Collectif Exhibition : un nouveau modèle culturel au service des marques
Le collectif Exhibition rentre dans le cadre de ces ovnis inventés par le monde de la communication en marge des agences classiques avec un magazine de mode éponyme et un écosystème d’artistes et de directeurs artistiques au service des marques de luxe. Le magazine a été fondé par Edwin Sberro. De son côté, Isabelle Constant est à la tête du collectif. Rencontre.
Quelle est la philosophie de votre collectif ?
Pour comprendre sa genèse et donc sa philosophie, il faut revenir à notre magazine. Exhibition est né en 2011 : c’est un magazine de mode et d’art qui aime hybrider les talents. C’est un laboratoire d’idées et un lieu de décryptage. Je pense que c’est ça notre « motto » : questionner les nouvelles esthétiques, les explorer, comprendre leurs origines et le sens dont elles sont chargées. Tout est résumé dans le titre du magazine « exhibition » : un lieu d’exposition.
Qui sont les membres qui composent votre collectif ?
Le collectif s’est constitué par étapes : d’abord le magazine, avec son fashion editor, son rédacteur en chef, ses directeurs artistiques. Puis, il y a six ans, Edwin y a ajouté le Studio Exhibition qui développe des contenus et campagnes pour des marques de luxe. En 2019, je l’ai rejoint et j’ai décidé de fonder un collectif. Nous y avons ajouté Like Fire, une entité tournée vers la musique, la danse et le gaming, cofondée par un DJ et un beatmaker, au passé d’experts digitaux. Mon rôle est d’animer l’ensemble de ces talents, de les faire collaborer et cocréer.
Pourquoi ce terme de « collectif » ?
L’idée était de construire un nouveau modèle au service des marques. Nous réunissons des collaborateurs de divers milieux culturels, d’âges différents et de trajectoires personnelles variées. Des gens de grandes écoles côtoient des autodidactes. C’est un vrai mot d’ordre lors de nos recrutements. Nous apprenons les uns des autres. On élargit nos champs culturels respectifs. On applique à nous-mêmes cette fameuse hybridation des cultures qui caractérise les marques de luxe d’aujourd’hui.
Pourquoi les marques viennent-elles vous voir ?
Nous croyons fondamentalement en la richesse du collectif et en la rencontre des talents. Notre ambition est de cultiver l’empreinte culturelle des marques. Cela veut dire que nous construisons les marques via des produits culturels : livre, vinyle, exposition. Et afin de mieux les connecter avec leurs audiences, nous explorons pour elles de nouveaux territoires : gaming, metaverse, NFT, Tiktok et dernièrement, l’IA.
Quelles sont vos dernières réalisations ?
La diversité de notre écosystème de talents nous permet de créer des contenus très variés. Ce qui est important dans notre démarche, c’est de faire coïncider chaque marque avec un territoire affinitaire qui lui correspond. Ainsi, nous venons, pour la marque Diptyque, de concevoir et produire son premier court-métrage d’animation. Pour Givenchy Beauty, nous avons exploré un tout autre domaine, puisque nous avons accompagné la marque sur la plateforme de gaming Roblox. Je pense que c’est aussi pour cette raison que nous aimons notre métier : chaque jour, de nouveaux terrains d’expression s’ouvrent.
Quelle évolution de votre magazine envisagez-vous ?
Nous allons lancer, à la rentrée, une nouvelle formule pour le papier, plus ouverte sur les cultures urbaines, car on veut laisser plus de place à la danse et à la poésie. On aura un nouveau rubriquage. Nous resterons sur une publication deux fois par an, en grand format. En plus de la publication papier, nous investissons beaucoup sur le digital, dans notre Instagram et notre site : on y publie notamment toutes les réalisations des jeunes designers mode que nous soutenons ou des reportages sur différentes communautés (par exemple notre dernier édito, « Los Angeles Faces »).
Le magazine en 2 chiffres
• Magazine créé en 2008
• 21e édition parue en mai 2023
avec une exclusivité Louis Vuitton
Quels sont vos prochains objectifs ?
Nous souhaitons agrandir notre écosystème, notamment en Asie. Dans notre magazine, il y a des artistes de dimension internationale tels Ronan Bouroullec et Daniel Arsham, mais nous sommes aussi sans arrêt à la recherche de nouvelles pépites. Nous aspirons à être un amplificateur de nouveaux débats.
Récemment, nous avons ainsi organisé avec TikTok la conférence « Le futur de l’image de mode », dont Ludovic de Saint Sernin était un des orateurs. En effet, les plateformes font évoluer notre quotidien, mais aussi la façon dont nous percevons une image, comment elle se construit. C’est aussi valable pour la musique. On s’intéresse de très près au metaverse et à l’art digital. Je pense qu’il ne faut pas avoir peur de ces nouveaux territoires. Au contraire, mieux vaut les apprivoiser pour ouvrir de nouvelles perspectives. Aujourd’hui, il y a beaucoup de débats sur l’Intelligence artificielle, mais nous la voyons plutôt comme une opportunité artistique.
Comment Sciences Po vous a-t-elle aidée tout au long de votre carrière ?
Je garde un excellent souvenir de Sciences Po. L’école m’a donné une capacité d’analyse, d’adaptation aussi. Elle a développé ma curiosité et cette envie permanente de défricher de nouvelles formes d’expression.
Les profils Sciences Po qui nous ont rejoints témoignent successivement en stage ou en tant que membre du collectif de cette fraîcheur. J’ai hâte d’échanger avec ceux qui passeront par la Maison des Arts et de la Création.
CV Express
1998 Maîtrise d’histoire contemporaine
1998 Diplômée de Sciences Po Paris, section Communication
2007 Directrice générale adjointe chez Fred & Farid
2016 Directrice générale de We Are Social
2019 Investit dans plusieurs start-up, dont GoodsID (blockchain)
2020 Fondatrice du collectif Exhibition
Publi-reportage initialement publié dans le numéro 28 d’Émile, paru en février 2023.