Émile s’est entretenu avec Hermès Dezautière, étudiant à Sciences Po et HEC, cofondateur d’une plateforme de tutorat virtuel pour les élèves de la 6ème à la Terminale. Sorte de coach virtuel, l’application Rakoono utilise le Machine Learning pour proposer un accompagnement personnalisé.

Propos recueillis par Maïna Marjany (promo 14)

L’équipe de Rakoono

• Hermès Dezautière (CFO) : étudiant à HEC x Sciences Po. Co-fondateur d’Edupotent, un service de coaching pour candidats de MBA. Il est également professeur particulier et bénévole dans l’éducation.

• Louise Riché (CMO) : étudiante à HEC et alumnus de University College London (UCL) en Data Science. Data Scientist chez Retail Int. et une expérience d’enseignante au Vietnam.

• Thomas Le Corre (CEO) : étudiant à HEC & Sciences Po, alumnus de Berkeley. Il a fondé en 2019 SciencesPistes, une boîte de cours particuliers qui compte 2000 profs particuliers. Il a également été Product Manager chez regal.io à New York.

• Thomas Niel (CTO) : étudiant ingénieur à l’Institut Polytechnique spécialisé en IA, en double diplôme au Master en Management & Innovation à TUM x HEC, stage de recherche sur l’IA Générative dans le laboratoire de l’université des sciences appliquées de Zurich.

Pourquoi vous êtes-vous lancé dans un projet entrepreneurial ? Était-ce votre première expérience ?

J’avais déjà lancé un service de coaching pour des candidats aux MBA avec deux camarades du Bachelor de Sciences Po, mais je considère Rakoono comme mon premier projet avec une vision à grande échelle. Je suis guidé par ma passion pour l’éducation mais aussi parce que, pour moi, l’entrepreneuriat est la meilleure aventure humaine à vivre dans le monde professionnel. Le travail en équipe est le terrain parfait pour découvrir à la fois de nouveaux défis et en apprendre plus sur soi-même. Au-delà du volet personnel, l’éducation est évidemment pour moi un enjeu de société unique — que Sciences Po m’a permis d’étudier sous toutes ses coutures — et sur lequel je veux avoir un impact positif à la plus large échelle possible.

Pouvez-vous nous raconter la genèse de Rakoono ?

À l’origine, Thomas Le Corre a eu l’idée de Rakoono lorsqu’il étudiait à Berkeley. Alors CEO de sa plateforme Edtech Sciencepistes.fr, en 2019, il a observé le manque de personnalisation à l’école. Les cours particuliers sont souvent la seule option pour y pallier, mais ils sont chers et s’adressent donc surtout aux familles aisées. Pourtant, ce sont en majorité les enfants modestes qui ont le plus besoin d’aide dans leur scolarité.

Thomas s’est rendu compte de la puissance du Machine Learning pour offrir une expérience éducative personnalisée à chaque élève avec un coût risible. Groupe d’amis très soudés à HEC et passionnés par les mêmes thématiques, nous avons adoré l’idée et l’avons suivi pour développer le projet ensemble. Depuis mai, nous sommes incubés à Station F, au sein de l’incubateur d’HEC, et nous sommes passés à temps plein sur Rakoono.

Pitchez-nous le concept de Rakoono en quelques lignes.

Rakoono est le coach éducatif dans la poche de chaque élève. Grâce au Machine Learning, aux LLMs, notre raton-laveur éducatif est capable d'accompagner chaque élève à son rythme, de résoudre un exercice pas à pas, de réexpliquer n'importe quelle notion, ou de générer des quizz sur-mesure, en Mathématiques, Sciences ou Économie, de la 6e à la Terminale. Il permet également de se préparer au brevet et au bac de Mathématiques en travaillant tout le programme avec des exercices qui s’adaptent au niveau de son utilisateur. Tout ceci de façon facile, ludique et amusante, et à chaque instant.

La création d’un tel outil n’est-elle possible que depuis la révolution introduite par ChatGPT ?

C’est en partie vrai. Les modèles de langage (et toutes leurs évolutions, par exemple le multimodal), permettent, en effet, un degré de personnalisation jusqu’alors jamais atteint. Il nous serait par exemple impossible de créer des exercices en un instant sur un thème qui plaise à l’élève.

