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Covid-19 : le quotidien d'une correspondante française à Pékin

Dans le monde entier, l’organisation du travail est bouleversée par la crise sanitaire liée à l’épidémie de Covid-19. Comment s’organisent les médias et les journalistes pour continuer à informer les citoyens ? Émile s’est entretenu avec Justine Jankowski, correspondante de France TV en Chine. En poste dans le pays où tout a commencé, elle nous raconte un quotidien totalement transformé par la pandémie.

Crédits : Justine Jankowski

Comment s’organise désormais votre travail de journaliste ?

Mon travail est devenu très statique, nous qui avions l'habitude de partir en tournage aux quatre coins de l'Asie chaque semaine, nous nous retrouvons désormais cloués au bureau ! Impossible de quitter la province sous peine de devoir faire une quarantaine de 14 jours au retour, et de ne pas pouvoir sortir de sujets.

Nous tournons donc un maximum de reportages à Pékin, équipées d'un masque. À Pékin il y a des contrôles de température partout, les chauffeurs se protègent avec une bâche en plastique, le masque suffit donc à rassurer et nous protéger. Ces masques ont été achetés par le bureau, et du gel hydroalcoolique a aussi été mis à disposition.

Les risques que nous courrons sont moins d'attraper le virus que de se faire arrêter par la police. Les autorités sont particulièrement à cran depuis le début de la pandémie, et elles ont déployé leur réseau de bénévoles du Parti dans toute la ville. Ils sont là pour surveiller les allers et venues et que tout le monde porte bien son masque. Un jour nous sommes parties tourner un sujet sur les villages qui se barricadent eux-mêmes aux alentours de la capitale. Beaucoup de villageois que nous avons essayé d'interviewer ont refusé, méfiants, et ils ont fini par nous dénoncer à la police qui nous a demandé d'effacer nos images.

À Pékin, “les chauffeurs se protègent avec une bâche en plastique”. (Crédits : France Télévisions)

Justine Jankowski et sa traductrice sont contrôlées à l’entrée de la résidence de la journaliste. (Crédits : France Télévisions)

En plus des reportages nous tournons aussi beaucoup de plateaux notamment pour les éditions du matin, il est important d'alimenter l'antenne avec des nouvelles fraîches quasiment chaque jour, puisque nous sommes basées dans le pays berceau de l'épidémie.

À France TV, quelles sont les spécificités liées à la crise sanitaire entre les correspondants à l’étranger et les journalistes basés en France ?

Je ne pense pas qu'il y ait de grandes différences. Tous les reporters sont mobilisés et travaillent avec la même énergie à Paris comme à Pékin. Le rythme s'est intensifié pour tout le monde, et je pense que nous avons tous à cœur d'informer sur la crise sanitaire du mieux qu'on peut avec les informations et les outils dont nous disposons, malgré la fatigue qui peut s'accumuler. La seule différence est que nous avons six heures de décalage horaire, sept heures au début de la crise, donc l'édition du 20h tombe à 2h ou 3h du matin... Et Télématin à midi le lendemain. Il vaut mieux être du soir !

L’information relative à l’évolution du Covid-19 se fait-elle au détriment du reste de l’actualité ?

Justine Jankowski est contrainte de rester dans la zone de Pékin pour la réalisation de ses reportages, toujours masquée. (Crédits : France Télévisions)

Depuis fin janvier et le confinement de la ville de Wuhan je n'ai pas traité d'autres sujets que celui du Covid-19. Nous avions bien sûr d'autres reportages, déjà tournés, en attente de diffusion sur des sujets culture et société ; mais il serait délicat de les mettre à l'antenne en ce moment, surtout venant de Chine... Et la pandémie touche finalement tous les aspects de la vie : on traite non seulement du nombre de cas quotidien, des mesures de confinement, des malades et des guéris mais aussi des conséquences sur l'économie, des jeux de pouvoir entre la Chine et l'Occident (par exemple avec la diplomatie du masque), de l'augmentation de nombres de demandes de divorce à Wuhan pendant la quarantaine... Donc bien sûr, tout est traité à travers le prisme de l'épidémie de coronavirus, mais les thèmes restent variés.

Cependant, pour être honnête, j'ai, comme beaucoup d'autres journalistes je pense, hâte de m'occuper de sujets plus légers... Mais c'est l'actualité du jour, elle concerne le monde entier, elle bouleverse des vies, alors nous ne pouvons pas arrêter d'en parler.