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La diversité : moteur de l’Oréal

[En partenariat avec L’Oréal]

Jean-Claude Le Grand, Directeur Général des Relations Humaines du Groupe L’Oréal, est précurseur en matière de diversité, d’inclusion et d’égalité professionnelle. Il travaille sur ces questions depuis plus de 20 ans, convaincu de leur impact positif au sein de l’entreprise mais aussi de la société en général.


Les chiffres clés de L’Oréal

  • 85 400 : collaborateurs dans 150 pays

  • 54 % : de femmes à des poste clés

  • 167 : nationalités parmi 68 filiales

  • 6e : du classement de l’Indice Diversité et Inclusion de Refinitiv

  • 249 : actions en faveur de la diversité depuis 1970

  • 7 600 : recrutements par an


Comment ce management de la diversité s’est-il mis en place au sein du groupe ?

Nous avons entamé notre mutation il y a 20 ans, bien avant que ce ne soit à la mode. C’est par la rencontre avec Richard Descoings et Cyril Delhay – qui créent en 2001 les filières CEP (Conventions Éducation Prioritaire) à Sciences Po –, que je me suis intéressé à ces questions. En parallèle, en 2002, je suis approché par SOS Racisme pour une opération de recrutement, baptisée « Ça va être possible », visant à remédier aux problèmes de discrimination à l’embauche. Nous avons ainsi commencé un travail de fond sur l’éducation avec l’ouverture sociale aux filières les plus sélectives, puis très vite sur l’égalité hommes-femmes au sein de l'entreprise ainsi que sur le handicap, bien que L’Oréal ait déjà ce sujet à cœur depuis les années 90. En 2005, je crée une responsabilité internationale, la « Direction Mondiale de la Diversité ».  On m'a donné les moyens de gérer ces problématiques. J'avais conscience qu'elles ne pouvaient se résoudre seules, il fallait une politique délibérée qui les prenne en charge. La meilleure façon était de créer des indicateurs, des « KPI¹ ». C’est à partir du moment où l’on mesure les choses qu’on peut les faire changer. Donc, depuis 2007, nous mesurons. Cela permet de voir, par exemple, qu’en 14 ans, le pourcentage de femmes dans les positions stratégiques de L’Oréal est passé de 17% à 42% en 2021.    

Quelles sont les principales mesures pour favoriser la progression des femmes ?

Quand j’ai rejoint L’Oréal, en 1996, une blague circulait dans les couloirs : « L’Oréal, ce sont des hommes qui font des produits de beauté pour des femmes ». Je n’étais pas en phase avec cette vision. Il fallait des hommes et des femmes pour faire ces produits de beauté. Tout comme les produits de marques ethniques ne peuvent être faits que par des personnes de couleur ou ceux de marques de luxe par des VIP. Le succès vient de la diversité, du mélange et de cette possibilité de donner sa chance à des gens qui ne l’auraient pas ailleurs. J’ai relancé, il y a deux ans, une politique d’accompagnement du métier d’assistante. Des femmes qui ont commencé en tant qu’assistante dirigent aujourd’hui des départements. L’ascenseur social est le moteur de la réussite de L’Oréal. Très tôt, le groupe a déployé des initiatives RH comme dans les années 70 avec le « congé Schueller », un mois de congé maternité supplémentaire désormais étendu au monde entier à travers notre programme « Share and Care ». Mis en place en 2012, ce programme concerne la protection sociale des salariés, la prévoyance, tout ce qui est lié à la maternité, à la parentalité, à l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée, aux conditions de travail et à la santé au travail. Le congé paternité est quant à lui passé à six semaines en France, huit aux USA et 12 en Australie. Nous aimerions inciter les autres entreprises à adopter ces standards. Si L’Oréal peut le faire, c’est possible partout, il faut simplement s'engager.

Comment maintenez-vous l’attractivité de L’Oréal auprès des jeunes dont les exigences sont très fortes aujourd'hui ?

Nous allons communiquer pour la première fois au nom du Groupe autour du « Sense of Purpose » de L’Oréal qui se résume ainsi : « Créer la beauté qui fait avancer le monde ». La campagne explique que depuis 35 ans, il n’y a plus de tests sur les animaux, que L’Oréal est en pointe sur ces questions de diversité et d’égalité mais aussi d’éthique, d’écologie, etc. Cela fait sens auprès des jeunes. Les générations « X », « Y » ou « Z » sont, selon moi, des concepts de consultants. À 20 ans, on veut changer le monde et heureusement. Les millennials ont pour exigence d’être traités avec plus de respect, d’être écoutés, d’avoir un programme personnalisé de développement, d’être formés, promus, de mener une carrière internationale, d’équilibrer leurs vies professionnelle et privée. Nous sommes tous, alors, des millennials ! Ces aspirations sont propres à tous les salariés.

DRH est-il un métier de conviction ?

Je ne fais pas de ressources humaines, je m’occupe des gens. Ce n’est pas une question de conviction mais de passion. Est-ce qu’on a la passion des autres avant soi-même ? Dans les mémoires de Paul Morand, il y a cette phrase de son père : « Le plus beau voyage d'ici-bas, c’est celui qu'on fait l’un vers l’autre ». Je crois à l’altérité. Après, il ne faut pas avoir peur, ne pas se cacher, ne pas faire de la politique ; les ressources humaines étant souvent perçues comme peu indépendantes, à la solde de…

Vos relations actuelles avec Sciences Po ?

Excellentes et très anciennes. Rue Saint-Guillaume, il y a encore la plaque « L’Oréal a rendu Sciences Po Handi accessible » inaugurée avec Richard Descoings en 2011. Nous l’avons aidé sur d'autres sujets. Idem pour Frédéric Mion et la personne qui lui succédera. Nous investissons dans l’école au travers de programmes, bourses… C’est une école remarquable car elle sait se transformer.

