Cartes Postales Atlantiques : le podcast qui nous fait prendre le large

Cartes Postales Atlantiques : le podcast qui nous fait prendre le large

Le 24 janvier, Guillaume Sauvage (promo 19) a embarqué à bord d’un trois-mâts pour une transatlantique avec l’association de réinsertion les Amis de Jeudi Dimanche (AJD). Il raconte son aventure maritime et humaine dans un podcast original présenté sous forme de cartes postales sonores. Une vraie bulle d’évasion qui transporte les auditeurs à ses côtés jusqu’en Martinique. Comment ce jeune diplômé du master Communication de Sciences Po est-il passé de la rue Saint-Guillaume au pont d’un navire ? Quels sont les moments les plus incroyables qu’il a vécus ? Comment lui est venue l’idée de créer un podcast pour immortaliser ce voyage ? Il raconte à Émile les coulisses de cette belle aventure.

Le Rara-Avis, trois-mâts à bord duquel Guillaume Sauvage a embarqué pour sa transatlantique (Crédits photo: Guillaume Sauvage)

Le Rara-Avis, trois-mâts à bord duquel Guillaume Sauvage a embarqué pour sa transatlantique (Crédits photo: Guillaume Sauvage)

Comment vous est venue l’idée de contacter l’association les Amis de Jeudi Dimanche (AJD) et d’embarquer à bord du Rara-Avis ?

Guillaume Sauvage à bord du Rara-Avis (Crédits photo: Guillaume Sauvage)

Guillaume Sauvage à bord du Rara-Avis (Crédits photo: Guillaume Sauvage)

J’ai découvert l’association de l’AJD grâce à mon stage de fin d’études. En mission pour une start-up qui organise des courses d’aventure, j’avais eu à interviewer la navigatrice Capucine Trochet. Celle-ci racontait sur son blog comment, un soir, elle avait rencontré dans un port l’équipage d’un des bateaux de cette association. L’idée de partir avec eux m’avait alors effleuré l’esprit, mais j’avais prévu autre chose une fois diplômé.

En effet, je devais partir pour une mission d’un an de volontariat avec les Missions Etrangères de Paris. On m’envoyait à Manille, aux Philippines, pour aider des jeunes en difficulté à trouver du travail. Or, une semaine avant le départ, je me suis retrouvé hospitalisé pendant trois semaines. Rien de grave, mais du coup le départ a été annulé.

Je me suis alors senti vraiment perdu. Je me demandais ce que j’allais bien pouvoir faire et à quoi, au fond, j’étais appelé. Mais un après-midi, illumination ! Nous discutions avec une amie lorsqu’elle m’a dit : « Mais l’année dernière tu parlais de faire du bateau… » J’ai repensé à l’AJD. L’après-midi même je retournais sur leur site. Je vis qu’ils proposaient une transatlantique vers la Martinique à bord d’un trois-mâts. Direct, je candidatais et le lendemain il me disaient oui. J’étais sur un nuage.

Pour financer le voyage, j’ai travaillé deux mois chez Cojean, boulevard Raspail. Le 24 janvier, mon père me déposait à l’Aber Wrach’, dans le Finistère. Le soir même nous larguions les amarres vers de nouveaux horizons.

Il s’agit de votre première expérience maritime. Était-ce pour vous un rêve d’enfant de traverser un océan à la voile ou cette aventure est-elle le fruit du hasard ?

Depuis que je suis petit, j’ai toujours aimé les histoires de pirates et de corsaires dans des îles lointaines. Un goût que m’a notamment donné ma grande-tante Marie-Joanne, qui habitait dans les remparts de Saint Malo.

« Depuis que je suis petit, j’ai toujours aimé les histoires de pirates et de corsaires dans des îles lointaines. »

De plus, ma famille maternelle vient des Côtes d’Armor, en Bretagne. Ainsi, toute mon enfance j’ai eu la chance de profiter du vent, de la mer et j’ai toujours rêvé face à l’horizon. Récemment, mon grand-oncle m’avait invité deux ou trois après-midi à faire du bateau avec lui. Ça m’avait vraiment plu. Surtout tenir la barre et avoir un cap, j’adorais ça. Mais bon, à Paris, il n’y a guère d’occasion de pratiquer la voile...

