Denis Lacorne : "Cette élection annonce-t-elle une forme de fascisme à l’américaine ?"
Le retour de Donald Trump à la tête des États-Unis est un tournant dans le paysage politique américain, alors que la nation est plus divisée que jamais. Son élection soulève de nombreuses questions sur l’avenir de la démocratie américaine. Denis Lacorne, politologue au CERI, spécialiste des États-Unis analyse l'impact de cette présidentielle sur la politique américaine et mondiale.
Propos recueillis par la direction de la communication de Sciences Po et la rédaction d’Émile
Quels sont les grands enseignements à tirer de cette élection ?
Le premier enseignement, c’est l’effet de surprise. Personne ne s’attendait à une victoire aussi nette de Trump, non seulement dans les États pivots, mais également dans l’ensemble du pays. Cependant, peut-on vraiment parler de raz-de-marée ? Je ne pense pas. Il s’agit plutôt d’un grignotage systématique dans toutes les catégories d’électeurs : hommes, femmes, Noirs, Latinos, Arabo-Américains, diplômés ou non… En additionnant ces petits pourcentages un peu partout, Trump a fini par obtenir une victoire conséquente.
Un deuxième enseignement concerne l’état de la démocratie américaine, qui semble plus fragile qu’on ne le croit. Trump, après tout, est quelqu’un qui manie l’insulte, a été poursuivi pour harcèlement sexuel, fraude – y compris fiscale – et tentative d’insurrection le 6 janvier 2021. C’est un homme qui montre peu de respect pour les principes démocratiques et l’État de droit. La Constitution américaine est, semble-t-il, loin d’être sa priorité. On peut se demander si cette élection annonce une forme de fascisme à l’américaine. Du moins, elle soulève des inquiétudes légitimes.
Comment analyser l’échec de Kamala Harris à l’aune de ces dynamiques ?
Aux États-Unis, certains critiquent sa campagne, affirmant qu’elle s’est lancée trop tard ou qu’elle n’a pas été à la hauteur. Je pense pour ma part qu’elle a fait une campagne décente, compte tenu du temps limité dont elle disposait, un peu plus de 100 jours. Elle s’est montrée brillante dans le seul débat contre Trump, au point de le dissuader de participer à un second ou troisième débat. Le principal défi pour Harris a été double : devait-elle se démarquer de Biden, qui n’a pas su assumer sa candidature jusqu’au bout, et réclamer un droit d’inventaire, à l’image de Jospin avec Mitterrand ? Ou bien, devait-elle poursuivre dans la continuité de Biden, sans le critiquer ?
L’économie a aussi constitué un lourd héritage pour Harris, notamment les perceptions que les électeurs en avaient. Aux États-Unis, comme en France, la crise du Covid a eu un impact majeur. Elle a causé des pertes humaines considérables, un effondrement des revenus et une inflation élevée, atteignant plus de 9 %, surtout sur les produits de première nécessité. Dans un pays où les achats à crédit sont la norme, même une légère hausse des taux d’intérêt alourdit les mensualités. C’est un poids qui a pesé sur l’opinion.
Pourtant, les chiffres de l’économie n’étaient-ils pas plutôt encourageants à l’approche de l’élection ?
Les partisans de Biden répondaient que les indicateurs économiques étaient plutôt positifs : la croissance est à 3 %, l’inflation est maîtrisée autour de 2 %, et les revenus réels sont en augmentation. Cependant, il faut différencier la réalité économique des trois derniers mois de la perception qu’en ont les électeurs. Ces derniers ne retiennent pas seulement les faits récents, mais surtout le souvenir des difficultés économiques passées, il y a trois ou quatre ans. Par exemple, même si le prix de l’essence a baissé, le coût des denrées alimentaires reste plus élevé qu’à l’époque de Trump. Cela nourrit une forme de nostalgie d’un passé économique perçu, à tort ou à raison, comme plus favorable. Pour plus de deux-tiers d’entre eux, les électeurs de Trump avaient pour principale motivation l’économie.
Ce sentiment a fortement pesé sur les électeurs de Trump, pour lesquels l’économie reste le principal moteur de leurs choix, à hauteur de deux tiers d’entre eux. Par ailleurs, un autre sujet a marqué les esprits : l’immigration incontrôlée, que certains estiment mal gérée par Biden. Celui-ci a pourtant tenté de passer des lois pour encadrer cette immigration chaotique, mais chaque fois, les Républicains s’y sont opposés. Ce n’est que tardivement, vers juillet, que Biden a pris des mesures plus strictes, mais cela est apparu trop tard pour inverser les perceptions.
