Analyse - Emmanuel Rivière décrypte les résultats du 1er tour des Français de l'étranger
Le premier tour des élections législatives s’est tenu les 3 et 4 juin pour les Français établis à l'étranger. S’ils se sont massivement prononcés en faveur de la "République En Marche!", le taux de participation n’était que de 19.1%. Émile a demandé au sondeur Emmanuel Rivière (promo 92), directeur général de Kantar Public, d’analyser ces résultats.
Pourquoi la participation des Français de l’étranger est-elle si faible?
Il faut savoir qu’elle n’est pas inhabituellement faible, il y a cinq ans le taux de participation était de 20%. Cette année est quelque peu différente car la procédure de vote électronique n’a pas été reconduite, c’est donc plus compliqué de voter pour les Français de l’étranger. De plus, il n’y a pas cette dimension locale d’attachement territorial, ni le cérémonial qui consiste à se retrouver dans la petite ville au bureau de vote. Tout un tas des motivateurs du vote n’existent pas, à part, évidemment, l’envie de participer au scrutin. Il y a moins de bureaux de votes par exemple, les procédures de vote par correspondance ont été très inégalement utilisées selon les circonscriptions…
Peut-on vraiment parler de raz-de-marée pour "La République En Marche !" avec si peu de participation?
Les électeurs qui n’ont pas participé ne « boudent » pas le scrutin, il y a juste des barrières à l’entrée. Etant entendu que la participation est faible - et qu’elle l’est toujours -, quand on regarde les résultats il y a effectivement un net avantage pour les candidats du parti d’Emmanuel Macron. Cela n’a rien d’étonnant, les Français de l’étranger suivent notamment les médias étrangers qui se sont montrés favorables à Emmanuel Macron, notamment dans son opposition à Marine Le Pen. Ces Français qui vivent à l’étranger sont assez rarement des immigrés économiques, poussés par leur grande pauvreté. Ce sont plutôt des entrepreneurs, des universitaires, des enseignants, parfois des fonctionnaires. En général, ils sont assez en phase avec un certain nombre de valeurs et de réformes portés par Emmanuel Macron, qui est apparu en quelque sorte comme le chantre de la réussite dans la mondialisation, ce qui correspond à leur choix de vie.
Les résultats de ce premier tour - avec des candidats quasi-inconnus ayant obtenu de très hauts scores face à des députés sortants - attestent-ils aussi d’une véritable volonté de renouvellement du paysage politique ?
C’est une vraie question. C’est compliqué pour des candidats de labourer leur circonscription quand elle est aussi grande que l’Amérique du Nord ou que l’Asie du sud-est, etc. Le lien avec le député est forcément plus ténu. Pour des personnalités assez médiatiques comme Axelle Lemaire, Frédéric Lefèvre et Thierry Mariani, on a le sentiment que leur notoriété, leur visibilité ne parviennent pas à compenser toute la puissance de l’étiquette En Marche. Les Français de l’étranger ne vont pas nécessairement aux meetings organisés dans les ambassades et sont assez peu au contact de leur député. Ce qui aurait pu les protéger c’est leur notoriété qui, d’ordinaire, est considérée comme un atout. Ce que nous apprend donc ce scrutin à l’étranger, c’est que dans un contexte de renouvellement, la notoriété ne suffit pas. La question est aussi de savoir si cette notoriété ne peut pas carrément devenir un handicap lorsque des électeurs sont séduits par l’idée d’envoyer à l’Assemblée des gens nouveaux, qui ne viennent pas de l’univers politique ?
Pensez-vous que la dynamique observée chez les Français de l’étranger se retrouvera dimanche lors du premier tour en France ?
Tout l’enjeu sera de savoir si la notoriété locale et l’ancrage territorial vont protéger un certain nombre de députés sortants d’une vague, qui semble être assez puissante, en faveur de la majorité présidentielle sous l'étiquette La République En Marche.
Propos recueillis par Julia Laureau et Maïna Marjany