Le billet de Pascal Perrineau - L'apparition de fractures à la primaire de la gauche
Après un premier débat d’observation les sept candidats qui concourent à la primaire de la gauche se sont affrontés avec plus de vigueur dans les deux débats qui ont suivi. On a vu alors apparaître sur les sujets économiques, sociaux mais aussi régaliens, des oppositions et des fractures. Fracture sur la question du revenu universel considéré par certains comme le vecteur d’un véritable changement de société et par d’autres comme une douce utopie. Fracture sur la nécessité de maîtriser les déficits publics ou de s’en accommoder. Fracture sur la loi travail à reprendre profondément ou à garder. Fracture sur la déchéance de nationalité considérée comme une réalité utile ou comme une indignité. Fracture bien sûr sur le bilan d’un quinquennat Hollande qui suscite pour certains la fierté et pour d’autres le rejet.
Les socialistes et leurs alliés ont été très divisés particulièrement depuis la nomination, en mars 2014, de Manuel Valls à la tête du gouvernement. Ce dernier n’est plus à la tête du gouvernement mais il continue, simple candidat, à polariser nombre de rejets et d’oppositions de ces « camarades » de parti que ceux-ci soient les héritiers des « frondeurs » (Benoît Hamon, Arnaud Montebourg) ou les représentants d’un hypothétique « centre » du parti (Vincent Peillon). Cette situation de « challenger » pour celui qui a été tout de même, pendant presque trois ans, le chef du gouvernement et de la majorité qui le soutenait, est étonnante. Elle se comprend mieux si l’on se souvient que Manuel Valls dans l’histoire du parti socialiste a toujours été un minoritaire car le « blairisme à la française » dont il a été longtemps porteur a toujours eu beaucoup de mal à trouver sa place dans une culture socialiste très allergique à toute forme de social-libéralisme affirmé. Au-delà du parti, le « peuple de gauche » qui s’était mobilisé lors de la primaire citoyenne d’octobre 2011 n’avait pas été beaucoup plus généreux que l’appareil socialiste puisque le maire d’Evry n’avait recueilli que 5,6% des suffrages. Certes, au cours des dernières années, dans un contexte économique et politique difficile et parfois dramatique, Manuel Valls a acquis une expérience d’homme d’Etat etcertaines options réformistes ont pu faire leur chemin sous ses gouvernements… Ces acquis seront-ils suffisants pour que l’ancien premier ministre s’impose dans les élections primaires ou les « fondamentaux » de la vieille culture socialiste feront-ils retour pour imposer d’autres choix ?