Émile Magazine

View Original

Véronique Forge : "Il existe chez certaines femmes un syndrome de l’imposteur qui les freine dans leur carrière "

Journaliste, Véronique Forge (promo 98) croit au pouvoir de l’inspiration dans la réussite d’une carrière. Depuis près de 10 ans, sa plateforme Business O Féminin accompagne les femmes actives dans la montée en puissance de leur vie professionnelle. Entre coaching personnalisé, conférences et ateliers, la formule séduit jusqu’au-delà des frontières.

Propos recueillis par Camille Ibos

Véronique Forge (D.R.)

Vous vous engagez pour les femmes depuis près de 20 ans. Comment est venu le déclic ce sujet ?

Mon intérêt pour la question féminine a commencé en 2005. Cette année-là, je quitte une carrière dans le marketing pour intégrer Direct 8, une nouvelle chaîne de télévision. Entre autres émissions, je suis alors chargée d’animer Femmes d’exception, un direct de 26 minutes pour lequel j’ai très vite la chance de recevoir des personnalités de premier plan : Simone Veil, Christine Lagarde, Mary Higgins Clark… Au fil des interviews, je tente toujours de comprendre les racines, les parcours et les choix de ces invitées, tout en gardant en tête que derrière l’écran, d’autres femmes pourront s’en inspirer. Cette émission me permet de comprendre que le fait d’être une femme peut changer une éducation, une carrière et des opportunités. Je décide donc, en 2013, de lancer un média digital, businessofeminin.com, avec pour ambition de donner des outils et des conseils à toutes les femmes actives.

Dix ans après la création de la plateforme de développement professionnel Business O Féminin, que peut-on y trouver ?

Business O Féminin a évolué pour devenir une plateforme d’e-learning, un espace digital où l’on peut retrouver tous les outils pour se développer professionnellement. En 2018, je suis rentrée d’une expatriation à Londres pour lancer un pop-up, le Business O Féminin club, au sein duquel nous avons organisé des conférences et des séances de coaching.

La crise sanitaire nous a forcées à un changement de modèle salutaire vers le digital. Grâce à lui, des gens du monde entier peuvent aujourd’hui s’abonner à la plateforme. On y trouve désormais des vidéos, des audio-programmes, 2 000 articles, des guides « Carrière », des événements et des possibilités de coaching sur des sujets aussi divers que le leadership, l’élaboration d’un business plan ou le développement personnel.

Quel est le profil des membres du club Business O Féminin ?

Nous avons réorganisé la plateforme, en septembre dernier, autour de trois parcours. Le premier, sur l’accélération de carrière, est destiné à des femmes salariées ou indépendantes qui cherchent à passer à un autre niveau et viennent trouver des outils très concrets pour se former.

Le second, sur la reconversion, rassemble des femmes travaillant souvent en entreprise et qui ressentent une envie de changement. La crise sanitaire a généré une réelle introspection chez beaucoup de femmes, qui se sont demandé si leur activité professionnelle était véritablement celle qu’elles souhaitaient poursuivre jusqu’à la retraite.

Le troisième, enfin, concerne le développement de projet et s’adresse aux femmes qui, ayant passé l’étape de la reconversion, sont véritablement prêtes à créer leur entreprise. Notre cœur de cible a entre 25 et 50 ans et est à la fois international et transgénérationnel.

Travaillez-vous également avec les entreprises ?

La très importante loi Rixain, promulguée en décembre 2021, va obliger les entreprises de plus de 1 000 salariés à avoir 30 % de femmes dans leur Comité exécutif. C’est là que se prennent les décisions importantes et cela signifie aussi qu’il faut aider ces femmes à monter en puissance. Nous pensons que Business O Féminin peut être précieux pour cela, par les programmes personnalisés, les événements et les outils « clé en main » que nous proposons. Nous avons déjà des entreprises clientes et nous souhaitons pleinement développer cet axe.