Cependant, créer un outil activant les élèves démotivés et les encourageant tous à travailler sur la durée est plutôt une problématique intemporelle qu’une innovation. Il est très difficile de donner à l’élève le bon support pour apprendre et coller aux exigences de son établissement tout en maintenant sa motivation. Les générations plus jeunes comme la nôtre ont un temps de cerveau disponible et d’attention accaparé par de nombreuses applications, il est difficile de leur demander de longues heures de travail pour ne parfois jamais voir les résultats attendus. Il faut aujourd’hui à la fois pouvoir les rassurer sur leurs capacités, leur permettre de travailler rapidement et efficacement, et rendre l’apprentissage agréable.

Qu’est-ce qui vous distingue des autres entreprises existantes dans le domaine de l’accompagnement personnalisé via l’IA ?

L’ADN de Rakoono, c’est d’abord la pédagogie. La plupart des IA type ChatGPT, Mistral ou BingAI ont un problème commun : ils permettent aux élèves de tricher. C’est pour cette raison qu’ils sont tous interdits dans la plupart des écoles. A l’inverse, comme le ferait un professeur particulier, Rakoono accompagne l’élève pas-à-pas sans donner directement la réponse.

Notre raton-laveur a aussi été codé pour être ludique : pour inciter tous les élèves à réviser, en particulier les plus en difficulté, Rakoono est stimulant et amusant. Notre prépa au bac de Maths intègre par exemple un système d’XP, de classement, des QCMs de plus en plus difficiles, des animations et des sons.

Enfin, Rakoono doit être personnalisé : l’éducation c’est avant tout offrir un accompagnement sur-mesure en fonction des forces et faiblesses de chacun. C’est pourquoi nous avons des algorithmes de difficultés pour nos prépas aux examens et que nous attendons avec impatience l’intégration d’une mémoire aux LLMs : il sera alors possible de prendre en compte les goûts, la méthode de mémorisation et de travail, l’évolution et la progression sur plusieurs années d’un élève.

Quel est votre business model ?

Pour le moment, Rakoono fonctionne sur un modèle freemium avec des outils gratuits, comme notre chatbot et la préparation au bac, d’autres payants comme le choix entre plusieurs matières pour réviser. Nous avons fait le choix d’une version gratuite la plus généreuse possible, qui permette à chaque élève de réviser avec peu de limites. Notre principale source de cash est l’abonnement récurrent, qui offre des fonctionnalités premium et nous développons actuellement des partenariats affiliation et de la publicité opt-in (vidéos volontaires pour gagner des récompenses) pour que nos utilisateurs gratuits génèrent du revenu.

Le freemium est viable car cela favorise la viralité et la “scalabilité” de notre app, dans un marché où le bouche-à-oreille entre élèves est particulièrement déterminant. L’abonnement nous offre une avance en trésorerie qui nous permet de financer l'acquisition de nos nouveaux utilisateurs. Le benchmark du churn rate en Edtech est bas, permettant une CLV élevée.

Il s’agit aussi d’une offre originale sur un marché où la plupart des services éducatifs se paient à la demande. Notre abonnement offre, lui, un accompagnement illimité. Nous voulons explorer pendant l’été la possibilité d’un modèle B2B qui rendrait l’outil gratuit pour les élèves en passant notamment par l’affiliation avec des partenaires et des lycées.

Pouvez-vous dresser un premier bilan de Rakoono depuis sa création ? Et quels sont vos objectifs pour la suite ?

En quatre mois, Rakoono a rassemblé près de 20 000 utilisateurs et des millions de vues sur nos réseaux sociaux : le raton est plébiscité dans toutes les classes, de la 6ème à l’université. Nos résultats plus récents sur le bac de Maths sont très encourageants : chaque session de révision d’un élève de Terminale a duré en moyenne 14 minutes, en sachant qu’on compte 12 000 sessions en 10 jours.

Les retours sont très positifs. L’approche très pédagogique de notre IA et sa facilité d’utilisation sont très appréciées, et notre prépa pour le Bac a été plébiscitée pour son expérience utilisateur et sa simplicité.

À l’avenir, pour parvenir à créer un coach éducatif toujours plus flexible, Rakoono doit devenir un “superprof multimodal” — qui comprend le texte, la voix et la vidéo —, avec une mémoire globale qui s’adapte aux forces et faiblesses de l’élève à travers les années. On pense déjà notre raton-laveur capable de s’adapter aux deadlines de l’élève pour lui proposer un planning de révisions sur-mesure, avec des fiches et des exercices personnalisés.