Portrait - Gaspard Gantzer, le protecteur
D’eux, on ne sait pas grand-chose finalement. Leur rôle est de conseiller, dans l’ombre, le président de la République. Leurs attributions évoluent souvent dans le temps, confrontées à la dure et éprouvante réalité politique et présidentielle. Émile dresse le portrait de quatre conseillers, qui sont restés fidèles à François Hollande jusqu’à la fin de son mandat, et qui ont eu des dossiers importants à gérer tout au long de ce quinquennat. Parler d’eux, c’est une façon de rentrer dans le cercle restreint du pouvoir élyséen...
Gaspard Gantzer (promo 2001) n’était pas un proche de François Hollande. « La première fois que j’ai vu le président en face à face, c’était le jour de mon entretien d’embauche », confie-t-il en souriant, confortablement installé dans l’un des fauteuils de son bureau. Son entrée au château il la doit « au travail et à la chance ». Et surtout aux nombreux liens qu’il a eu l’occasion de tisser. « Dans l’entourage de François Hollande, beaucoup de personnes me connaissaient, dont deux personnes clés ; Nicolas Revel, mon ancien chef à la mairie de Paris, et Emmanuel Macron, camarade de promotion à l’ENA. » Son nom est donc conseillé à plusieurs reprises au président pour reprendre une partie des attributions d’Aquilino Morelle, contraint de démissionner à la suite d’accusation de conflit d’intérêt.
Le 24 avril 2014, Gaspard Gantzer, alors âgé de 34 ans, est nommé conseiller chargé des relations avec la presse et chef du pôle communication de la présidence de la République. Et la tâche n’a rien d’aisée. La côte de popularité de François Hollande est particulièrement basse, l’affaire Hollande-Gayet a éclaté trois mois plus tôt, la ligne gouvernementale est critiquée par la droite ainsi qu’une partie de la gauche… Mais le jeune trentenaire est aussi confronté à un autre défi, plus structurel, la profonde transformation du monde des médias et de la communication. « Pendant ce quinquennat, les chaînes d’information en continu sont arrivées à maturité, notamment dans leur capacité à suivre les événements et la politique en direct, heure par heure, voire minute par minute. Les réseaux sociaux, quant à eux, sont devenus de véritables mass media et, bien évidemment, ils changent complètement le rapport des citoyens à la politique. » Il faut donc inventer la communication présidentielle de demain.
L’Élysée ne peut plus se contenter d’être le lieu du temps long où, pendant cinq ans, le président met en place une vision pour le pays. L’obligation de résultat est quasi immédiate, les chaînes d’information et les réseaux sociaux doivent être nourris en continu, c’est l’essence même de leur existence. Gaspard Gantzer utilise une métaphore sportive quand il doit décrire ce phénomène. « Ici à l’Éysée, nous devons courir un marathon, pendant que les journalistes nous demandent tous les jours de courir des 50 mètres. » Au cours de ces trois années de travail au château, le communicant n’a toujours pas trouvé de solution magique. « Il faut savoir courir les deux à la fois ! » Pour réussir, il faut travailler au mieux le contenu du message, savoir l’adapter « à la grammaire de chacun des canaux » et avoir « le sens du tempo ». Gaspard Gantzer ne peut évidemment pas mener seul cette double course. Il est à la tête d’une équipe d’une cinquantaine de personnes, qui a été renforcée ces dernières années sur la partie web et réseaux sociaux (veille, production de contenu et community management).
Moins d’un an après sa prise de fonction, surgit un défi dont l’ampleur et la gravité sont incomparables aux autres dossiers qu’il a eu à traiter auparavant. Les attentats. Comment réagir face à l’horreur ? Comment apaiser les esprits, contrer les velléités de vengeance aveugle et éviter la dislocation de la société française ? Gaspard Gantzer conseille notamment François Hollande sur les symboles à mobiliser, les mots à utiliser, les moments et les lieux où communiquer. « J’ai également eu l’honneur de faire partie de l’équipe qui a préparé la grande marche du 11 janvier, avec les chefs d’États étrangers et le peuple français qui s’est soulevé. Je pense que c’est un moment unique dans une vie. » L’événement est organisé en 48 heures, Gaspard Gantzer doit imaginer et coordonner la scénographie puis s’occuper de l’organisation de la couverture médiatique. Pour le communicant, la gestion des attentats par François Hollande fait clairement partie des aspects positifs de son bilan « il a su conserver la cohésion du pays alors qu’il était confronté à l’horreur absolue », assure-t-il.
Concernant son bilan personnel en tant que conseiller, Gaspard Gantzer évoque des réussites, notamment la communication de gestion de crise. Mais il concède aussi, avec une certaine dose d’humilité, quelques ratés. « Nous n’avons jamais réussi à expliquer les effets concrets de la politique de redressement qui a été menée. Par exemple, quand François Hollande arrive au pouvoir, Peugeot est à deux doigts de mettre la clé sous la porte, de fermer l’usine d’Aulnay-sous- Bois et quatre ans plus tard, ils rachètent un constructeur allemand. Les gens ne font pas le lien entre un tel redressement et l’action de l’exécutif. De mon point de vue, c’est un échec de communication. »
Il confie avoir appris deux choses fondamentales lors de son passage à l’Élysée ; l’abnégation et une certaine modestie face à la vie, où rien ne se passe jamais comme prévu. Après l’heure du bilan, vient l’heure du départ. Au moment de notre entretien, Gaspard Gantzer assure ne pas savoir de quoi demain sera fait. « J’ai envie de liberté, de créativité, d’aventure et d’originalité. » Pour le moment, il ne rêve que d’une chose ; des vacances, pour pouvoir lire encore et encore (mais surtout pas de livres politiques).