Le candidat « qui le vaut bien » ?

Tous le valent bien. La question, c’est : est-ce que nous sommes capables de bien nous en occuper ? Depuis deux ans, nous menons une politique très « candidate-centric² » en demandant des feedbacks aux candidats afin d'améliorer notre processus de recrutement. Ce qui m’importe, ce ne sont pas les un million cent de candidatures reçues. C’est de savoir si L’Oréal est une machine à bien traiter, écouter, promouvoir, aider, former et donner sa chance.

Un conseil ?

Être le plus curieux possible. La chance repose sur la curiosité. Cela permet d’être en mouvement, d’aller au contact des autres et de sortir de sa zone de confort.

Un livre que vous voudriez partager ?

Je pourrais en citer 150 ! Les livres changent les gens et sauvent le monde. Une anecdote amusante : je sortais de Sciences Po et venais d'échouer au concours de l’ENA. Je m’interrogeais sérieusement sur mon avenir lorsque je tombe sur Chasseurs de têtes, une enquête du journaliste Didier Pourquery sur ce métier alors méconnu. Qui étaient Egon et Zehnder ? Comment Russell Reynolds avait inventé ce métier ? Pourquoi était-il né aux États-Unis ? Passionnant. Après sa lecture, je me suis inscrit à Dauphine en DESS des Ressources Humaines dont c'était tout juste la seconde promotion !


Ce qu’ils en pensent

Les fonctions clés d’un directeur de cabinet ?

En tant que directeur de cabinet de Nicolas Hieronimus, j’ai pour objectif de contribuer à démultiplier son action. Cela implique, d’une part, de suivre toute une série de grands projets stratégiques et de transformations à l’échelle de l’ensemble du groupe, et, d’autre part, d’anticiper les grands enjeux des semaines et des mois à venir aussi bien dans l’agenda interne qu’externe de l’entreprise. Cela suppose un lien étroit et de confiance avec le dirigeant mais aussi des qualités d’écoute et un vrai plaisir à échanger et apprendre sur toutes les fonctions et tous les métiers du Groupe.

L'apport de vos études à Sciences Po ?

Il est multiple et tellement déterminant ! Sciences Po vous dote d’une culture générale mais aussi d’une capacité à lire les relations humaines entre les différentes structures d’un grand groupe comme L’Oréal. Et à Sciences Po comme à L’Oréal, je retrouve cette joie de la curiosité intellectuelle, d’être « sur la balle » comme on dit et du travail en collectif. Enfin, à Sciences Po comme chez L’Oréal, la culture orale est déterminante et Sciences Po est une école incroyable pour savoir construire des narrations nuancées tenant compte des attentes de toutes les parties prenantes.


En général, dans les entreprises, le parcours des femmes qui accèdent au top management est souvent semé d’embûches ? Pas chez L'Oréal. Racontez-nous.

Je suis rentrée chez L’Oréal en 2000. En 2006, j’ai quitté le groupe pour poursuivre ma carrière dans le conseil à Bruxelles, Abu Dhabi et Dubai. Mon passage dans le conseil m’a énormément apporté. Pendant ces années, l’aventure L’Oréal m’a aussi beaucoup manquée et j’ai décidé de revenir dans le groupe en 2013. Pourquoi ? Parce qu’il y a quelque chose de magique, d’essentiel et de stratégique dans l’industrie de la beauté mais surtout parce que je me sentais tellement bien. L’aspect international, cette richesse culturelle, la diversité des parcours des « L’Oréaliens » est vraiment unique selon moi. L’Oréal est aussi une entreprise avec de belles opportunités d’évolution de carrière pour tous.

Croyez-vous en l'importance du « rôle modèle » pour favoriser la progression des femmes en entreprise ?

Absolument. Avoir un « rôle modèle » est essentiel. C’est une source d’inspiration et un excellent moyen de motivation. C’est pouvoir se dire tous les jours et devant chaque challenge, je peux y arriver parce que d’autres avant moi l’ont fait. C’est un révélateur de nos pouvoirs innés. Tout au long de ma vie et de ma carrière, j’ai eu des « rôles modèles » féminins. Tout d’abord ma mère, professeure de littérature arabe, qui m’a montré le chemin de l’excellence et m’a toujours répété qu’il faut avoir une vision, de l’ambition et qu’il ne faut jamais baisser les bras. Chez L’Oréal, mon « rôle modèle » a toujours été Françoise Lehmann, présidente de Lancôme International. J’ai toujours voulu rejoindre ses équipes pour apprendre d’elle. C’est chose faite depuis trois ans.

Que vous a apporté votre passage rue Saint-Guillaume ?

Je suis arrivée de ma Tunisie natale directement à Sciences Po Paris, seule et avec des rêves pleins la tête. Franchir les portes de la rue Saint-Guillaume était mon rêve le plus cher. Sciences Po est le meilleur tremplin, un incroyable booster de carrière. Au-delà des connaissances acquises, de la qualité du corps professoral et l’émulation collective, Sciences Po est une institution reconnue mondialement. Mon passage m’a permis de faire un DEA à la Sorbonne, de postuler pour une bourse Fulbright³ pour faires mes recherches doctorales à Columbia University à New York. Sciences Po m’a aussi ouvert les portes du Groupe L’Oréal en 2000.

Publi-reportage initialement publié dans la rubrique “Trajectoires” du numéro 22 d’Émile, paru en juillet 2021.


(1) Key Performance Indicator. 
(2) Une politique centrée sur le candidat.
(3) Bourse très sélective délivrée par le gouvernement américain.