Émile Magazine

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Sciences Ô, la voix ultramarine de Sciences Po

À l’occasion de la récente publication de la « Lettre ouverte à la jeunesse ultramarine » de Sciences Ô, Émile a interviewé Marie Lefevbre, vice-présidente de l’association. Créée il y a dix ans à l’initiative de quelques étudiants, Sciences Ô œuvre depuis à promouvoir les cultures des différents territoires et fait, dans le même temps, la médiation entre Sciences Po et les territoires d’Outre-mer en aidant les lycéens et lycéennes à préparer leur entrée dans l’école de la rue Saint-Guillaume.


Extrait de la La lettre à la jeunesse de Sciences Ô :

« […] Cette réforme et le contexte unique dans lequel elle s’articule nous demande, associations, lycées partenaires et équipes pédagogiques, de renforcer notre collaboration.  C’est ainsi qu’il nous sera possible d’informer et de mobiliser les jeunes sur ces nouvelles perspectives d’excellences. Ensemble, donnons-leur l’ambition de s’ouvrir un nouveau champ des possibles. 

Ainsi, Jeunesse, tu te rendras compte des opportunités qui s’offrent à toi et tu deviendras l’ambassadeur de ton territoire. Face au retard de développement de nos territoires, aux inégalités sociales de plus en plus croissantes et la fuite des cerveaux devenue systématique,  Jeunesse, réveille-toi. […]»

Retrouvez l’intégralité de la Lettre à la jeunesse ultramarine sur le site internet de Sciences Ô ici.


Marie Lefebvre, vice-présidente de Sciences Ô pour l’année 2020-2021. (Crédits photo : Marie Lefebvre)

Qu’est ce que Sciences Ô ? Quelles sont vos missions ?

Sciences Ô, c’est une association apolitique qui vise à promouvoir Sciences Po auprès des jeunes ultramarins et à faire connaître les Outre-mer auprès des étudiants de Sciences Po. Elle a été créée il y a 10 ans à l'initiative de quelques étudiants et depuis notre action s’est développée. Nous sommes une sorte de fil conducteur, de médiateur entre deux mondes qui ignorent malheureusement beaucoup l’un de l’autre.

Nous comptons aujourd’hui une quarantaine d’adhérents dont la très grande majorité est ultramarine. Nos membres sont présents sur les campus de Paris et de Reims, et nous comptons également des alumni qui veulent continuer à s’engager.

Nos missions sont d’accueillir les étudiants ultramarins à Sciences Po en les préparant au concours d’entrée, de constituer un mouvement jeune qui soit fort de projets et de solidarités mais également de promouvoir nos cultures au travers de conférences, publications et rencontres.

Vous avez publié récemment sur vos plateformes numériques une lettre qui s’adresse à tous les lycéens des Outre-mer. Quel est le message de cette lettre ? Pourquoi considérez-vous important de vous adresser directement aux jeunes ?

Le message de cette lettre est assez simple: “Toi jeune des Outre-mer, ton avis compte, tes rêves sont nécessaires, fais de ta vision du monde une réalité en rejoignant Sciences Po. Grâce à nos actions de préparation au concours d’entrée, tu seras accompagnée par notre équipe. Ton souhait d’intégrer Sciences Po est tout à fait réalisable et tu n’es pas seul dans ta quête !”.

Le bureau et le pôle Accueil de Sciences Ô ont tout deux pensé nécessaire de s’adresser directement aux jeunes. Les professeur.es des lycées des territoires constituent des leviers nécessaires à cette transmission de l’information mais nous souhaitons interpeller les jeunes eux-mêmes, qu’ils et elles se sentent concernés et se reconnaissent en nos mots sans le biais d’intermédiaires. Nous voulions montrer également une certaine proximité. En effet, il y a quelques années de cela, nous étions à leur place. Les mots que nous leur avons écrit tiennent compte du contexte actuel mais également de notre propre expérience d’élève.

Aujourd’hui, la part des étudiants de Sciences Po en provenance des Outre-mer est mince. Disposez-vous des chiffres sur le nombre d’admis par promotions et le nombre de lycées partenaires ?

