Bike up & Down : le vélo pour défendre une société plus inclusive
Émilie (promo 2005) et Davy Sanchis se sont lancés un défi de taille : aller de Blois à Nouméa à vélo pour militer en faveur de l’inclusion par le sport. Souhaitant mettre en avant les individus en situation de trisomie 21 tout en récoltant des dons en faveur des associations, les deux sportifs traverseront trois continents et parcourront environ 14 000 kilomètres. La rédaction d’Émile est allée à leur rencontre avant un départ prévu en juin 2021.
Propos recueillis par Maïna Marjany et Pierre Miller
Quel est votre parcours professionnel et comment vous est venue l’idée de cette aventure entre Blois et Nouméa ?
J’ai obtenu un DESS Urbanisme, Aménagement et Développement Local à Sciences Po Paris en 2005. J’ai ensuite travaillé dans le secteur public à la Communauté d’Agglomération de Blois tout d’abord comme responsable des transports puis ensuite comme responsable administrative, financière et RH du Cycle de l’Eau. Davy, après avoir fait l’École forestière, est devenu commercial dans le secteur du bois et responsable d’un important négoce.
Nous sommes tous les deux passionnés de voyages, de sports, de découvertes et de rencontres. Nous rêvions depuis quelques années de découvrir le monde, plus que convaincus de cette citation de Jack Kerouac : « Parce qu’au bout du compte, tu ne te souviendras pas du temps passé au bureau ou à tondre la pelouse. Va grimper cette foutue montagne. » Nous ne voulions pas le faire sans un objectif solidaire et nous voulions défendre une société plus inclusive. Le monde du sport est aujourd’hui plus ouvert au handicap physique. Néanmoins, les handicaps mentaux et psychiques sont beaucoup plus rarement évoqués et méconnus. Quels clubs de sport acceptent des sportifs qui sont différents mais qui ont aussi leur place et sont capables de réaliser des exploits ?
En partant de Blois vers Nouméa nous souhaitons porter ce message de l’inclusion à travers le sport en allant à la rencontre des associations, des porteurs de trisomie 21, des habitants, des mairies, etc. Nous participerons à des événements organisés sur notre passage et ouvert à tous, pour tous.
Pourquoi ce choix de défendre la cause de la trisomie 21 ?
La trisomie 21 aussi appelée syndrome de Down a donné son nom à notre projet « Bike up & Down ». Il s’agit d’un jeu de mots entre le nom de la maladie et les montées et descentes du parcours. La trisomie 21 est à la fois l’anomalie chromosomique la plus courante à la naissance, et une pathologie dont l’espérance de vie est importante et grandissante. En France, un individu diagnostiqué pouvait vivre environ neuf ans en 1960. Aujourd’hui, l’espérance de vie est de plus de 60 ans pour la moitié des patients. La trisomie 21 est par ailleurs la première cause de déficit mental d'origine génétique. En moyenne et dans le monde, cette pathologie concerne un bébé conçu sur 700 à 1000. Aborder le handicap mental par une pathologie fréquente et connue du grand public nous a paru opportune.
Quels sont les bénéfices de l’inclusion par le sport ?
Le sport est un vecteur fort de cohésion sociale, cela a été mis en avant de nombreux rapports. Dans le monde du handicap, l’inclusion par le sport permet de changer les représentations et de favoriser l’acceptation des différences. Pour les personnes en situation de handicap comme pour tous, le sport est l’opportunité de se mettre ou de se remettre en activité, de reprendre confiance en soi, de retrouver une certaine estime personnelle et de sortir du cadre habituel tout en nouant du lien social. Le sport est bénéfique pour la santé et le bien-être de chacun.
La stratégie nationale Sport et handicaps 2020-2024 a notamment pour mission de développer et médiatiser les parasports parmi lesquels se côtoient le handisport à destination des handicaps physiques et visuels, et le sport adapté s’adressant aux individus en situation de handicap mental et psychique. Notre projet individuel s’inclut parfaitement dans ce cadre et cette volonté. Il est complémentaire d’autres actions d’inclusion dont le travail en dehors des Etablissement et Service d’Aide par le Travail (ESAT).
Pourquoi le choix de voyager à vélo et pourquoi avoir sélectionné cet itinéraire ?