Je considère cette transatlantique que j’ai faite comme un véritable cadeau de la vie. Même dans mes rêves les plus fous, je ne pouvais croire que des voyages sur des trois-mâts se faisaient encore. Quand on y pense, c’est incroyable. Pourtant, la preuve en est avec les Amis du Jeudi Dimanche qu’il y a encore, en 2020, des passionnés au grand cœur qui veulent offrir cette chance à qui veut. Et ils me l’ont donnée.

« Même dans mes rêves les plus fous, je ne pouvais croire que des voyages sur des trois-mâts se faisaient encore. »

Dans votre premier podcast, vous évoquez votre difficulté à vous « sentir à votre place ». Comment avez-vous finalement trouvé votre place au sein de l’équipage ?

En effet, le début de la traversée a été un peu déroutant. Il faut bien se représenter notre équipage. Nous sommes 37 personnes à vivre 24/7 ensemble, dans un espace restreint. Les âges vont de 11 à 70 ans. Et puis les profils sont très variés, il y des retraités, des baroudeurs, des gens qui veulent se défaire d’addictions, des marins aguerris… Bref, il faut « trouver sa place » dans le groupe. Et cela ne se fait pas en un jour.

Tout l’équipage sur le pont pour le coucher du soleil (Crédits photo: Guillaume Sauvage)

Tout l’équipage sur le pont pour le coucher du soleil (Crédits photo: Guillaume Sauvage)

Pourtant, je constate que la bonne ambiance s’est vite instaurée car nous étions tous invités à mettre la main à la pâte. Comme le dit l’expression, nous étions « tous dans le même bateau » et ce bateau il fallait le faire avancer. Ensemble, nous faisions donc la cuisine, le ménage, les manœuvres… Et puis nous avions beaucoup de temps libre pour discuter. Et comme je suis quelqu’un de curieux et que j’aime rencontrer des personnes, j’ai finalement rapidement trouvé ma place à bord.

Pourquoi avoir choisi le format des podcasts pour partager votre expérience et que souhaitez-vous transmettre à travers eux ?

Le format du podcast, et plus précisément celui des « cartes postales sonores », m’est venu en tête tout naturellement car j’en avais déjà réalisé pour raconter de précédents voyages. D’ailleurs je suis heureux parce qu’au sein du podcast d’aventure qui n’est pas nouveau, j’ai créé une forme nouvelle : celle d’une vraie carte postale destinée à une vraie personne et illustrée par des sons captés uniquement durant le voyage.

Ce que j’aime dans la création audio, c’est que des sons et un récit narré suffisent pour que les auditeurs s’imaginent des mondes entiers. Seule l’ouïe est sollicitée, pourtant on ressent des émotions magnifiques. Contrairement à un film où l’on voit tous la même image, avec le podcast chacun se représente le lever de soleil ou le saut des dauphins, à sa façon.

« À travers ce podcast, je souhaite transmettre au plus grand nombre l’expérience inoubliable que j’ai vécue. »

À travers ce podcast je souhaite transmettre au plus grand nombre l’expérience inoubliable que j’ai vécue. Tout ce que j’aime dans la vie y est réuni : les rencontres humaines, la joie que l’on éprouve à partir à l’aventure et un peu de spiritualité. Un cocktail qui ne peut pas nous faire de mal en ce moment.

Je considère aussi que ce podcast peut particulièrement plaire aux étudiants et étudiantes de Sciences Po car cette aventure collective pourrait leur donner des envies de voyage, de partage… Et qui sait, certains vont peut-être lancer leur propre podcast ? Je les y invite car au final ce n’est pas si compliqué et on y puise une grande joie !