Qu’en est-il justement de l’immigration, qui a fortement cristallisé les tensions durant la campagne ?
L’immigration suscite depuis longtemps des réactions vives aux États-Unis. Aujourd’hui, les résidents américains nés à l’étranger représentent plus de 14 % de la population, un chiffre comparable à celui des années 1920. À cette époque, les étrangers venaient d’Italie, de Russie, de Pologne, et étaient perçus comme non-assimilables, de la même manière que certains groupes aujourd’hui. Ce climat a conduit aux lois restrictives de 1924, imposant des quotas stricts, notamment pour les Européens du Sud et de l’Est, alors souvent considérés comme « non-blancs ».
Trump, de son côté, préfère des mesures draconiennes plutôt qu’un compromis législatif. Il a évoqué des arrestations massives visant 20 millions de sans-papiers, une idée difficilement réalisable sans construire des camps de rétention et séparer les familles, dont certains enfants sont citoyens américains. Cette approche soulève des questions humanitaires, d’autant plus que la moitié de ces sans-papiers vivent aux États-Unis depuis des décennies, ont une carrière, et paient des impôts, contribuant ainsi à l’économie américaine.
Le vocabulaire de Trump était terrifiant, en raison de la manière dont il caractérisait les pays d'origine des immigrés. Pour lui, Haïti ou Porto Rico, par exemple, étaient des « pays de merde » ou des « poubelles flottantes ». Même si les Portoricains sont citoyens américains, cette distinction ne changeait rien à la façon dont il parlait d’eux. Quant aux étrangers en général, Trump affirmait qu'ils empoisonnaient le « sang de l'Amérique », une expression que l'on retrouve dans les écrits d'Hitler et des nazis. Ces propos sont outranciers, délirants. Mais en même temps, il est important de comprendre que Trump est une bête de scène. C’est un bateleur qui a tendance à exagérer, mais qui est excellent en communication. Il brille dans les médias, dans les activités visibles et populistes, et donc, bien sûr, il en rajoute.
Cependant, le problème, c’est que ses insultes envers les immigrés, ses adversaires politiques et ceux qu’il qualifie d’« ennemis intérieurs » rappellent des époques sombres, comme celle du maccarthysme. À cette époque, les cibles étaient les communistes, ou ceux soupçonnés de l’être, et que l’on accusait de menacer la survie de l’Amérique. Après le discours de victoire de Trump, Stephen Miller, son conseiller en matière d’immigration, a déclaré : « On va arrêter l'invasion des États-Unis par les immigrés ». Voilà encore des propos outranciers qui, pourtant, n’ont pas découragé les électeurs.
Comment expliquer alors qu’autant d’électeurs, souvent eux-mêmes enfants ou petits-enfants d’étrangers, aient voté pour Trump ?
Près de 10 % des Latinos dans certains États ont fait ce choix. Ce n'est pas un vote massif, mais cela reste un mouvement fort parmi cette communauté d’immigrés. Une des raisons pourrait être liée aux différentes générations d’immigrants. Comme dans les années 1920, il y a aujourd'hui aux États-Unis des « vieux immigrés », installés depuis une, deux ou trois générations. Ils se sont assimilés, ont réussi dans le système américain, souvent comme petits entrepreneurs, et voient d'un mauvais œil l'arrivée de nouveaux immigrants qui ne parlent pas encore bien anglais et semblent parfois causer des problèmes, voire du chaos.
Trump, toujours dans l’excès, accuse ces nouveaux arrivants de viols, de meurtres, de criminalité. Mais pour un Hispano-Américain établi depuis plusieurs générations, les nouveaux immigrants peuvent réellement inquiéter, d’autant plus qu’ils ne sont pas tous Mexicains. Beaucoup viennent de pays encore plus violents, comme le Honduras, le Salvador ou le Venezuela. Cette différence crée une certaine méfiance et pourrait expliquer la variation dans le vote latino.
