Immersion au sein de la campagne présidentielle. Émile vous emmène à la rencontre d’élèves et d’anciens de Sciences Po – jeunes militants, conseillers politiques ou élus de la République – engagés aux côtés des candidats à l’Élysée.

Par Louis Chahuneau

Il y a encore cinq ans, le grand public ne connaissait pas le visage de Laetitia Avia, députée La République en marche (LREM) de la 8e circonscription de Paris. Mais le mouvement politique a bien compris l’intérêt qu’il y aurait pour lui à faire de cette jeune avocate, sans expérience politique et d’origine modeste, le porte-étendard de la méritocratie à la française. Lors de son discours de politique générale, prononcé le 4 juillet 2017, l’ancien Premier ministre Édouard Philippe lui avait même rendu hommage. 

Encore aujourd’hui, quand on lui parle de ce discours, Laetitia Avia, 36 ans, ne peut s’empêcher de sourire : « C’est un moment que je garderai en mémoire toute ma vie », confie-t-elle depuis son bureau de l’Assemblée nationale. Troisième d’une fratrie de quatre, elle grandit dans une famille modeste de Seine-Saint-Denis, à Villetaneuse, puis à Saint-Ouen. Son père est chauffeur bagagiste en aéroport, sa mère sage-femme et aide-soignante.

Laetitia Avia intègre la rue Saint-Guillaume en 2003 grâce aux Conventions d’éducation prioritaire. Les débuts sont difficiles pour sa promotion dont la légitimité est constamment remise en cause : « J’ai même songé à l’époque à arrêter Sciences Po », avoue-t-elle. Mais l’étudiante s’accroche et sa détermination finit par attirer l’attention du ténor du barreau et membre de la Commission Attali, Jean-Michel Darrois, qui la recrute dans son cabinet d’affaires et la propulse, à 22 ans, secrétaire générale de la Commission Darrois, chargée de redéfinir les professions juridiques, où se trouve également le jeune Emmanuel Macron. C’est là que se lie leur relation. 

« J’ai rejoint La République en marche pour le soutenir, je le côtoie depuis que j’ai 22 ans. Je connais sa sincérité, je sais ce qui l’anime, donc je voulais l’accompagner », raconte Laetitia Avia. La jeune femme intègre rapidement la Commission nationale d’investiture d’En marche. Peu de temps après, la néophyte est chargée de remporter la 8e circonscription de Paris aux législatives, qui regroupe une partie du 12e et du 20e arrondissement. Elle s’adjuge l’élection haut la main avec 65 % des voix au second tour.

Cinq ans plus tard, la vice-présidente du bureau exécutif de LREM et porte-parole du mouvement travaille à la réélection d’Emmanuel Macron. Selon elle, la campagne doit d’abord s’appuyer sur la question du pouvoir d’achat et de la transition écologique. Elle fait le bilan de son premier mandat : « Je dois dire que l’exercice politique n’est pas simple. J’ai commencé dans un environnement bienveillant, j’ai ensuite rencontré beaucoup de violence », explique gravement la députée, qui dit avoir déposé « plus d’une quinzaine de plaintes » pour des injures ou des menaces, surtout en ligne. 

C’est d’ailleurs ce qui l’a poussée à faire, en 2019, une proposition de loi contre la haine en ligne. Promulgué en juin 2020, le texte a largement été retoqué par le Conseil constitutionnel, les Sages estimant que certaines dispositions de la loi menaçaient la liberté d’expression. Pas refroidie pour autant, Laetitia Avia continue de travailler sur les questions de justice : « Je crois qu’il nous faut un big bang des procédures judiciaires, tout remettre à plat pour avoir une justice hyper-efficace, hyper-rapide. » De quoi justifier un deuxième mandat de députée ? « Il y a un certain respect vis-à-vis de l’électeur quand on se représente, puisque c’est le moment où l’on évalue notre mandat. Et moi, j’ai besoin aussi de cette évaluation. » Mais Laetitia Avia l’assure  : elle ne fera pas de la politique toute sa vie. Tôt ou tard, elle reviendra à son métier d’avocate. 

Cet article a initialement été publié dans le numéro 24 d’Émile, paru en mars 2022.