Dauphins aperçus depuis le bateau (Crédits photo: Guillaume Sauvage)

Dauphins aperçus depuis le bateau (Crédits photo: Guillaume Sauvage)

Vous adressez chacun de vos podcasts à une ou plusieurs personnes. Qui sont-elles ?

Toutes ces personnes existent bel et bien. En l'occurrence, la première carte postale est adressée à mon ami Przemek, qui est prêtre. La seconde, à mon grand-oncle et ma grand-tante qui m’ont non seulement donné ce goût pour la voile mais m’ont aussi soutenu dans cette aventure. La troisième est très rythmée, c’est donc naturellement que je l’ai écrite pour mon cousin François, un passionné de musique. La quatrième est pour mon frère et la dernière pour mon neveu, qui ne la comprendra que bien plus tard car pour l’instant, il est âgé d’à peine quatre mois.

Deux choses m’ont motivé lors de la réalisation de ces Cartes Postales Atlantiques. Tout d’abord, faire plaisir aux destinataires. C’est mon cœur que je leur ai ouvert et c’est ma joie que j’ai voulu leur partager. Pour tout ce qu’ils m’ont apporté, je voulais les remercier en leur offrant ce cadeau. Ensuite, mon but était de toucher tous les auditeurs en leur faisant passer un bon moment. Sans doute que la plupart d’entre eux ne feront jamais de transatlantique, soit parce qu’ils n’aiment pas trop la mer, soit parce qu’ils sont trop âgés, soit encore car ils préféreront un autre type d’aventure… Eh bien en écoutant ce podcast, je leur propose tout bonnement d’embarquer avec moi et de voguer sur les flots vers la Martinique. 

Pouvez-vous nous raconter l’épisode le plus marquant de votre épopée ?

Je dirais notre arrivée au Cap-vert, que j’évoque dans la troisième Carte Postale Atlantique, intitulée « Baleine à bâbord ! » C’était mémorable. Digne des plus grandes aventures de pirates d’antan. Déjà, les jours précédents, nous rêvions en lisant sur les cartes maritimes ces noms mythiques : « les îles au vent » et « les îles sous le vent ».

Village de Villa Das Pambas au Cap-Vert (Crédits photo: Guillaume Sauvage)

Village de Villa Das Pambas au Cap-Vert (Crédits photo: Guillaume Sauvage)

Or, un matin, j’étais assis à l’arrière du bateau lorsque le capitaine nous a dit que l’on allait  bientôt voir la terre du Cap-Vert. Tous, nous fixions donc l’horizon car on pensait qu’elle serait à des miles de distance quand soudain, à tribord, une montagne a surgi de la brume. C’était Santo Antão. Puis à bâbord une autre île, Sao Vicente. D’un coup, les lignes de pêche se sont tendues et nous avons remonté deux énormes poissons aux couleurs magnifiques. Et puis des baleines ont fait des sauts majestueux pour nous accueillir dans le chenal. Puis le vent a forci et nous avons fait un virement de bord épique pour rejoindre le port de Mindelo. Pour parfaire le tableau, nous arrivions pile pour le début du carnaval. Bref, épique !

Vous décrivez votre périple comme une aventure humaine avant tout. Que retenez-vous de cette expérience ?

Déjeuner libanais à bord du bateau (Crédits photo: Guillaume Sauvage)

Déjeuner libanais à bord du bateau (Crédits photo: Guillaume Sauvage)

Il s’est passé quelque chose de magnifique sur ce bateau : nous avons tous réussi à donner aux autres le meilleur de nous-mêmes. Par leur rire, certains donnaient la joie à tout l’équipage, par sa spontanéité un autre a lancé la plus grosse bataille d’eau de toute ma vie, d’autres encore partageaient leurs recettes pour que chaque soir, à table, ce soit la régalade… Même moi, je me suis retrouvé à animer chaque matin le cours d’éveil articulaire pour que l’on se sente tous bien dans nos corps. Ainsi, nous nous sommes enrichis les uns les autres.