Jusqu’à ce jour, sur les 106 lycées conventionnés dans le cadre de la Convention d’éducation prioritaire, 19 sont situés dans les territoires d’Outre-mer, s’il est possible que certains intègrent Sciences Po sans nécessairement passer par la voie CEP, cela est le cas de peu d’étudiants. Nous ne disposons pas de chiffres précis sur le nombre d’admis en provenance des Outre-mer mais ce qui est certain, c’est qu’aujourd’hui il est bien trop faible. 20 ans après la mise en place du dispositif de Richard Descoings, le travail avance lentement et Sciences Ô appelle de ses vœux qu’un élan ultramarin s'opère dans l’institution Sciences Po.

Pensez-vous que la réforme du concours d’entrée de Sciences Po, c’est-à-dire la centralisation des demandes via la plateforme Parcoursup, est vecteur d’égalité des chances et que cela permettra à plus de lycéens des Outre-mer d’intégrer Sciences Po ?

En principe, cette réforme est censée favoriser l’égalité des chances puisque les lycéens seront examinés selon les mêmes critères : le parcours scolaire ainsi que le projet professionnel. Cette ouverture représente une chance pour les lycéens des Outre-mer qu’ils soient en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, à la Réunion, à Saint-Martin, à Saint-Pierre-et-Miquelon ou encore à Wallis et Futuna. Mais pour cela, ils doivent être informés et encouragés. Sans ces deux éléments, nous craignons que la mise en place de ce système de centralisation ne parvienne pas à effacer les inégalités structurelles d’accès à l’enseignement supérieur que les Outre-mer subissent avec une gravité certaine. Nous espérons, qu’à travers notre lettre, nous tendrons à faire de ce système de centralisation un levier d’accès à Sciences Po pour les élèves des Outre-mer.

Cette année marque vos dix ans d’existence. Pourriez-vous revenir sur les moments qui ont marqué l’association depuis 2011 et les projets que vous portez pour cette année ?

Depuis 2011, de nombreux projets et rencontres ont rythmé l’association. Nos fêtes, nos conférences, nos semaines des Outre-mer… tous ces événements ont su attirer l’attention de nombre d’étudiants de Sciences Po sur la culture, la biodiversité ou encore l’économie ultramarines. Nous avons pu également forger un réseau institutionnel au gré de rencontres ministérielles et de conférences au cours desquelles débattent des personnalités politiques reconnues et des experts. Sciences Ô est aussi un espace propice au débat d’idées pour l’émergence d’une réflexion ultramarine pointue. Cette année nous avons le privilège d’être parrainé par Maël Disa, Délégué interministériel pour l’égalité des chances des Français d’Outre-mer et la visibilité des Outre-mer.

Cette année est particulière pour notre association. D’une part du fait de la crise sanitaire, d'autre part du fait des 10 ans de l’association. Pour la première raison, nous avons eu à réadapter notre communication mais également le format et les modes d’action. Nous avons investi les réseaux sociaux avec des contenus culturels. Ainsi, notre pôle Culture effectue un travail de longue haleine afin d’informer sur les histoires, coutumes ou œuvres ultramarines méconnues dans l’Hexagone. Cette année s’est également placée sous le signe du partenariat avec nombre d’associations dans l’organisation d’événements et, plus particulièrement, de conférences. En effet, après une rencontre-débat autour du référendum sur l’indépendance en Nouvelle-Calédonie (Kanaky) avec l’association Les Engagés! , nous sommes actuellement en train de publier un cycle de rencontres autour de la santé avec l’association Cheer Up !

Visuel de présentation du premier épisode de la série « Ôtour de la santé » proposée par Sciences Ô. Crédits photos : Sciences Ô

Nous préparons actuellement une série d’interviews « Ôtour de la santé » afin d’analyser et de comprendre les effets de la crise de la Covid-19 en Outre-mer mais dans le même de traiter d’un sujet qui peut concerner l’ensemble de la communauté étudiante : la santé mentale.

Notre projet de cette année s’incarne aussi dans la consolidation d’un réseau ultramarin d’anciens et d’actuels élèves de Sciences Po. C’est un élément qu’il nous faut développer afin que l’accompagnement des étudiants se poursuive après Sciences Po sur le marché du travail.

Par ailleurs, nous sommes déjà en train d’organiser notre désormais renommée Semaine des Outre-Mer qui, cette année, portera sur plusieurs thématiques qui s'inscrivent dans le contexte actuel.