Il en va de même pour une autre minorité, les Noirs. Pourquoi certains d’entre eux ont-ils préféré Donald Trump à Kamala Harris ? Les explications sont complexes et concernent également les Latinos, mais en analysant de près les résultats, on constate que ce sont surtout les hommes, en particulier les jeunes hommes, qui ont penché pour Trump, et non les femmes. Ce même schéma se retrouve d’ailleurs chez les jeunes hommes blancs, indépendamment de leur origine ethnique. Ce phénomène mérite une explication.
Pourquoi de nombreux jeunes hommes, issus de milieux variés, ont-ils manifesté une nette préférence pour Trump ?
Il me semble qu’il existe des questions sous-jacentes que l’on aborde peu, comme la misogynie. L’Amérique a un problème de misogynie, et Trump en est l'incarnation, ce qui complique la place des femmes en politique. Il y a aussi le virilisme, un machisme très présent chez Trump et ses électeurs. Ce machisme se manifeste également dans la culture populaire : on le retrouve dans le rap, dans les jeux vidéo, davantage prisés par les hommes, et où la violence est omniprésente. Dans ces jeux, ce sont souvent des hommes qui triomphent dans des combats virtuels.
Un élément significatif, qui a été peu relevé par les journalistes, est le choix de Dana White pour introduire Trump lors de son discours de victoire. Dana White, peu connu en France mais célèbre aux États-Unis, est le fondateur des combats d’arts martiaux mixtes (MMA), très violents, où tous les coups sont permis. Avant que Trump ne commence à parler, White a déclaré : « Vous voyez, Trump, c’est une machine. On ne peut pas l’arrêter ; quand il combat, il ne quitte jamais. » Par cette introduction, il présentait Trump comme un combattant indomptable, une image d’homme fort qui a certainement renforcé son attrait auprès de son électorat.
Le vote des femmes a augmenté en faveur de Kamala Harris, mais pas de façon significative, à l'exception des femmes les plus éduquées. Dans certains sondages, on observe des écarts de 20 points de différence en faveur de la démocrate. Cependant, en général, cela n’a pas provoqué une vague de soutien féminine suffisante pour lui assurer une victoire. Les femmes représentent environ 52 à 53 % de l’électorat, un chiffre énorme. Pourtant, Kamala Harris a finalement obtenu un peu moins de voix que Biden en 2020.
Malgré le succès de plusieurs référendums en faveur des droits des femmes, notamment sur l'avortement, ces avancées n’ont pas suffi à créer une dynamique électorale capable de porter Harris à la Présidence. C’est l'un des obstacles qui ont freiné sa campagne.
Pourquoi Trump se maintient-il à une telle popularité malgré un programme économique tout aussi flou ?
En effet, Trump propose surtout de réduire les impôts pour les plus riches, qui paient déjà beaucoup moins qu'en France. Cette politique va encore augmenter la richesse des milliardaires. En tant que protectionniste, Trump prévoit aussi de taxer lourdement les importations de Chine, d'Europe, du Moyen-Orient, et d'autres régions. Mais on sait que ces hausses significatives de droits de douane, qui peuvent aller de 10 % à 100 % selon les produits, se traduisent en réalité par un impôt caché qui sera payé par le consommateur. En rendant tout plus cher pour les Américains habitués aux produits importés, ces mesures risquent d’avoir un effet inflationniste. Or, ce risque n’a pas été perçu comme tel par les électeurs de Trump.
Un autre phénomène explique la montée en puissance de Trump : le concept de classe ouvrière est flou aux États-Unis. La classe ouvrière traditionnelle, comme on l'entendait dans les années 1920 ou 1930 avec les travailleurs d'usine, n'existe plus dans le même sens aujourd'hui.
Cela dit, des entreprises ont tout de même joué un rôle dans la dynamique actuelle. En octobre, Stellantis – l’entreprise multinationale qui regroupe Peugeot, Citroën, Fiat et Chrysler et dont le patron est français – a licencié 6 000 ouvriers dans le Michigan, juste avant l’élection. En France, une telle décision si près d’une élection aurait sans doute provoqué une intervention de l’État. Aux États-Unis, où les traditions sont plus brutales, ce licenciement massif a contribué, de manière paradoxale, à la victoire de Trump dans cet État.
Comment Trump a-t-il alors rallié les électeurs de ces groupes sociaux pluriels et mécontents ?