En avril dernier, Viviane de Beaufort, professeure à l’ESSEC, publiait une étude sur le « pas de côté » des femmes dirigeantes. Elle y mettait en lumière ces femmes qui, face à la proposition d’une promotion, hésitaient, voire refusaient, souvent du fait d’un complexe de l’imposteur. La loi Rixain que vous évoquez n’est-elle donc pas suffisante ?

C’est une question centrale et l’étude menée par Viviane de Beaufort est très intéressante. Je pense qu’une dimension essentielle est celle de la confiance. J’ai toujours dit, du temps de Femmes d’exception, qu’il fallait différencier « savoir-faire » et « faire savoir » ; compétences et mise en avant de celles-ci. 

Or, il existe encore chez certaines femmes, en effet, un syndrome de l’imposteur qui les freine dans leurs ambitions et leur évolution de carrière. Les entreprises doivent intégrer suffisamment de femmes dans leurs comités de direction pour faire évoluer les dynamiques, mais aussi réussir à leur donner confiance. Les femmes doivent désormais prendre leur pleine place, ce qui passe notamment par le développement de leur leadership, la maîtrise de leur prise de parole en public et l’apprentissage de tous les codes montrant qu’elles se sentent prêtes à passer à l’étape supérieure dans leur carrière.

Vous avez lancé, en 2017, la première édition des Business O Féminin Awards… Racontez-nous.

Il s’agissait encore de mettre en lumière des parcours de femmes pour en inspirer d’autres. Les Awards récompensent depuis six ans des fondatrices et cofondatrices de start-up ou d’entreprises. Les candidates peuvent s’inscrire dans quatre catégories : « Young », pour les moins de 25 ans ; « Start-up », pour les jeunes entreprises ; « Scale up », pour les boîtes en croissance ; et « Impact », car l’expérience nous a montré que beaucoup de femmes se lancent dans des domaines à fort impact sociétal ou environnemental. Nous avons aujourd’hui la chance d’être soutenues par de grandes institutions comme la French Tech, BNP Paribas ou le média Clear Channel, qui nous permet chaque année de développer une campagne nationale de publicité et d’appel à candidatures. 

Nous avons déjà reçu 500 candidatures en cinq éditions ! Chacune d’elles est également « marrainée » par une femme inspirante – l’année dernière, Fanny Moizant de Vestiaire Collective, une des licornes françaises. L’édition 2023 aura pour marraine Lucie Basch, de Too Good To Go, qui incarne selon moi tous les changements sociétaux dont nous avons besoin. Enfin, nous sommes lauréats de l’édition 2022 du French Tech Community Fund et cette édition sera sous le haut patronage du président de la République. 

Une success-story de ces Awards à nous partager ?

Celle d’Audrey-Laure Bergenthal, fondatrice d’Euveka et lauréate de notre Award en 2019. Elle conçoit un robot connecté s’adaptant à toutes les morphologies dans le domaine de la mode et a dû faire preuve d’une grande résilience à une époque où les financements pour l’industrie tardaient à venir. Elle est aujourd’hui multi-récompensée. Ce sont ces belles histoires qui sont nos plus grands bonheurs.

L’année vient de débuter. Que souhaiter aux talents féminins visant l’accélération de leur carrière en 2023 ?

L’appel à candidatures pour la sixième édition des Awards a été lancé le 30 janvier et court jusqu’en avril. Les candidates devront notamment fournir un business plan et un plan financier, qui nous permettront de sélectionner des finalistes pour pitcher devant notre jury. Les prix seront ensuite remis lors du salon VivaTech, en juin prochain.

Quant à la suite, j’espère de mon côté que davantage de femmes s’investiront dans les sujets que sont le métaverse et l’intelligence artificielle. Ce sont les grandes histoires de notre siècle et il faut absolument en faire partie ! 


Business O Féminin en chiffres

  • 2 000 femmes formées

  • 2 000 articles publiés sur la plateforme

  • 5 éditions des Business O Féminin Awards

  • 500 candidatures reçues

Pour candidater aux Awards



Cet entretien a initialement été publié dans le numéro 27 d’Émile, paru en février 2023. Pour recevoir le magazine Émile, il faut être membre de Sciences Po Alumni.