J’ai aussi été très touché par la simplicité de chacun. En effet, certains sont montés à bord avec des problèmes encore bien ancrés dans leur vie. Problèmes familiaux, d’addiction à la drogue, avec la justice… Eh bien, au fil des discussions, nous avons tissé cette envie commune d’aller de l’avant et de voir la vie comme un formidable défi à relever.

Pourtant, cette traversée n’a pas été un long fleuve tranquille, loin sans faut. Chacun, tour à tour, a connu des joies et des peines. Mais nous étions là pour nous épauler. Comme le dit le père Jaouen, le fondateur de cette association : « Aimez-vous les uns les autres. Avec ça, vous faites le tour du monde. » Eh bien c’est ce que, humblement, nous avons essayé de vivre au cours de ce voyage. Et clairement ces jours resteront parmi les plus beaux de ma vie !

On dit souvent que Sciences Po mène à tout. Mais est-ce que l’école de la rue Saint-Guillaume prépare à une telle épopée maritime et humaine ?

En premier lieu, je dirais que Sciences Po m’a apporté un soutien humain qui m’a aidé à réaliser ce projet de voyage et de podcast. En effet, tant le soutien de mes camarades de promo que celui de ma directrice de master m’ont aidé à me dire que j’étais sur la bonne voie. Votre interview elle-même m’apparait comme un soutien aux anciens élèves pour les aider à concrétiser leurs idées, si diverses soient-elles.

Ensuite, je dirais que la formation que j’ai reçue en master m’a aidé à voir plus grand pour mon projet. J’aurais certes pu faire ce voyage et n’en parler qu’à mes proches. Mais non, je me suis dit que je pouvais trouver un moyen original pour le partager au plus grand nombre. Et puis je n’oublie pas que j’ai été diplômé du master Communication, Médias et Industries Créatives. Donc clairement tout ce que j’y ai appris m’a servi : Photoshop, l’utilisation des réseaux sociaux, rédiger un communiqué de presse…

Partie d’échecs sur le pont du trois-mâts (Crédits photo: Guillaume Sauvage)

Partie d’échecs sur le pont du trois-mâts (Crédits photo: Guillaume Sauvage)

Je veux aussi dire que selon moi, mon parcours pédagogique dans son ensemble (la classe préparatoire, le conservatoire de théâtre, l’université et mon master à Sciences Po) m’a ouvert l’esprit et m’a montré qu’il y avait quantité d'opportunités à saisir. Ainsi, l’occasion de partir en bateau s’est présentée et je me suis dit : « bah oui pourquoi pas. »

Après cette formidable aventure, quels sont vos futurs projets ? Sont-ils liés au monde de la navigation ?

Après avoir mené à bien ce projet personnel qui me tenait à cœur, j’ai aujourd’hui envie de trouver un travail qui me plaise. Je perçois mieux les secteurs qui m’attirent : les médias, la culture et l’événementiel. Et ce projet m’a montré qu’il faut rester attentif aux opportunités qui se présentent. J’ai l’espoir que cette joie que j’ai éprouvée cette année, je vais aussi la trouver dans la vie active. Certes, cette dernière peut apparaître stressante de prime abord, mais je suis convaincu que je pourrai m’y épanouir. J’espère juste trouver des projets qui ont du sens et qui contribuent au bien commun, dans lesquels je pourrai m’investir.

Pour ce qui est de la voile, l’avenir le dira. Je ne sais pas si mon métier sera lié à la mer mais il est vrai que j’aimerais bien vivre d’autres expériences maritimes. J’ai notamment entendu parler d’une association qui fait prendre la mer à des personnes en situation de handicap. Elle a l’air top. Pour résumer, je dirais que j’ai adoré mes études, j’espère maintenant adorer la suite au moins autant. Je vous remercie pour vos questions qui m’aident à prendre du recul par rapport à cette folle aventure et qui m’aident à voir la suite.

Coucher de soleil à tribord (Crédits photo: Guillaume Sauvage)

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