Ceux qui le soutiennent le plus directement sont souvent des Américains sans diplôme universitaire, un groupe qui représente environ 50 à 54 % de la population adulte. Bien que souvent décrits comme appartenant à la « classe ouvrière », ces électeurs peuvent en réalité jouir d'une certaine stabilité financière, certains étant même propriétaires d'entreprises ou employeurs. C’est un groupe hétérogène, mais il soutient majoritairement Trump. Ce dernier a su exploiter un ressentiment profond envers les élites urbaines et diplômées. Pour cette majorité, qui nourrit une méfiance vis-à-vis de ceux qui vivent dans les grandes villes et qui sont passés par les universités de renom, l’attaque de Trump contre ces élites trouve un écho puissant.
En exploitant cette méfiance, Trump s'en prend non seulement aux élites universitaires, mais aussi aux élites politiques de Washington, bien qu'il ait lui-même créé sa propre élite bureaucratique. Il a donc surfé sur cette vague anti-élites, qui le place comme l’antithèse des institutions établies.
Cette idée d’une élite indifférente aux difficultés économiques des moins diplômés, comme l’inflation, a beaucoup servi Trump. On entend souvent en France que le « wokisme » serait la principale cause de l’échec de Kamala Harris, mais cette interprétation est exagérée. Il s’agit d’une lecture franco-française de la situation. Le « wokisme » n’est pas aussi influent aux États-Unis qu’on le pense ici ; en réalité, il y existe un puissant mouvement anti-wokisme souvent négligé. Kamala Harris est d'ailleurs une modérée ; elle ne représente pas l’aile gauche du Parti démocrate et s’est distanciée des courants wokes.
En quoi ce scrutin est-il historique pour la démocratie ?
Dès le début de sa campagne, Donald Trump a affirmé, sans ambages, « je suis un dictateur. » Cette déclaration soulève une question centrale sur la portée de son autoritarisme. Il est, certes, autoritaire et admiratif de dirigeants tels qu’Orbán, ce qui pourrait annoncer une « orbanisation » de la politique américaine. Cependant, le qualifier de fasciste serait exagéré. Le fascisme, historiquement, implique un chef à la tête de milices privées importantes, ce qui n'est pas le cas ici. Les partisans ayant attaqué le Capitole le 6 janvier, bien que quelques-uns étaient armés, ne constituaient pas une véritable milice. Une telle organisation aurait été capable de maintenir une occupation prolongée du Capitole, ce qui n’a pas eu lieu.
Le général Milley ancien directeur de cabinet de Trump, a également révélé que ce dernier faisait parfois référence à Hitler de manière positive. Ces éléments sont troublants, mais insuffisants pour qualifier le trumpisme de fascisme au sens strict : le cadre pour instaurer un pouvoir fasciste authentique n'existe pas encore aux États-Unis.
Comment Trump pourrait-il modifier le système institutionnel en sa faveur ?
Pour comprendre la nature du pouvoir auquel il pourrait prétendre, il faut examiner son contrôle sur les institutions. Avec la présidence, le Sénat et la Cour suprême, Trump disposerait d’une puissance de décision considérable. La mainmise sur le Sénat permettrait notamment de contrôler la nomination des juges fédéraux, avec 300 à 400 postes par an, modifiant durablement le paysage judiciaire américain. De plus, la Cour suprême actuelle, avec six juges conservateurs sur neuf, lui est déjà largement acquise. Trump pourrait nommer d'autres juges, consolidant ainsi ce contrôle.
Une décision récente de la Cour suprême, dans l'affaire Trump vs. United States, alimente les inquiétudes : elle accorde une immunité présidentielle totale pour tous les actes « officiels » du Président. Cette protection ouvre une perspective vertigineuse, suggérant qu’un Président pourrait, sous prétexte de ses fonctions officielles, commettre des actes extrêmes sans encourir de poursuites, même après son mandat. Cela montre combien la démocratie américaine est vulnérable aux détournements institutionnels, bien qu’elle possède également des mécanismes de résistance, avec des juges nommés par les prédécesseurs démocrates qui pourraient contrer certaines de ses initiatives.
Cependant, la justice fédérale pourrait bien cesser de le poursuivre une fois qu’il serait de nouveau Président, la récente jurisprudence garantissant son immunité. Les poursuites des tribunaux fédéraux s’évanouiraient ainsi comme par magie, sauf si elles relevaient des tribunaux d'État, qui, toutefois, pourraient hésiter à intervenir. En somme, s'il reprend le contrôle du ministère de la Justice, Trump verrait la plupart des affaires en cours abandonnées.
