La culture est essentielle : donnons-lui les moyens de ses ambitions
Le Sénat a adopté le 9 juin dernier, à l’unanimité, la proposition de loi relative aux bibliothèques et au développement de la lecture publique. Le texte permet d'inscrire dans le code du patrimoine les missions et grands principes qui régissent les bibliothèques municipales et intercommunales : liberté et gratuité d'accès, neutralité du service public et pluralisme des collections. Farid Gueham (promo 2005), conservateur territorial des bibliothèques, s’est entretenu avec la sénatrice Sylvie Robert, à l’origine de la proposition de loi. Dans cette tribune, il nous parle de la place de la culture à la faveur du contexte sanitaire, de la gratuité d’accès aux bibliothèques, mais aussi du rôle de la lecture publique, dans la capacitation et l’inclusion qu’elle porte.
Lorsque la sénatrice Sylvie Robert interroge ses pairs sur la nécessité d’une loi relative aux bibliothèques et au développement de la lecture publique, lors de la séance dédiée à sa proposition de loi, le vote unanime en première lecture, concrétise un soutien « sans réserve » des représentants des territoires. L’annonce du Président de la République faisant de la lecture une « grande cause nationale », devait conforter le soutien inconditionnel des pouvoirs publics pour la culture. En marge du congrès de l’ABF, Alice Bernard, présidente de l’Association des bibliothécaires de France saluait « l’adoption de la proposition de loi à l’unanimité ».
Pour Sylvie Robert, cette reconnaissance est le fruit du travail de plusieurs années. « Les musées et les archives ont une loi et des conditions inscrites dans le code du patrimoine. Ça n’est pas le cas des bibliothèques ». À quelque chose malheur est bon : la crise sanitaire devait rappeler le rôle essentiel de la culture. De nombreuses collectivités ont ainsi fait le choix, à titre expérimental ou temporaire d’une gratuité pour les musées, les bibliothèques ou d’autres services culturels. Ce dynamisme des professionnels de la culture, des librairies et des professionnels des bibliothèques, mobilisés autour d’initiatives originales comme le « click and collect » ou la plateforme « bibliocovid », doit être salué : « la culture n’était pas à l’arrêt pendant la crise : elle a continué de vivre et de faire vivre les territoires », rappelle la sénatrice.
La proposition de Sylvie Robert consacre plusieurs principes, parmi lesquels la gratuité d’accès aux bibliothèques, mais rien n’est jamais gratuit « des services numériques aux manifestations dans le cadre des arts de rue, l’image d’une gratuité “de fait” est renforcée lorsque les services sont accessibles et libres ». Revers d’un professionnalisme et d’une dévotion sans faille au service des territoires, les professionnels de la lecture publique semblent victimes de leurs convictions. Lorsque des collectivités font le choix de la gratuité c’est, portées par la conviction qu’un euro investi dans les bibliothèques ou les médiathèques impactera le territoire dans des aspects aussi divers que l’insertion professionnelle, l’apprentissage, la citoyenneté.
Pour la sénatrice, une loi sur les bibliothèques aidera à transcender certaines représentations, à commencer par « l’idée que ce qui est gratuit ne vaut rien ». La proposition de loi pose un cadre, vers plus de professionnalisation et un meilleur encadrement des pratiques. L’article 12 du projet de loi autorise les bibliothèques à faire des dons à des associations caritatives, dans la mesure où ces dernières ne revendent pas les ouvrages. Cette disposition au premier abord contraignante pour les grandes associations de l’économie sociale et solidaire est un garde-fou : « un don à partir de biens publics ne doit pas générer un bénéfice privé », rappelle la sénatrice. La mesure questionne toute une chaîne de l’économie sociale et solidaire, où le don et la gratuité vont contraindre les associations, qui ne seront peut-être plus à même d’accepter les ouvrages issus du désherbage des collections.
Mercredi 9 juin 2021, le Sénat votait à l’unanimité la proposition de loi consacrant les bibliothèques publiques, « premier équipement culturel de France ». L’occasion de mettre en lumière l’ensemble des acteurs des métiers du livre et de la lecture publique. La crise sanitaire a rappelé le caractère essentiel des lieux de culture, à commencer par les bibliothèques. Mais l’invisibilité de la représentation de la filière culturelle dans la réforme de la haute fonction publique, de l’ENA vers l'INSP interroge. Les conservateurs territoriaux des bibliothèques et du patrimoine, cadres d’emploi A+ de la filière culturelle ne sont pas associés à une réforme qui interviendra au plus tard le 1er janvier 2022, comme le précise l'ordonnance encadrant la réforme de la haute fonction publique parue au Journal officiel le 3 juin 2021.
Pour la sénatrice, il est regrettable que la filière culturelle ne soit pas associée à cette réforme, « les conservateurs contribuent au bien commun dans les collectivités, ils sont en prise directe avec des enjeux transversaux, à la croisée de sujets d’urbanisme, d’aménagement du territoire, d’éducation. Ils sont légitimes ». A travers un schéma de lecture publique, un projet scientifique et culturel, éducatif et social (PSCES) et « dans une construction territoriale qui peut parfois résulter de l’adjonction contrainte de communes, la culture est un levier, elle participe à la cohésion symbolique qui produit du territoire ».