Émile Magazine

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D'un mot - L'Elysée

Quel meilleur mot choisir pour celui qui a coécrit en 2016, avec Jean Garrigues, Élysée Circus, une histoire drôle et cruelle des présidentielles ? Pour Émile, Jean Rulhmann, maître de conférences et docteur en histoire à Sciences Po, évoque avec humour ce lieu de pouvoir chargé de symboles qu’est l’Élysée. 


Élysée - Définition

1. Lieu délicieux de la mythologie grecque, qui faisait partie des Enfers, et était le séjour des âmes des héros et des hommes vertueux.
2. Palais situé à Paris, résidence du président de la République.

(Source : Larousse)


On sait tout ou presque sur cet hôtel particulier devenu palais sans jamais être château, si ce n’est dans le langage courant : des origines nobiliaires au spectre large (de madame de Pompadour à Bathilde d’Orléans, tante de Louis-Philippe), puis un passé bonapartiste qui lui rapporte le surnom d’« Élysée-Napoléon ». Devenu lieu d’élection pour les présidents des Républiques successives, il a longtemps montré porte close à la gauche française jusqu’à l’arrivée de Vincent Auriol en 1947. Serait-ce en raison d’un passé qui, on le voit, respecte à la lettre la célèbre tripartition des droites professée par René Rémond dans des « Boutmy » bondés !

L’irrésistible attrait que ce bâtiment ni très beau ni très commode exerce auprès du monde politique n’a rien d’étonnant : les uns y songent « pas seulement en se rasant » (Nicolas Sarkozy dès 2003), quand d’autres y pensent « en nous rasant » (Guillaume Bachelay en 2011 à propos de François Hollande). Élire domicile à l’Élysée, c’est pénétrer dans l’Olympe politique : la IIe République vit le neveu faussement falot d’un prestigieux empereur y prendre ses aises, et donner à son clan le nom de « Parti de l’Élysée » (terme encore utilisé de nos jours) ; la IIIe République y envoyait habituellement un parlementaire au cursus parfait, la présidence du Sénat offrant le meilleur des tremplins. Que dire alors de la Ve, inaugurée par l’installation du « plus illustre des Français » selon René Coty, dernier président de la IVe, suppliant le général de Gaulle de quitter Colombey ?

En dépit de baux à durée variable – mandats de quatre, puis sept, et enfin cinq ans plus ou moins renouvelables au gré des républiques et des réformes – le gîte reste prisé, la cuisine raffinée, et la cave réputée. Mais l’on n’en foule le gravier puis les marches du perron qu’après une longue et éprouvante « course à l’Élysée », tout près des Champs du même nom. Une fois dans les murs, son « locataire » contemple et arbitre des luttes homériques que se livrent conseillers et sherpas pour des bureaux de la taille d’une chambre de bonne à peine conforme à la loi ALUR : l’Élysée n’est pas une métonymie pour rien…

« L’Élysée », curieux nom en vérité, qui comporte une élision, et se prête à de singulières assonances, du genre : « Eh ! Lisez » donc un peu la presse avant de choisir son occupant pour les cinq ans à venir. Ensuite, « Élisez » qui vous voudrez : vous êtes les bailleurs… mais lisez bien le contrat !