Tous les mois, Émile vous propose de découvrir une série de livres abordant des questions politiques sous différents angles. Au programme du mois de mars, un focus sur la guerre en Ukraine, deux ans après l’attaque du pays par la Russie. D’un conflit à un autre, nous vous présentons également un ouvrage sur la mémoire de la guerre de Bosnie-Herzégovine, ainsi qu’une analyse de la vie politique sous la Ve République. À lire !

Par Zoë Foures

Un si long mois de février - Histoire intime de la guerre en Ukraine

La journaliste Clara Marchaud vivait à Kyiv lorsque l’invasion russe a débuté. Devenue correspondante de guerre, elle a documenté pendant de longs mois le conflit de l’intérieur. Dans ce livre, elle prend la plume pour aborder un autre aspect de la guerre, moins présent dans les médias, celui de la vie quotidienne. En s'appuyant sur des témoignages intimes et poignants, elle dresse le portrait de la jeune génération, celle des moins de 30 ans, dont le quotidien a basculé il y a tout juste deux ans. 

Avant l’attaque russe, la vie à Kyiv était bien différente. Mais le 24 février 2022 marque un tournant brutal, où l'urgence devient palpable alors que les bombes résonnent, forçant les habitants à se réfugier dans les caves ou à fuir vers le métro, seuls ou accompagnés de leurs proches, emportant avec eux seulement l'essentiel. 

Clara Marchaud explore avec sensibilité les dilemmes qui surgissent en temps de conflit : les choix d'engagement, la perspective d'un avenir incertain, la décision difficile de rester ou de partir à l'étranger. Elle y décrit d’une part la colère et la haine qui se mêlent aux relations interpersonnelles, mais aussi l'amour qui persiste malgré les circonstances, offrant des moments de répit et de bonheur. Dans cette histoire intime de la guerre en Ukraine, la politique se mêle à chaque aspect de la vie, illustrant la lutte quotidienne pour trouver un semblant de normalité au milieu du conflit.

L’AUTEURE

Clara Marchaud (promo 20), diplômée de l’École de journalisme de Sciences Po, est installée à Kyiv depuis 2021, où elle est correspondante pour L’Express, Le Figaro et Médiapart. Un si long mois de février est son deuxième ouvrage.

Clara Marchaud, Un si long mois de février, Plein Jour, 288 pages, 21 €

La Haine et le déni - Avec les Ukrainiens et les Russes dans la guerre

Ce livre nous plonge au cœur de la guerre entre l'Ukraine et la Russie, déclenchée par l'invasion russe fin février 2022. La journaliste Anne Nivat s'est rendue des deux côtés de la ligne de front pour rencontrer soldats et civils, dépeignant un tableau poignant de la réalité vécue par ceux qui sont impliqués dans ce conflit. 

À travers leurs témoignages, l'ouvrage offre une perspective unique sur les différents ressentis qui caractérisent cette guerre, tant l’espoir des deux populations que la haine et le déni. 

Le récit d’Anne Nivat révèle des aspects méconnus de ce conflit dévastateur, plus nuancés que les images diffusées sur nos écrans. Le lecteur découvre, de l’intérieur, les perspectives et sentiments des Russes et des Ukrainiens.

L’AUTEURE

Grand reporter de guerre et spécialiste des questions internationales, Anne Nivat (promo 91) a été lauréate du 62e Prix Albert Londres en 2000 pour son récit du conflit en Tchétchénie. Titulaire d’un doctorat de science politique en études soviétiques et est-européennes (Sciences Po, 1996), elle est spécialiste de cette zone géographique, mais n’a pas hésité à couvrir l’actualité dans d’autres régions du monde. Elle est l’auteure d’une dizaine de livres dont Lendemains de guerre en Afghanistan et en Irak (Fayard, 2004) et Un continent derrière Poutine ? (Seuil, 2018).

Anne Nivat, La Haine et le déni, Flammarion, 352 pages, 22 €

Notre guerre - Le crime et l'oubli : pour une pensée stratégique

Dans cet ouvrage, Nicolas Tenzer offre une analyse pénétrante de la réalité géopolitique contemporaine, soulignant la montée des tensions internationales et l'émergence d'une ère de conflits persistants. Il met en lumière la stratégie agressive de Poutine envers l'Ukraine et les démocraties occidentales, révélant la nature de « guerre totale » de ce conflit et son caractère idéologique qui a pour projet de détruire les principes fondamentaux établis après la Seconde Guerre mondiale. 

Tirant des enseignements des erreurs passées, l'auteur propose un plan d'action pour une nouvelle diplomatie de guerre, basée sur une analyse précise des menaces actuelles telles que les activités criminelles russes, les ambitions expansionnistes de la Chine, les conflits persistants au Moyen-Orient et les attaques contre les démocraties. Il souligne l'importance cruciale d'une approche réaliste et lucide face aux défis contemporains, avertissant que l'ignorance de ces forces pourrait conduire à des répétitions des erreurs passées et à des conséquences désastreuses. Son appel à une compréhension approfondie des forces en jeu résonne comme une invitation à l'action face aux défis complexes et aux menaces croissantes qui pèsent sur la sécurité et la stabilité mondiales.

