Les livres politiques de novembre 2024
Tous les mois, Émile vous propose de découvrir une série de livres abordant des questions politiques sous différents angles. Au programme de ce mois de novembre : une analyse de la société américaine, le récit de la détention de Fariba Adelkhah en Iran, une analyse de la Constitution de la Ve République, un essai sur notre rapport à l’argent…
Par Lisa Dossou
L’Amérique face à ses fractures
À l’aune de la victoire de Donald Trump, de nombreuses inquiétudes se soulèvent. Si le pays est toujours la plus grande puissance mondiale dotée d’une économie solide, les citoyens semblent plus déchirés que jamais entre des aspirations diamétralement opposées.
Faisant ce constat, Amy Greene, spécialiste des États-Unis, revient sur l’état du pays et sur les différentes mobilisations et problématiques qui l’ont traversé dans les dernières décennies, tels que Black Lives Matter, MeToo, l’immigration ou encore l’inflation. L’auteure étudie ainsi l’influence de ces évènements sur la vie politique américaine, avant de se pencher sur les conséquences du premier mandat de Donald Trump sur le fonctionnement de la démocratie.
Avec un regard expert, Amy Greene offre dans ce livre un panorama des États-Unis, de l’intérieur, mais aussi de l’extérieur, analysant l’évolution de son implication dans les conflits internationaux. Un livre clé pour comprendre les enjeux de cette élection et de la présidence américaine à venir.
L’auteure
Amy Greene (promo 09) est politologue, spécialiste de la politique américaine, enseignante à Sciences Po. Elle a notamment écrit un autre ouvrage éclairant, L’Amérique après Obama, qui revient sur les divisions qui ont animé les partis américains, pendant et après la présidence de Barack Obama.
Amy Green, L’Amérique face à ses fractures, Éditions Tallandier, 256 pages, 19,50€
Prisonnière à Téhéran
Arrêtée en 2019, alors qu’elle s’y trouvait dans le cadre de ses recherches, Fariba Adelkhah a été condamnée en 2020 à cinq ans de prison en Iran pour atteinte à la sécurité nationale. Elle a finalement été libérée en 2023, grâciée et non acquittée..
Pour survivre aux conditions carcérales difficiles et à la privation de liberté, la chercheuse a décidé de résister en faisant de la prison son nouvel objet d’étude. Elle initie alors un véritable travail d’anthropologie carcérale, qui lui permet de s’évader et de revendiquer sa liberté de chercher, d’exercer son métier.
Véritable plaidoyer pour la liberté scientifique, cet ouvrage permet de revenir sur la situation iranienne, l’évolution du mouvement de résistance des femmes, mais aussi de manière plus précise sur la prison d’Evin et les relations qui y prennent place, entre les femmes et vis-à-vis du monde extérieur.
L’auteure
Directrice de recherche au CERI-Sciences Po, Fariba Adelkhah est anthropologue, spécialiste des pratiques religieuses et de l’Iran contemporain. Elle a notamment publié Être moderne en Iran (Karthala, 1998) et Les Mille et Une frontières de l’Iran (Karthala, 2012).
Fariba Adelkhah, Prisonnière à Téhéran, Seuil, 256 pages, 19,50€
Cette Constitution qui nous protège
Au milieu du tumulte d’une actualité politique mouvementée, Anne-Charlène Bezzina propose un retour à la source de la Ve République : la Constitution de 1958.
Dans Cette Constitution qui nous protège, l’auteure revient sur chaque article un à un, apportant son éclairage sur la signification des termes employés, la portée du texte, sa pratique historique et actuelle, les questions qu’il peut susciter.
Alors que les termes de destitution, de motion de censure, et d’inconstitutionnalité inondent notre quotidien, Anne-Charlène Bezzina les analyse au regard du texte qui les définit, dans un cadre précis certes, mais parfois difficile à interpréter.
Avec pédagogie et expertise, l’auteure met ainsi en avant la capacité d’adaptation de la Constitution de 1958 aux différentes circonstances politiques. Elle s’adresse à tout lecteur qui souhaiterait adopter un nouveau regard sur la situation actuelle, à la lumière du texte qui régit la vie politique française sous la Ve République.
L’auteure
Docteure en droit constitutionnel, Anne-Charlène Bezzina est maître de conférences en Droit public à l’Université de Rouen et à Sciences Po. Elle intervient régulièrement dans les médias pour commenter l’actualité politique à l’aune de la Constitution.
Anne-Charlène Bezzina, Cette Constitution qui nous protège, XO, 464 pages, 21,90€
En permanence : ces vies que je fais miennes
Bouleversé par les résultats des législatives anticipées de juillet dernier, Boris Vallaud entreprend dans ce livre de plonger au cœur des Landes, la circonscription qui l’a élu député à quelques voix près de la candidate RN.
Selon lui, ces résultats ont une signification qui dépasse la simple menace de l’accession de l’extrême droite au pouvoir. En effet, ils ont permis de mettre au jour l’omniprésence médiatique, intellectuelle, culturelle de l’extrême droite dans la vie publique, ce qui constitue une victoire plus inquiétante encore.
Boris Vallaud décide ainsi de dresser les portraits des hommes et des femmes qu’il côtoie au quotidien, pour donner à voir un regard fraternel, mais aussi l’essence de ses convictions politiques qui mettent les citoyens au cœur du système. Insuffler un nouvel élan à la vie politique par le combat des idées semble nécessaire pour affronter la menace de l’extrême droite.
