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Étienne de Poncins, un ambassadeur dans la guerre de la communication à Kiev

[Série : Les Alumni qui ont marqué l’année 2022] L’ambassadeur de France en Ukraine, alumnus de Sciences Po (promo 84), cultive l’image d’une France dévouée auprès de son voisin ukrainien face à la désinformation du Kremlin.

Par Louis Chahuneau

Étienne de Poncins (Crédits : Bruno Lévy)

Bucarest, juillet 1988. Étienne de Poncins, n’est qu’un jeune étudiant de l’ENA de 24 ans lorsqu’il est pris en stage à l’ambassade de France en Roumanie. C’est l’époque de Ceausescu, de l’URSS et des arrestations de masse. « Ce stage de six mois dans une dictature totalitaire m’a marqué au fer rouge », écrit aujourd’hui l’ambassadeur de France en Ukraine dans ses mémoires, Au cœur de la guerre (XO Éditions, 2022).

Déplacer l’ambassade à Lviv

Se serait-il douté qu’il y repasserait, 30 ans plus tard, dans un convoi lancé à pleine vitesse, pour fuir la capitale de Kiev encerclée par l’armée russe ? « C’était très tendu. On ne savait pas où étaient les Russes et on avait le sentiment que Poutine nous donnait 48 heures pour quitter la ville », se remémore aujourd’hui le diplomate depuis son bureau de l’ambassade. Silhouette longiligne, sourcils épais surmontant de grands yeux sombres, Étienne de Poncins revient sur ces derniers jours de février 2022 où il a dû fuir Kiev avec les derniers membres de son équipe pour transférer – à sa demande – l’ambassade à Lviv, non loin de la frontière polonaise. Près d’un an plus tard, il ne regrette pas d’être resté en Ukraine, à la fois pour le symbole et pour remettre aux Ukrainiens l’aide matérielle occidentale qui se massait à la frontière polonaise (armement, équipement de survie, générateurs d’électricité…) : « L’une de nos caractéristiques a été de maintenir l’ambassade sur le sol ukrainien, ce qui nous a démarqués de nombreux partenaires. Cela a été une excellente décision à la fois sur le plan politique, et sur le plan de la solidarité », juge-t-il. 

Rien ne prédestinait ce Parisien de bonne famille à affronter la guerre. Fils d’un industriel et d’une mère au foyer, Étienne de Poncins grandit à Paris et intègre Sciences Po, dont il sort diplômé à seulement 20 ans. Déjà attiré par le service public, le jeune homme poursuit ses études à l’ENA, où il opte pour la carrière diplomatique « parce que j’avais le sentiment d’être issu d’un milieu assez protégé et pas assez ouvert sur le monde ». 

Décrit par un proche comme « courageux et équanime », amateur de longues marches et admirateur de Valéry Giscard d’Estaing, Étienne de Poncins est un Européen convaincu. Il enchaîne les affectations à la convention européenne, puis comme directeur de cabinet de la ministre déléguée aux Affaires européennes, Catherine Colonna, avant d’être nommé ambassadeur de France en Bulgarie, au Kenya et en Somalie. C’est là-bas qu’il découvre les enjeux sécuritaires, notamment lorsqu’il prend la tête de la mission européenne Nestor, qui lutte contre la piraterie maritime dans la Corne de l’Afrique.

En août 2019, le Quai d’Orsay le rapatrie en Europe pour qu’il prenne la tête de l’ambassade de France en Ukraine, trois mois après l’élection de Volodymyr Zelensky à la tête du pays. Les deux hommes se connaissent bien. Ils partagent le même souci de la communication. Quand le président ukrainien se filme en tenue militaire dans les rues de Kiev, entouré de sa garde rapprochée, pour prévenir qu’il restera se battre, l’ambassadeur français se fait prendre en photo dans un cimetière de Lviv, où il rend hommage aux soldats tués. 

Rompu aux arcanes des plateaux télévisés, Étienne de Poncins assume son côté « show off » : « La communication est un champ de bataille, si on ne l’occupe pas, ce sont des réseaux pro-russes qui le font. » L’ambassadeur est bien placé pour le savoir : il a lui-même été victime d’une fake news relayée par l’extrême droite française qui le disait démissionnaire : « C’est désagréable, mais cela fait partie du monde actuel ». En novembre dernier, certains fonctionnaires de l’ambassade se sont émus de la parution de son livre, dont ils ne partagent pas le ton glorificateur. Une erreur de communication ? « C’est leur droit de le penser », balaye Étienne de Poncins. Un mois et demi après sa sortie, l’ouvrage s’était déjà écoulé à 7 000 exemplaires. 

Ce portrait a initialement été publié dans le numéro 27 d’Émile, paru en février 2023.