Business - Manager de transition : un métier d'avenir
En France, le marché du management de transition* se porte plutôt bien, avec une croissance annuelle de 20 à 25 %. Dans un environnement de plus en plus compliqué à décrypter, la réactivité est devenue la règle. Pour les entreprises, s’adjoindre rapidement les capacités d’un manager expérimenté pour de courtes missions est très appréciable. Le management de transition est ainsi devenu, depuis quelques années, une forme d’emploi pour de nombreux cadres. Le pôle Carrières de Sciences Po Alumni et l’EM Lyon Alumni ont organisé il y a quelques mois une conférence pour faire le point sur ce métier qui offre d’intéressantes perspectives.
La réalité du marché du management de transition en France
Le concept du « management de transition » est apparu aux États-Unis et aux Pays-Bas dans les années 1970, avant de se développer en France à partir de la fin des années 1980. Selon les chiffres de la Fédération Nationale du Management de Transition (FNMT), le marché français est aujourd’hui estimé entre 300 et 350 millions d’euros. Mais l’Hexagone est encore loin derrière ses voisins allemands et britanniques. « En Allemagne, le management de transition représente plus de deux milliards de chiffre d’affaires, six fois plus qu’en France », tient à signaler Stéphane Mellinger, Managing Partner de MPI Executive – Interim Management. La marge de progression reste donc particulièrement importante.
Mais quels types de missions le management de transition recouvre-t-il ? « On a tendance à croire qu’il s’agit principalement de management de crise, or c’est faux ! », déclare Grégoire Cabri-Wiltzer, CEO de NIM Europe Interim Management et vice-président de la FNMT. « Le management de crise ne représente qu’environ 10 % des missions. Le plus gros volet (plus de 60 % des missions) concerne du management de transformation : mettre en place une nouvelle organisation, de nouveaux systèmes, etc. Pour les 30 % restants, il s’agit de « management relais » : des missions de remplacement d’un manager absent ou en cours de recrutement ».
Grégoire Cabri-Wiltzer détaille ensuite les principales fonctions pour lesquelles sont appelés des managers de transition. En tête : les postes liés à la finance (DAF, contrôle de gestion…), à l’univers RH ou encore à la direction industrielle et la supply chain. L’industrie reste le secteur le plus consommateur de management de transition puisque 60 % des projets s’y déroulent. Les 40 % restants sont partagés entre les services et la distribution.
Qui sont les managers de transition ?
Pour certains, le management de transition reste un statut transitoire ; pour d’autres, il s’agit d’un mode de travail adapté à leur situation et à leurs attentes. Grégoire Cabri-Wiltzer distingue ainsi ces deux profils en parlant d’un côté de « managers en transition » et de l’autre de « managers de transition ». Mais quel est leur profil ? Pour être efficaces dans leur mission, précise et courte, les managers de transition doivent avoir de l’expérience et surtout avoir déjà vécu, au cours de leur vie professionnelle, une situation similaire à celle que traverse l’entreprise au moment où elle fait appel à eux. Par conséquent, la moyenne d’âge est autour de 52-53 ans. « Et dans environ 75 % des cas, les managers de transition sont des hommes », souligne Grégoire Cabri-Wiltzer.
Concernant la rémunération, elle commence à 80 000 € de salaire brut annuel et tourne, en moyenne, autour de 120-150 000 € de salaire brut annuel. Le montant varie évidemment en fonction du niveau de qualification du manager, mais également en fonction du secteur et du type d’entreprise. « Dans notre cabinet, on part du budget de l’entreprise et on recherche des managers dont les volontés en termes de rémunération correspondent », explique Stéphane Mellinger, Managing Partner de MPI Executive – Interim Management.
En complément de la question du salaire, se pose celle du statut du manager de transition. Doit-il être salarié, en intérim ou créer sa structure ? « C’est compliqué ! », répond Stéphane Mellinger, « car actuellement tous les statuts existent : des prestataires, des indépendants, des managers employés au sein de cabinets… » Ce qui est important pour Grégoire Cabri-Wiltzer c’est d’être au clair sur le montant que l’on souhaite facturer. « Certains cabinets sont des sociétés de travail temporaire, d’autres font du portage. Le mieux est de poser la question au cabinet pour comprendre comment il fonctionne et ne pas se tromper dans la facturation. »
Comment être un bon manager de transition ?
