Royaume-Uni : les défis de Rishi Sunak, nouveau Premier ministre
Après le passage éclair de Liz Truss au 10 Downing Street, Rishi Sunak, le nouveau Premier ministre, va devoir affronter la crise politique et économique qui secoue le Royaume-Uni. Olivier Marty, économiste et président du Cercle franco-britannique de Sciences Po Alumni, nous livre son analyse.
Avec la nomination, par le Roi Charles III, de Rishi Sunak au poste de Premier ministre mardi 25 octobre (le premier Britannique d’origine indienne à occuper ce poste), le Royaume-Uni met fin à la période de grande fébrilité associée au mandat de Liz Truss à Downing Street. Au cours de ses 49 jours de pouvoir, l’ancienne ministre des Affaires étrangères a porté un « mini budget » constitué d’une forte hausse des dépenses publiques et de baisses drastiques d’impôts qui a provoqué un véritable risque de crise financière et une intervention de la Banque d’Angleterre. La suite est connue : ses revirements ultérieurs et la vive contestation de son action ont fait d’elle le Premier ministre le plus bref de l’Histoire du pays…
C’est désormais à son ancien rival dans la course à la tête du parti conservateur qu’échoient les lourdes responsabilités du pouvoir exécutif dans un contexte particulièrement délicat. Le pays est secoué depuis des mois par des grèves, l’inflation est élevée sur fond de crise énergétique, et le parti conservateur, déchiré et décrédibilisé, est désormais nettement distancé par les travaillistes dans les sondages. Le processus de sortie de l’Union européenne impose de nombreux obstacles au commerce et alimente encore les divisions politiques. Enfin, la reviviscence de la croissance et la lutte contre les inégalités, qui ont joué un rôle central dans le Brexit, sont contrariées par l’état des finances publiques.
Le Royaume-Uni est un pays plein de contrastes. Lors des funérailles de la Reine Elizabeth II, il y a à peine deux mois, il a attiré l’attention du monde entier, réuni les grands dirigeants de la planète et ainsi rappelé l’extraordinaire puissance de son rayonnement. En plaçant à sa tête, au terme d’un processus démocratique certes fragile, un dirigeant jeune, brillant et cosmopolite, il souligne la force de ses atouts intrinsèques. Cependant, le Brexit a mis en lumière la multiplicité et l’imbrication de ses crises politiques internes, accru son isolement et corrodé sa souveraineté, tandis que les récents événements financiers ont fait de lui, selon le mot cruel de l’économiste Larry Summers, un « pays submergé ».
Feuille de route
Le premier défi consiste à restaurer la crédibilité budgétaire et à sauvegarder la stabilité financière du pays. Le maintien de Jeremy Hunt au poste de ministre des Finances confirme la nécessité d’une plus grande rigueur dans la gestion des comptes publics, qui prenne assise sur une limitation des dépenses pour faire face à la crise énergétique, sur des mesures contraintes d’économies et sur le maintien d’une pression fiscale relativement élevée, voire sur des hausses d’impôts. Cette trajectoire est non seulement attendue dans un climat social et politique éruptif mais également inévitable dans un contexte financier imposant au Royaume-Uni une prime de risque durable sur sa dette publique.
Le deuxième défi concerne la lutte contre l’inflation et le soutien à la croissance. Rishi Sunak aura certainement à cœur de laisser la Banque d’Angleterre poursuivre sa politique monétaire restrictive en présentant un budget mieux coordonné avec elle. Dans le même temps, il devra tenter, dans la mesure du possible, de mieux résorber les inégalités territoriales et de soutenir la faible productivité du pays, qui pèse sur la création de richesses et, partant, sur la capacité du gouvernement à les redistribuer. Cependant, une ligne dure en matière d’immigration devrait continuer à alimenter les difficultés de recrutement des entreprises et ainsi restreindre la population active, l’innovation et l’activité économique.
Une troisième difficulté concerne la dynamique politique du parti conservateur, qui apparaît clairement en fin de cycle. Les élections internes de l’été ont montré à quel point les thématiques de campagne chères à ses membres étaient distantes des préoccupations générales de l’opinion publique. Sa réputation de compétence économique est désormais réduite à peau de chagrin. Les luttes de clans sont particulièrement violentes et la plus grande diversité de ses élus fait naitre des attentes contradictoires. Enfin, les modalités d’élection de ses deux derniers dirigeants et la crise récente exposent les « Tories » à la pression de l’opposition, qui pousse avec conviction pour des élections anticipées.
Une quatrième gageure consiste à améliorer les relations avec l’Union européenne. L’accord sur le Brexit conclu entre Boris Johnson et la Commission européenne à la fin de 2019 comporte de nombreuses lacunes et crée des difficultés pratiques, en particulier en Irlande du Nord, où Londres refuse de respecter ses engagements de contrôle des marchandises. Rishi Sunak, « Brexiter » assumé, s’est certes engagé à réduire les frictions commerciales en se montrant relativement ouvert à des discussions avec Bruxelles. Cependant, des positions radicales au sein du parti conservateur et la lassitude des dirigeants de l’UE laissent craindre un enlisement des pourparlers avant un éventuel retour des travaillistes.