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Virginia Raggi, maire de Rome : "Il faut recréer un lien fort entre citoyens et institutions."

« Smart development », réforme des transports publics, valorisation du patrimoine culturel : Rome fait face à de nouveaux défis. Dans un climat politique et social marqué par l’incertitude, la régénération urbaine de la capitale italienne est au cœur des préoccupations de Virginia Raggi, maire de Rome depuis juin 2016. Pour Émile, elle détaille les grands axes de sa politique pour la ville.

Propos recueillis par la rédaction d'Émile - Traduction : Elisabetta Lamanuzzi et Maïna Marjany

La Via dei Fiori à Rome (Crédit : CC)

Quels sont, pour Rome, les principaux défis des 20 prochaines années ?

Développement durable et inclusif ; participation démocratique aux processus décisionnels de l’administration de la ville ; sauvegarde de l’environnement à travers une stratégie d’interventions ciblée sur les transports publiques et privés : ce sont nos priorités parmi la longue liste de défis qui attendent Rome. Ces défis que les Romains devront affronter, avec les pouvoirs publics, vont dessiner la ville du futur. Nous l’avons appelée « Révolution douce », parce qu’il s’agit d’un changement majeur qu’il faut mener avec la participation de tous les acteurs. Il s’agit surtout d’une importante opération culturelle pour relever une ville qui a beaucoup souffert après des années d’abandon et de mauvaise gouvernance.

À cause de la situation sociale et politique actuelle, nous devons aussi faire face à des thématiques qui ne peuvent pas être ignorées : par exemple, les questions liées à l’accueil et à l’intégration des immigrés, ainsi qu’à la sécurité. Il faut recréer un lien fort entre citoyens et institutions, renforcer les relations avec les autres grandes villes mondiales afin de mieux répondre aux enjeux futurs, notamment la lutte contre les changements climatiques et la défense de l’environnement.

La maire de Rome Virginia Raggi (crédit : CC)

Quel est le principal axe de développement pour la capitale ?

Nous devons imaginer une nouvelle économie qui stabilise le travail, qui soit orientée vers une offre de services et qui soit écoresponsable. Il faut réduire le gap  entre riches et pauvres, en portant une attention particulière à la classe moyenne et aux banlieues, qui devront devenir des nouveaux centre d’activités et d’attractivité. De forts investissements vont concerner la régénération urbaine, l’innovation technologique et la mobilité durable.

Nous souhaitons développer Rome pour en faire une « smart city ». Nous réfléchissons, par exemple, à un nouveau modèle de ramassage des ordures, que nous appelons exprès « matériaux post-consommation », afin d’arriver à un objectif clair : zéro déchet.  Ce nouveau modèle de ramassage high-tech avec des sacs dotés de puces électroniques, dont l’expérimentation est déjà en cours dans certains arrondissements de la ville, est le signe du changement que nous souhaitons. L’économie circulaire liée à la gestion durable des déchets, ouvre de nouvelles opportunités de travail. Et compte tenu de l’étendue de la métropole, la régénération urbaine doit se faire dans les frontières existantes de la ville et aucune expansion n’est envisageable.

Pensez-vous que les transports publics à Rome doivent faire l’objet d’une réforme ambitieuse ?

La capitale italienne est projetée vers le futur, l’innovation et la mobilité durable. La réforme des transports publics est une priorité : nous allons encourager l’usage des bus, du métro, des vélos et des voitures électriques. Nous sommes en train de rédiger un nouveau plan d’urbanisme qui prend en compte la réalisation de nouvelles lignes de métro, de tramways,  de funiculaires, de voies cyclables et d’espaces verts. Notre objectif est de réduire la circulation automobile.

Que pensez-vous du rôle des villes dans la transition écologique ? Doivent-elles avoir davantage de poids et de pouvoirs ?

Les grandes métropoles du monde sont les premières à être confrontées à des mutations importantes qu’elles doivent surmonter. Les États doivent reconnaitre ce rôle et accorder des pouvoirs supplémentaires ainsi que des ressources adéquates aux métropoles.

Quelles sont les évolutions des politiques liées à la sécurité qu’une ville comme Rome doit mettre en place, suite aux derniers épisodes de terrorisme qui ont frappé l’Europe ?

Les institutions sont très mobilisées et collaborent afin de garantir la sécurité des citoyens. À Rome, nous travaillons notamment sur l’augmentation des systèmes de vidéo-surveillance qui sont un support important pour l’action des forces de l’ordre. Nous avons investi plus de 500.000 euros pour équiper certaines zones périphériques de caméras et continuerons à développer ce projet.

Quelles sont les politiques prévues afin de renforcer l’attractivité de la ville ?

Rome est synonyme de culture. Notre ville accueille tous les ans un nombre très important de touristes, qui ont une image très positive de notre capitale. Mais Rome ne peut pas, et ne doit pas, se transformer en ville-musée. Elle doit faire vivre sa culture et son architecture, mais pas seulement. Nous sommes ouverts aux changements et aux nouvelles initiatives. En 2018, Rome accueillera une série de grands évènements internationaux. Par exemple, le 14 avril aura lieu l’E Prix (Formule E), une course de voiture électriques, ; le 23 septembre se déroulera la deuxième édition de la « Rome Half Marathon Via Pacis », grand rendez-vous où des sportifs du monde entier suivent un parcours dans les rues de Rome en passant devant les lieux de cultes emblématiques des différentes religions, un vraiment de dialogue entre les cultures et les religions.

Quelles sont les relations que Rome entretient avec les autres capitales européennes ? Une vraie coopération est-elle possible ? Et si oui, comment se concrétise-t-elle ?

On peut et on doit agir en tant que communauté. Il est nécessaire d’améliorer le dialogue et les occasions d’échanges entre métropoles. Les sujets d’interactions sont multiples : emploi, transports publiques, échanges commerciaux, culture, espaces verts et inclusion sociale. J’ai déjà eu l’occasion de rencontrer mes homologues, ici à Rome, à Paris et à Madrid, pour parler de ces sujets. J’ai récemment été à Mexico pour participer au Women4Climate (sommet international qui réunit les femmes maires des plus grandes villes, engagées pour agir contre le réchauffement climatique, ndlr) et partager la vision du futur de notre ville pour un développement durable.

Quelle image avez-vous de Paris ?

« Seule Paris est digne de Rome. Seule Rome est digne de Paris ». Nos villes sont liées par un jumelage exclusif(1), un lien très fort qui existe depuis plus de 60 ans. Ces mots, qui sont cités dans le mémorandum du jumelage entre Paris et Rome, résument encore aujourd’hui la relation exceptionnelle et directe entre nous.

(1) Très souvent, les grandes villes sont jumelées avec plusieurs villes. Ce n'est pas le cas de la ville de Paris qui a fait le choix en 1956 de n'avoir que Rome comme ville jumelée et réciproquement, pour la raison selon le slogan de l'époque que « Seule Paris est digne de Rome ; seule Rome est digne de Paris ».