Les intervenants s’accordent d’emblée sur le premier critère que doivent remplir tous les managers de transition : la disponibilité. « Nous cherchons quelqu’un de disponible rapidement et qui peut se mobiliser immédiatement sur une mission », explique Antoine Mingalon, ancien manager de transition et actuel DRH d’Eutelstat. Il précise que cette disponibilité doit également s’accompagner d’une mobilité puisqu’il faut pouvoir se déplacer dans toute la France et à l’étranger. « Le manager de transition doit également rester fidèle à la mission jusqu’au dernier jour. C’est fondamental », insiste Antoine Mingalon. Grégoire Cabri-Wiltzer ajoute : « Vous avez un engagement moral envers la mission, vous avez interdiction absolue de vous arrêter en cours de route et devez vous rendre disponible si elle se prolonge au-delà de sa durée initiale. Si vous partez avant la fin, le cabinet est grillé, vous êtes grillé et l’entreprise se trouvera en difficulté. »
La clé d’une mission réussie réside également dans le dynamisme du manager de transition. Il doit souvent mener des transformations en peu de temps au sein de l’entreprise et doit donc être en mesure de « faire la différence rapidement, grâce à son énergie, son dynamisme », précise Antoine Mingalon. « Il ne faut pas un profil routinier. » Bien évidemment, l’expérience est également fondamentale. « Pour mener à bien des transformations dans un temps court, j’ai tendance à favoriser des profils qui ont déjà vécu une situation professionnelle similaire », ajoute Antoine Mingalon. « Il faut être confiant, s’appuyer sur son expérience et ses spécificités (langues, connaissances techniques, etc.). Il faut aussi être capable de prendre le pouvoir le temps de sa mission », a témoigné de son côté Laure de Foucaud, ancienne manager de transition présente dans le public.
Pour Grégoire Cabri-Wiltzer, un autre facteur est important : la posture dans laquelle se trouve le manager de transition. « Il ne doit pas se projeter dans l’entreprise. Il faut qu’il ait conscience qu’il est là de manière temporaire et qu’il doit se focaliser uniquement sur la mission. » Ce qui n’empêche pas, si tout se passe bien, d’être finalement recruté dans l’entreprise à la fin de la mission. « Dans mon cabinet, 30 % des managers de transition sont embauchés. Mais cela ne doit pas être l’objectif quand vous débutez la mission, sinon vous ne serez pas dans la bonne posture et risquez de ne pas rester concentrés sur votre mission. »
Le rôle des cabinets
Les cabinets de management de transition ont également un rôle important dans la réussite d’une mission. Tout d’abord, ils ont pour tâche de « matcher » managers et entreprises dans un délai assez court. « L’entreprise a un besoin à un instant t et nous avons quelques jours pour lui proposer deux profils disponibles immédiatement », explique Stéphane Mellinger. Chaque cabinet doit donc se constituer un important réseau. Pour trouver le bon profil, ils font généralement une recherche parmi les nombreux C.V. contenus dans leur base de données. Il est donc important pour les managers de transition de bien rédiger leur C.V. avec des mots-clés bien choisis et correspondant à leur expérience.
Le rôle du cabinet est également d’accompagner le manager tout au long de sa mission. « On les aide à s’intégrer dans l’entreprise, on fait le lien avec le DG, le DRH et on les dirige avec une feuille de route précise », détaille Grégoire Cabri-Wiltzer. « Dans mon cabinet, nous manageons les personnes en mission en les gardant sous une tension positive. Plutôt que de leur proposer une feuille de route avec 12 points à réaliser en plusieurs mois, on préfère écrire quatre points chaque mois, car cela donne du timing. » Et pour identifier les éventuels problèmes au fur et à mesure, de courts entretiens téléphoniques sont organisés toutes les semaines.
Il n’est pas indispensable pour un manager de transition de passer par un cabinet pour trouver une mission, ses propres contacts peuvent suffire. Toutefois, selon l’expérience de Laure de Foucaud, il est plus confortable d’être accompagné d’une manière ou d’une autre au cours de sa mission, pour la réussir au mieux : « Être tout seul en tant que manager de transition n’est pas une bonne idée, parce qu’à un moment ou un autre, on a toujours besoin d’un regard extérieur, d’un échange sur son travail. »
Compte-rendu par Maïna Marjany (promo 14)
Conseils pour un C.V réussi
Grégoire Cabri-Wiltzer délivre quelques conseils pour un C.V. optimisé pour les cabinets de management de transition :
- Indiquez vos fonctions précises (DG, DRH, DAF, directeur industriel, etc.) et le nom des entreprises pour lesquelles vous avez travaillé
- Précisez bien vos compétences en langue et ne trichez pas sur votre niveau
- Indiquez votre âge et votre lieu de résidence
- Envoyez un C.V. en français : « en tant que société française, on commence d’abord par entrer des mots-clés français lors d’une recherche »
- Envoyez votre C.V. sous format Word plutôt que PDF
*Management de transition : Le management de transition permet aux entreprises de faire appel, dans un délai court et pour une durée déterminée, à des managers expérimentés qui disposent de compétences opérationnelles hautement qualifiées pour faire face à des situations particulières.