formel de l’opération est déclenché par une réunion du conseil de défense et un compte-rendu écrit qui donne l’ordre. » Le 11 janvier 2013, l’opération Serval est officiellement sur pied. En parallèle du déploiement militaire, une autre bataille se livre en coulisses : celle des manoeuvres diplomatiques. « Le Mali avait déjà formulé une requête d’assistance, ce qui suffit à créer un cadre légal, selon la Charte des Nations unies », explique Thomas Mélonio, « mais François Hollande voulait également une résolution de l’ONU, une déclaration de l’Union africaine et des déclarations de soutien des pays de l’UE ». La France doit alors montrer la force de son réseau diplomatique. Il faut convaincre les membres du Conseil de sécurité, les pays africains et européens. « L’opinion en France, sur le caractère légal ou soutenu d’une intervention, se forge en général dans les 48 à 72 heures qui suivent la décision. » Il faut donc faire vite.
L’intervention au Mali est une nouvelle manifestation du rôle particulier joué par la France sur le continent africain. « Au Proche et au Moyen-Orient, par exemple, les coalitions se sont principalement formées autour des États-Unis, qui fait l’essentiel des manoeuvres diplomatiques et apporte l’essentiel des moyens militaires. Dans ces cas-là, la France n’est qu’un partenaire parmi d’autres », explique Thomas Mélonio. « Alors qu’en Afrique, la France a un rôle de pivot puisque des coalitions se forment autour d’elle. » Mais toutes les interventions dans lesquelles la France est impliquée ne sont pas bien accueillies, notamment celle en Lybie en 2011, qui n’avait pas reçue l’approbation de l’Union africaine. « Lors de mes déplacements en Afrique, j’ai entendu de nombreuses critiques sur le sujet, on reproche à la France de ne pas avoir consulté les pays africains et d’avoir créé le chaos », relate le conseiller. Des déplacements, il en a effectué 24 en compagnie de François Hollande au cours du quinquennat. L’occasion de mesurer la popularité de certaines décisions ou déclarations du président. « Sur certains dossiers comme l’ouverture des archives sur le Rwanda, l’Algérie, le conflit post-colonial au Cameroun… le chef de l’État a fait des gestes qui ont été appréciés. » L’histoire des tirailleurs africains reste également très vive dans les mémoires. « Quand François Hollande a déclaré qu’en intervenant au Mali on payait d’une certaine manière notre dette aux tirailleurs, j’ai été frappé de voir que l’impact a été très fort dans les pays concernés. »
Un regret demeure cependant pour Thomas Mélonio. « Dans certains pays africains, les chefs d’État en place ont modifié la Constitution pour se préserver eux-mêmes. Nous ne sommes pas responsables car ce ne sont pas des préfectures françaises, mais je regrette que l’on n’ait pas réussi à être plus influent, à convaincre pour ancrer plus fortement l’État de droit. » Après ces cinq ans passés à conseiller le président sur sa politique africaine, Thomas Mélonio, mis à disposition par l’Agence française de développement, prévoit de la réintégrer. L’occasion de mettre à profit son expérience acquise au château et sur le terrain.