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Création artistique : en finir avec la fabrique des spectacles jetables

ARTCENA, le centre national des arts, du cirque de la rue et du théâtre, veut inscrire ses disciplines dans un futur régi par le développement durable. Sa directrice générale, Gwénola David (promo 94), nous explique comment.

Gwénola David, directrice générale d’ARTCENA. (D.R.)

Pouvez-vous, en quelques mots, brosser le portrait d’ARTCENA ?

ARTCENA est né en 2016, avec pour mission d’aider les professionnels à mettre en œuvre leurs projets en France et à l’international, mais aussi à préparer les mutations de demain et à construire le futur des arts du cirque, de la rue et du théâtre. Tourné vers le grand public, ARTCENA donne à voir et à comprendre l’actualité et les enjeux de la création contemporaine, notamment grâce à un magazine et à des repérages en ligne. 

Concrètement, comment accompagnez-vous les professionnels ?

À travers des informations, des conseils et des formations sur toutes les questions liées à la création, mais aussi en nourrissant la réflexion sur les pratiques et les esthétiques, en apportant des aides financières et en mettant les porteurs de projet en contact avec ceux qui peuvent les produire et les diffuser, pour sortir de la logique du « pas vu, pas pris ».

Les professionnels trouvent également des outils et des ressources sur notre site internet. L’objectif est de stimuler la créativité, l’innovation, et de faire connaître les talents et la nouvelle génération. Pour le grand public, il s’agit de faciliter l’accès à une documentation sélectionnée et expertisée plutôt que de le noyer sous un flot de données, et d’éditorialiser la connaissance avec un magazine qui décrypte la scène d’aujourd’hui.

Quel est le futur du spectacle vivant, dont vous parliez ?

L’enjeu majeur, c’est le développement durable, c’est-à-dire la soutenabilité du modèle français du spectacle vivant. Nous assistons à une sorte de krach du système. Les spectacles peinent à vivre dans la durée, la conjoncture inflationniste précipitant une crise structurelle profonde alimentée par des financements publics focalisés sur la production. Changer de paradigme me semble une nécessité et cette mutation des politiques publiques doit être écoresponsable.

Concrètement, ça veut dire quoi ?

Rééquilibrer les financements et cahiers des charges des lieux et des équipes artistiques entre recherche, production, diffusion et médiation afin de sortir de cette fabrique de spectacles jetables, mis sur le marché pour quelques représentations. Ralentir le rythme de création en donnant de justes moyens à l’expérimentation, phase essentielle du processus créatif qui forge la singularité et la qualité des œuvres. Travailler différemment la production et la diffusion, en respectant la cohérence géographique et en développant la coopération et la mutualisation, et pourquoi pas une économie mixte de tournées entre institutions labellisées, lieux intermédiaires et collectivités. Et puis penser autrement la rencontre avec les publics, à partir d’une éthique de l’hospitalité, pour accueillir celles et ceux qu’on ne connaît pas.

C’est ce qui permettra au public de se réapproprier la création contemporaine, selon vous ?

Les spectateurs ne sont pas que des consommateurs, ils manifestent un besoin de sens, un désir de partage et de convivialité. Le spectacle vivant et la présence des artistes dans les territoires peuvent y répondre. Beaucoup de personnes pensent que l’offre culturelle n’est pas pour elles car elles n’ont pas les moyens de se l’approprier. C’est ce qu’il faut changer en répondant à la demande de participation des gens et en leur permettant de développer leur sensibilité propre par l’éducation artistique et culturelle.

Un dernier mot sur la révolution numérique, que l’on ne peut plus opposer au spectacle vivant.

Il est même nécessaire de rendre complémentaires ces deux cultures. Et elles le sont intrinsèquement. Le numérique est un formidable moyen de découverte et d’initiation pour le public, qui l’a d’ailleurs pleinement intégré dans ses pratiques. Tout comme les artistes qui l’utilisent dans leurs processus et conçoivent des créations « augmentées » se déclinant sur écrans et in vivo. ARTCENA s’appuie aussi sur cette révolution pour déployer son projet et rester inventif. 


 ARTCENA : Les chiffres clés

  • 1,1 million de visites du site

  • 2,7 millions de pages vues par an (+ 30 % par an)

  • 32 000 documents en ligne

  • 705 contenus éditoriaux produits par an (articles, podcasts, vidéos)

  • 1 150 conseils individualisés par an

  • 130 événements organisés par an


Publi-reportage initialement publié dans le numéro 28 d’Émile, paru en juin 2023.