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Avocat mandataire sportif : des terrains de foot au barreau

Ancien joueur de football professionnel, spécialiste du droit du sport et du droit à l’image, Maître Badou Sambague représente des sportifs, principalement des footballeurs bi-nationaux, dans leurs négociations avec les clubs et les marques. Mais sa mission va bien au-delà : aider ses protégés à devenir des êtres humains responsables.

Maître Badou Sambague, avocat associé et mandataire de sportifs chez BS Law. (D.R.)


Parcours

  • 2002 Première saison en championnat national U19.

  • 2003 Première sélection internationale avec le Mali (espoirs des moins de 23 ans).

  • 2004 Qualification pour les J.O. d’Athènes.

  • 2008 Master II en droit des affaires à La Sorbonne Paris Nord et DU en droit du sport à Paris 1 Panthéon-Sorbonne.

  • 2011 Blessure au genou et fin de carrière sportive.

  • 2012 Master II Économie de la propriété intellectuelle à La Sorbonne Paris Nord.

  • 2013 Prestation de serment et inscription au barreau de Paris. Depuis, avocat associé au cabinet BS Law et président de la société BS Group.


Quelle est la différence entre un agent et un avocat mandataire de sportifs ?

L’agent est un intermédiaire entre le sportif et son futur employeur, il agit dans l’intérêt des deux parties. L’avocat mandataire de sportifs négocie strictement dans l’intérêt du sportif, il est son mandataire. C’est un statut créé en 2011 pour mieux défendre les intérêts des sportifs, il leur apporte plus de sécurité et de sérénité.

Qui sont vos clients ?

Badou Sambague en compagnie du joueur Pierre-Emmanuel Ekwah Elimby, désormais engagé auprès du club anglais West Ham United.

Des footballeurs bi-nationaux ou tri-nationaux évoluant en France et à l’étranger comme Timothy Weah et Mohamed Simakan. J’ai aussi eu l’occasion d’intervenir pour le compte de Riyad Mahrez ou encore Ousmane Dembélé. Je les accompagne juridiquement, mais aussi sur le plan du développement personnel, en coopération avec leur famille.

Mon challenge : les aider à se structurer et à se responsabiliser pour qu’ils puissent ensuite mener au mieux leur carrière. C’est un accompagnement vers l’indépendance d’esprit et la liberté. J’essaie de leur inculquer que l’après-carrière se construit dès le plus jeune âge.

Depuis quelque temps, je représente aussi des sportifs confirmés. Leurs dossiers me sont confiés après plusieurs années d’expérience, et là aussi, mon rôle éducatif reste important, car souvent, les joueurs ont été assistés plutôt que responsabilisés. J’aime les inscrire dans un projet global, avec des objectifs à long terme, au-delà de leur carrière de footballeur.

Vous avez passé le barreau tout en étant joueur de football professionnel. Votre parcours doit être très inspirant pour vos clients…

J’essaie de leur apporter une structuration dont j’ai moi-même manqué. Je viens d’un milieu où on ne va pas naturellement vers de longues études ; mes parents ne savent ni lire ni écrire. Mais ils sont intelligents et ont toujours eu beaucoup de respect pour les enseignants. Si je voulais continuer à faire du football, je devais aussi apprendre un métier en parallèle, c’était la condition fixée par mon grand frère. Au départ, j’envisageais d’intégrer un BTS en alternance, mais je n’ai pas été accepté. Alors j’ai décidé de m’inscrire à la fac d’Évreux, en sciences économiques et gestion. Mais mon premier cours portait sur l’histoire du droit. Je me demandais ce que je faisais là. J’ai vite compris que j’étais en fait inscrit en droit ! Comme les cours m’ont beaucoup intéressé, je suis resté.

Comment avez-vous mené de front vos études et votre carrière de sportif de haut niveau ?

Comme je m’entraînais, à l’époque, cinq fois par semaine, j’ai passé ma licence en candidat libre grâce au CNED. J’ai dû jongler entre ces deux activités pendant toute la durée de mes études. Après un master II en droit des affaires, un master II en économie de la propriété intellectuelle et un DU en droit du sport, durant lesquels je continuais ma carrière de joueur, j’ai passé mon examen d’avocat. C’était un lundi. La veille, le dimanche, je rentrais par avion d’un déplacement à Bastia avec mon équipe !

Votre double parcours, en plus de votre double culture franco-malienne, doit être un sacré atout dans votre métier actuel.

C’est indéniable. Les avocats mandataires de sportifs ont rarement ce bagage. Je suis très attaché à ma double culture, j’ai un lien très fort avec le Mali. Avec mes parents, je parle uniquement le soninké. Je suis donc capable de très bien comprendre les sportifs bi-nationaux. Certains sont issus de familles polygames ou recomposées, ce qui peut engendrer des frustrations et des blessures dans un quotidien occidentalisé. Ces difficultés peuvent affecter leur mental. Je peux librement évoquer ces sujets avec eux. Ensuite, ils repartent avec un nouvel élan. La connaissance des clients est extrêmement importante pour les accompagner au mieux. Leur développement personnel passe aussi par l’affirmation de leurs différences.

Le côté mentoring est-il la partie la plus épanouissante de votre travail ?

C’est l’une d’elles, c’est certain. La fraternité, l’échange, le partage sont des valeurs très importantes pour moi. J’aime orienter les joueurs vers des activités associatives pour qu’ils ne soient pas déconnectés de la réalité. Même quand tout leur réussit, il faut qu’ils continuent à penser aux autres. À titre personnel, depuis quelques années, j’interviens bénévolement dans une association aux États-Unis – South Bronx United – qui œuvre pour l’intégration par le sport. La transmission m’importe beaucoup.

Est-ce pour cela que vous intervenez aussi en tant qu’enseignant en école de commerce et à l’université ?

Parfaitement. Si j’interviens dans le master II Droit du sport à La Sorbonne et à l’Université de Lille, mais aussi à la Sports Management School et à l’EDC Paris, c’est pour faire comprendre aux étudiants que le métier d’avocat mandataire de sportifs doit respecter une certaine déontologie. Il en va non seulement de la réputation de leur futur métier, mais d’une certaine vision du football. Depuis que je suis tout jeune, je veux changer les choses dans le monde du ballon rond.

Pouvez-vous nous expliquer quoi, exactement ?

Je veux remettre l’humain au centre du jeu. Sur les terrains et ailleurs, le respect de l’autre n’est pas toujours de mise. L’accompagnement des jeunes talents, pour qu’ils deviennent des hommes responsables, est ma contribution pour changer un peu la donne et faire évoluer positivement cet univers. Mon objectif : les aider à grandir dignement dans ce milieu et, si échec il y a, leur offrir la possibilité d’une reconversion par le sport.

Qui sont vos modèles ?

Mes parents. Ils ont quitté leur pays, laissant tout derrière eux pour leurs enfants. Face à ce sacrifice, je me dois de réussir.



Publi-reportage initialement publié dans la rubrique “Trajectoires” du numéro 23 d’Émile, paru en novembre 2021.