L’AUTEUR

Nicolas Tenzer (promo 82), haut fonctionnaire, enseignant universitaire et essayiste, donne des cours de philosophie politique à Sciences Po et à l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS). Il publie régulièrement essais et articles dans diverses revues, où il aborde des questions de démocratie, de géopolitique et de relations internationales. De 2021 à 2023, il a été le directeur de la publication Desk Russie, lettre d'information sur la Russie et les pays issus de l’ex-URSS. En 2022, il a rejoint le CEPA (Center for European Policy Analysis), institut de recherche créé en 2005 à Washington, consacré à l'étude de l'Europe centrale et orientale.

Nicolas Tenzer, Notre guerre, L’observatoire, 224 pages, 28 €

Between Fears and Hope 

Ce beau livre, qui associe photographies, récits, témoignages et essais, nous immerge dans la mémoire de la guerre de Bosnie-Herzégovine, à l’aube du 30e anniversaire du massacre de Srebrenica.

Pendant trois ans, le photographe Fabrice Dekoninck a arpenté la Bosnie-Herzégovine pour enquêter sur la guerre en ex-Yougoslavie, conflit majeur de la fin du XXe siècle. Tel un anthropologue de la mémoire, oscillant entre le journalisme et le récit, il cherche à immortaliser les traces et les témoins du conflit avant qu’ils ne disparaissent. Il souhaite photographier « ce qui a été et ne sera plus ».

Dans cet ouvrage, les photographies et les textes se répondent, créant une véritable œuvre documentaire. Ainsi, le lecteur pourra y découvrir des essais écrits par les chercheurs Nicolas Moll (« Comment sortir de la guerre ? ») et Bruno Tertrais  (« De Vukovar à Vuhledar : pourquoi les guerres européennes »), ainsi qu’une interview de Jean-René Ruez, commissaire de police qui a enquêté sur le massacre de Srebrenica. Des récits de témoins, d’artistes ou encore de militants de la paix sont également présents. Rassemblés, ces éléments dressent le portrait d’une société bosnienne dont le conflit est « gelé, mais non résolu », avec un passé pesant sur le présent mais où l’espoir demeure, afin d’en identifier les causes pour éviter que la tragédie se reproduise.

LES AUTEURS

Spécialisé en photographie documentaire et passionné d’histoire, Fabrice Dekoninck capture les traces du passé et étudie leur impact sur le présent. Les photos de ce projet ont été exposées à la Galerie Nationale de Sarajevo en 2023. En 2017, il publie son premier ouvrage, un essai photographique intitulé Comme On Peut, portant sur la Première Guerre mondiale.

Politologue spécialisé dans l’analyse géopolitique et stratégique, Bruno Tertrais (promo 84) est directeur adjoint de la Fondation pour la recherche stratégique (FRS). Il est également conseiller géopolitique à l’Institut Montaigne.

Nicolas Moll est historien, spécialiste des sociétés post-conflit.

Fabrice Dekoninck, Between Fears and Hope, Hemeria, 272 pages, 59 € 
(L’ouvrage est disponible en français ou en anglais)

Le Goût de la politique - Un observateur passionné de la Ve République

En mêlant éléments auto-biographiques et analyse de notre histoire politique contemporaine, Pascal Perrineau nous offre, dans ce livre, son récit personnel de la Ve République. Il nous raconte les scènes marquantes du gaullisme, le vent soixante-huitard dans les lycées, l’effervescence des campagnes présidentielles sur les bancs de Sciences Po, les coulisses du PS mitterrandien et ses désillusions sur le socialisme dès 1981.

Élection après élection, le chercheur en science politique regarde attentivement la carte des scrutins, prête attention aux signaux faibles qui préfigurent l’émergence d’une nouvelle ligne de fracture politique. Le clivage gauche-droite s’estompe, le paysage partisan se réorganise autour de deux pôles, l’un ouvert sur le monde, l’autre figé sur l’idée de nation.

Au-delà du simple récit, Pascal Perrineau nous livre également ses analyses sur les facteurs économiques, géographiques et culturels à l’origine de cette reconfiguration politique. Face à la désaffection croissante des Français pour la vie politique, le politologue propose des pistes concrètes pour l’avenir de notre démocratie.

L’AUTEUR

Pascal Perrineau (promo 74) est politologue, professeur émérite des Universités à Sciences Po où il a dirigé le Centre de recherches politiques (Cevipof) de 1992 à 2013. Ses recherches portent sur les clivages politiques et l’analyse de l’extrême droite en France et en Europe. Il est également le président de Sciences Po Alumni et le directeur éditorial du magazine Émile. 

Pascal Perrineau, Le goût de la politique, Odile Jacob, 256p. 22,90 €