Nous avons choisi de voyager à vélo car nous souhaitons réduire notre empreinte écologique. Dans nos déplacements quotidiens, nous avions déjà commencé à modifier nos comportements. Davy allait par exemple au travail à vélo depuis trois ans ce qui représente 26 km aller–retour. Personnellement, je me rendais à pieds sur mon lieu de travail depuis quelques mois. La crise sanitaire nous fait davantage prendre conscience du rôle que chacun peut jouer dans la préservation de l’environnement.
Par ailleurs, voyager à vélo permet de nous inscrire dans un voyage au temps long dans une société où l’immédiateté a pris beaucoup de place. Nous souhaitons prendre le temps de réfléchir, de rencontrer, de découvrir en roulant. Nous voulons nous interroger et essayer d’apporter, à notre échelle, un message fort, celui de l’inclusion. Nous avons choisi un itinéraire nous donnant l’opportunité de traverser des régions que nous ne connaissons pas, en particulier l’Asie Centrale. Nous allons également traverser plusieurs continents que ce soit l’Europe, l’Asie ou l’Océanie. Dans chacun de ces territoires, les modalités de prise en charge du handicap sont différentes.
Enfin, cette aventure nous permet d’arriver à l’autre bout du monde, sur une terre où notre langue est parlée. Il est ainsi possible de retrouver un certain repère tout en vivant de l’intérieur cette collectivité d’outre-mer qu’est la Nouvelle Calédonie. Nous posons aujourd’hui l’option d’y passer un certain temps après l’arrivée.
Quels sont les obstacles les plus significatifs dans l’organisation d’une aventure à vélo de cette durée ?
L’obstacle le plus significatif est l’incertitude quant à la réalisation de l’itinéraire initialement prévu. Obtenir un visa ou le prolonger est difficile dans le cas de certains pays, en particulier la Chine. Les visas délivrés n’ont pas nécessairement une durée adaptée et le nombre de documents requis est très important. Nous ne pouvons par ailleurs pas fournir un itinéraire précis au vu de la taille de ce pays. Le fait d’avoir traversé d’autres pays et notamment la Turquie est également un motif permettant de refuser l’octroi d’un visa. Les crises que peuvent connaître les pays traversés, l’insécurité et les impacts de la crise sanitaire sont aussi des éléments à prendre en compte.
Néanmoins, nous ne prenons pas cela de manière négative et avons réfléchi à un itinéraire alternatif. Nous voyons cela comme un défi à relever parmi d’autres. D’autres difficultés sont à prévoir dont des conditions météorologiques extrêmes, un manque d’infrastructures sanitaires ou d’éventuelles situations délicates pour nos proches alors que nous serons loin. Depuis trois ans que nous avons pris cette décision, nous avons pris le temps de nous préparer physiquement et psychologiquement. Nous sommes prêts à relever ces défis et l’adaptabilité est notre maître-mot.
L’épidémie de Covid-19 a-t-elle impacté vos plans ?
Nous avions prévu de partir le 21 mars 2021, journée mondiale de la Trisomie, avec un événement de départ important. En sus, il y a de nombreuses fermetures de frontières et nous avions prévu de nombreuses actions avec un public fragile. Nous avons décidé de reporter le départ au 13 juin 2021 et espérons pouvoir être vaccinés avant de sortir de France. Cela faciliterait cette aventure, pour nous comme pour le public rencontré.
Comment vous suivre dans cette aventure et comment vous soutenir ?
Il est possible de nous suivre sur les réseaux sociaux via nos différents comptes Bikeup&Down. Nous sommes présents sur Facebook, Instagram et You Tube. Nous avons ouvert un blog et une cagnotte Lyf Pay afin de participer à nos frais quotidiens. Nous avons déjà trouvé des sponsors et partenaires pour nos équipements.
Nous souhaitons avant tout collecter des dons pour Trisomie 21 France. Nous avons à cet effet ouvert une cagnotte sur la plate-forme Gandee dont les dons vont à 100% à Trisomie 21 France. Ces derniers sont déductibles à hauteur de 66% des impôts pour les particuliers et 60% pour les entreprises. Nous avons également ouvert une cagnotte en faveur de l’association mondiale Down Syndrome International.
En outre, chacun peut soutenir notre projet en relayant ce message de l’inclusion et en intégrant des personnes porteuses de la trisomie 21 dans ses actions, sa vie quotidienne, son club sportif ou son entreprise. Dans l’inclusion, il n’existe pas de groupe de personnes avec ou sans handicap. Toutes les personnes présentent des besoins communs et individuels. L’égalité et la différence trouvent leur place. La diversité est la norme et nous apporte collectivement.