Quelles seraient les conséquences pour la fonction publique et la séparation des pouvoirs ?
Traditionnellement, un Président peut procéder à environ 3 000 à 4 000 nominations politiques. Mais selon le « Project 2025 », Trump entendrait nommer 50 000 nouveaux fonctionnaires fidèles à sa cause. Cette stratégie vise à politiser l’administration de manière sans précédent, remettant en cause la neutralité et la stabilité des institutions publiques.
La politisation envisagée du secteur éducatif est tout aussi inquiétante. Sous l’influence croissante des évangéliques, on pourrait assister à une remise en cause de la laïcité américaine, pilier fondateur de la démocratie du pays. Jefferson affirmait qu’« un mur de séparation » existait entre les Églises et l’État ; cette tradition pourrait être mise à mal par le soutien financier accru aux écoles religieuses privées.
Comment la religion est-elle instrumentalisée pour consolider le pouvoir de Trump ?
L'instrumentalisation du religieux prend également des formes très concrètes sous Trump. Par exemple, sa « Bible de Trump », en vente pour 60 $, symbolise cette tendance : un livre en cuir orné du drapeau américain et d’une bénédiction nationale, contenant, en plus de la Bible, la Déclaration d'indépendance et la Constitution. La version signée par Trump est vendue pour la somme de 1 000 $, soulignant ainsi le potentiel de profit personnel et de branding derrière cette démarche. Aux yeux de nombreux évangéliques, Trump est un « élu divin », ayant survécu de peu à une tentative d’assassinat, renforçant la perception d'un signe d'un choix de Dieu en sa faveur.
Pour ses partisans les plus fidèles, cette dimension mystique s'ajoute aux raisons de le soutenir et pourrait influencer durablement la culture politique américaine. Elle transformerait son mandat en un moment décisif, où se jouerait non seulement l’avenir d’un homme, mais celui de la séparation entre pouvoir et religion aux États-Unis.
Quels impacts le trumpisme a-t-il déjà eus sur la politique américaine ?
Le Parti républicain traditionnel, qui était autrefois pro-commerce international et isolationniste, a disparu. Aujourd’hui, le parti est complètement dominé par Trump et ses partisans. Ceux qui pouvaient encore faire opposition, comme Condoleezza Rice ou Mitt Romney, sont devenus marginaux, et Liz Cheney est une exception. Le Parti républicain a aussi cherché à se diversifier ethniquement, surtout en s’adressant aux Latinos, ce qui fragilise le Parti démocrate, qui est une coalition plus complexe, composée de diverses ethnies et classes sociales.
Il existe également des idées inquiétantes sur l’influence de certains intellectuels français aux États-Unis. Par exemple, Renaud Camus, défenseur de la thèse du « grand remplacement », a une influence croissante sur certains cercles proches de Trump. Cette idéologie, qui se nourrit des peurs liées à l’immigration, est défendue par des figures comme Tucker Carlson, Steve Bannon ou même Trump lui-même.
Quelles conséquences ces résultats auront-ils pour la France et l’Europe ?
Pour la France, il est difficile de comprendre que Trump puisse être l’image d’une majorité américaine. Face à lui, nous étions plutôt pour Hillary Clinton ou Kamala Harris dans les sondages, et nos réactions sont donc en majorité de soutien aux démocrates. Le choc est donc surtout lié à la politique étrangère. Et c’est bien pourquoi le président Macron a réagi rapidement en félicitant Trump.
Le protectionnisme annoncé par Trump aurait un impact direct sur les exportations françaises, notamment des produits comme le vin, le champagne ou les produits de mode et de luxe. Les droits de douane qu’il pourrait imposer affecteraient également l’Allemagne et d'autres pays européens. Cela aurait des conséquences économiques non négligeables.
Une autre source d’inquiétude réside dans la vision de Trump sur la politique étrangère. Il n’a aucune confiance dans les organisations internationales comme l’OTAN ou la COP21. Pour lui, les relations internationales doivent se faire directement, « d'homme à homme », avec des figures comme Poutine ou Kim Jong-Un. Ce mode de gestion pourrait entraîner des décisions précipitées ou une absence de décisions, ce qui serait problématique pour la stabilité internationale. On peut espérer qu’il y ait tout de même une prise en compte des processus diplomatiques traditionnels, qui prennent le temps de réfléchir avant d’agir.