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Kevin Arceneaux : "Trump disposera de la latitude nécessaire pour démanteler les freins à son pouvoir"

Comment comprendre la réélection de Donald Trump à la tête des États-Unis. Pour Émile, Kevin Arcenaux (CEVIPOF) explique les raisons de cette victoire et les conséquences d’une Présidence du candidat républicain sur la démocratie américaine.

Par Alexandre Thuet Balaguer

Sa victoire dans les swing-states de la Géorgie et de la Pennsylvanie ont assuré au 45e Président des États-Unis de briguer un second mandat. (Crédits : Droits réservés)

Comment comprendre le retour de Donald Trump à la présidence, lui qui n'est plus le businessman novice de la politique de 2016, mais un homme adepte des fake news, caractériel, poursuivi par la justice et qui a tenté de renverser les institutions après sa défaite en 2020 ?

Il n'y a pas d'explication unique à la victoire de Donald Trump, mais il est clair que de nombreux électeurs ont passé outre ses défauts en tant que candidat et en tant que personne pour voter pour lui. Nombre de ses partisans ont voté pour lui avec enthousiasme, tandis que d'autres ont voté pour lui même s'ils ne l'aimaient pas. D'après ma lecture des sondages de sortie des urnes, Je pense que l'une des principales raisons pour lesquelles il a réussi à obtenir une majorité de voix est que les électeurs lui ont accordé leur confiance pour mieux gérer l'économie et l'immigration que Kamala Harris.

Contrairement à Hillary Clinton, Kamala Harris a aussi mené campagne auprès de l'Amérique ouvrière. Pourtant, elle n'a pas réussi à s'attirer les faveurs des cols bleus qui ont finalement choisi Trump. Son bilan était-il un handicap trop lourd ou a-t-elle commis des erreurs stratégiques ?

Avant même le début de la campagne, les modèles de prévision annonçaient que la situation économique donnait un net avantage à Donald Trump. Kamala Harris a donc été désavantagée dès le départ. Il est normal de rechercher les erreurs commises par la campagne perdante une fois l'élection terminée, mais la vérité est que nous ne pouvons jamais en être sûrs. Par exemple, une critique courante à l'égard de Mme Harris était qu'elle était trop contrôlée dans ses interactions avec la presse. Pourtant, qui peut dire que sa prudence ne lui a pas évité de perdre des voix ?

Qu’attendre maintenant d’un retour de Trump à la Maison-Blanche pour la démocratie américaine, avec une majorité favorable au Sénat, à la Cour Suprême et sans doute à la Chambre des Représentants ?

Donald Trump a fait tout au long de la campagne un certain nombre de promesses qui, si elles étaient suivies d'effet, affaibliraient les fondements de la démocratie américaine. Il a promis d'utiliser le système judiciaire pour harceler ses opposants. Il a promis de rassembler les immigrés sans papiers et de les expulser en masse. Il a promis de forcer les gouverneurs démocrates des États à se plier à sa volonté. Il reste à voir s'il tentera de tenir ces promesses et s'il y parviendra. Une chose est sûre. Il disposera d'un Congrès et peut-être d'une Cour suprême compréhensifs qui lui donneront la latitude nécessaire pour démanteler les freins à son pouvoir.


Biographie

Kevin Arceneaux dirige le CEVIPOF depuis janvier 2024 (Crédits : Alexis Lecomte / Sciences Po)

Kevin Arceneaux est enseignant-chercheur en science politique et directeur du CEVIPOF de Sciences Po. Spécialiste de l’étude politique de l’opinion publique et des médias. Du mois de juillet jusqu’à l’élection, il a dirigé avec Rory Truex, professeur de sciences politiques à l’université de Princeton, une enquête hebdomadaire de suivi électoral sur le terrain.