L’auteur
Boris Vallaud (promo 00) est député des Landes (3e circonscription), où il tient une permanence, et président du groupe socialiste à l’Assemblée nationale. Il est également membre de la Commission de la défense nationale et des forces armée
Boris Vallaud, En permanence : ces vies que je fais miennes, Odile Jacob, 160 pages, 15€
L’Argent des gens : tentative d’épuisement de nos porte-monnaie
Dans cet essai, Thomas Baumgartner tente une expérience : parler d’argent, à cœur ouvert. Une entreprise courageuse, au vu du tabou qui entoure ce terme et des multiples (mauvaises) interprétations que l’on peut en avoir. Pourquoi est-ce si dur de parler d’argent ? Qu’est ce que cela dit de nous ?
À travers plusieurs expériences et témoignages, l’auteur entend mettre sur la table ce sujet redouté. Omniprésent au quotidien, l’argent est même devenu une référence dans les raisonnements : il permet de juger l’autre, de le placer sur une échelle, d’estimer son propre avenir, de prévoir des projets…
Thomas Baumgartner met ici au jour un paradoxe invisibilisé entre cette omniprésence et le tabou qui régit toutes les discussions autour de l’argent.
Une invitation à bousculer les catégories de pensée et à réevaluer nos conceptions strictes de cette notion controversée.
L’auteur
Thomas Baumgartner est professeur à l’École de journalisme de Sciences Po, écrivain et homme de son, passé par Arte Radio, France Culture (Place de la Toile, Les Passagers de la nuit, L’Atelier du Son…) et Radio Nova. Co-fondateur du Live Magazine, il dirige aujourd'hui le studio wave.audio.
Thomas Baumgartner, L’Argent des gens, Faubourg, 208 pages, 18€
Le lobbying autrement
Fort de son expérience dans le monde du lobbying, Gaëtan de Royer propose dans cet essai de reconsidérer ce dernier pour en faire un usage véritablement démocratique.
Les représentations collectives des lobbys en font l’affaire des grandes entreprises faisant valoir leurs intérêts dans la prise de décision politique. En contrepoint de cette image, l’auteur décrit les lobbys comme des outils de démocratie participative. En effet, ils peuvent permettre de défendre des grandes causes d’intérêts communs auprès des décideurs, les rendant ainsi pleinement visibles et impossibles à ignorer. En portant la parole des individus vulnérables, l’auteur entend induire un changement collectif bénéfique au plus grand nombre.
Ouvrant son essai sur une lettre à sa fille, Gaëtan de Royer dessine aux générations futures les contours d’un nouveau lobbying, rapprochant les citoyens de la décision publique et donnant une dynamique plus délibérative à la démocratie.
L’auteur
Gaëtan de Royer (promo 01) est consultant en affaires publiques. Il a lancé en 2017 le cabinet de conseil Koz, qui permet à la société civile de se faire entendre par les décideurs politiques. Dans la même dynamique, il fonde The Good Lobby France en 2021 ainsi que l’association Les oubliés de la République en 2022, pour donner la parole à ceux qui ne l’ont pas.
Gaëtan de Royer, Le lobbying autrement, Librisphaera, 130 pages, 14 €
L’Épaisseur du trait
Dans son deuxième roman, Renaud Czarnes s’attaque avec humour au capitalisme, ce système qui fait perdre aux travailleurs le goût du travail.
À travers le regard de Marceau, l’auteur nous mène dans le quotidien d’un salarié dont l’entreprise fait tout pour prospérer, aux dépens du bien-être de ses employés. Remettant en question son rapport au travail, c’est de l’organisation du monde entier dont finit par douter le personnage, en pleine crise de la quarantaine.
Dans ce livre, le lecteur trouvera ainsi un écho à ses questionnements quotidiens sur des sujets politiques, sociaux et économiques, tout en se laissant guider par la plume agile et légère d’un professionnel de la communication.
L’auteur
Tour à tour journaliste, conseiller en communication d’un Premier ministre, enseignant, directeur de communication et écrivain, Renaud Czarnes (promo 90) a également écrit des essais tel que L’Anti-manuel de communication politique (éditions Kawa, 2019).
Renaud Czarnes, L’Épaisseur du trait, Héliopoles, 340 pages, 24€
Redonner une place à nos morts
La philosophe Marion Waller évoque dans ce livre un thème souvent mis de côté : la mort. Comment mourons-nous aujourd’hui ? Après avoir partagé le quotidien de familles endeuillées et analysé la manière dont se passent les funérailles aujourd’hui, l’auteure constate que la mort est devenue un sujet froid, impersonnel.
En effet, au temps de la sécularisation, de questionnements écologiques et du développement de l’individualisme, la mort a perdu l’aspect cérémonial qu’elle revêtait jusqu’au début du XIXe siècle par exemple, où les cortèges rassemblaient l’ensemble des villages dans une célébration collective. Pourtant, les familles endeuillées sont loin d’apprécier ce nouveau caractère de la mort et, ce faisant, vivent un deuil moins serein.
Ainsi, Marion Waller explore de nouvelles manières de faire face à la mort, à travers des rites modernes existant à travers le monde, mais aussi des propositions de réagencement de l’espace en lien avec l’écologie, dans l’objectif de redonner une place à nos morts.
L’auteure
Marion Waller (promo 15) est urbaniste et philosophe. Elle a travaillé huit ans à la Ville de Paris, où elle fut notamment en charge des affaires funéraires. Elle dirige aujourd’hui le Pavillon de l’Arsenal, le centre d’architecture et d’urbanisme de Paris et de la métropole parisienne.
Marion Waller, Redonner une place à nos morts, Éditions Allary, 160 pages, 17,90€
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