Mémoire vive - Les élections de 1980, un tournant dans l’histoire américaine
La rédaction d’Émile analyse, chaque trimestre, un document provenant des archives de Sciences Po qui résonne avec l’actualité. À l’occasion de la dernière élection présidentielle américaine, dont Donald Trump est sorti vainqueur, nous avons remonté le temps jusqu’en 1980 et l’arrivée de Ronald Reagan au pouvoir…
Par Mario Del Pero
La carte de remerciements, adressée aux donateurs de la campagne de Ronald Reagan, qui est présentée ici est signée par William « Bill » Emerson Brock III, alors sénateur du Tennessee et, surtout, président du Comité national républicain. Ronald Reagan allait bientôt le nommer à un poste très important – représentant au Commerce –, qu’il occuperait jusqu’en 1985, avant de devenir Secrétaire du Travail.
Les élections de 1980 marquèrent un tournant dans l’histoire des États-Unis. Elles virent la victoire nette de Reagan sur le président sortant Jimmy Carter, ainsi que celle, encore plus impressionnante, des républicains au Sénat, qui reprirent 12 sièges aux démocrates, obtenant ainsi la majorité. Le parti du président nouvellement élu obtint également de bons résultats à la Chambre des représentants, bien que les démocrates y aient conservé la majorité.
L’ouverture d’une ère néolibérale
Ce vote compléta un processus de réalignement électoral qui permit la formation d’une large coalition républicaine majoritaire, capable d’inclure des éléments importants de l’ancienne coalition démocrate du New Deal, notamment le Sud blanc et conservateur qui, 15 ans plus tôt, avait commencé à abandonner les démocrates en raison de leur soutien aux politiques de déségrégation raciale. Parallèlement, le vote de 1980 accéléra des processus politiques, sociaux et économiques qui allaient transformer les États-Unis, ouvrant une ère néolibérale que l’historien Sean Wilentz a qualifiée, à juste titre, d’« ère Reagan ». Le Président, qui, sur la photo ci-contre, affiche son attitude enjouée caractéristique avec le pouce levé, incarnait et symbolisait cette transformation.
Le ticket présidentiel Reagan-Bush
Le changement s’étendait également au parti républicain, qui s’était déplacé nettement vers la droite, mais avait su préserver des éléments de son socle traditionnel, à commencer par le vice-président George H. W. Bush, que l’on voit sur la photo aux côtés de Reagan. Un homme au pedigree impressionnant, Bush : représentant du Texas, ambassadeur aux Nations unies, président du Comité national républicain, représentant des États-Unis en Chine (avant que les deux pays n’établissent des relations diplomatiques), directeur de la CIA. Pendant les primaires républicaines, Bush avait vivement critiqué le programme de Ronald Reagan, le qualifiant de « voodoo economics ». Mais il accepta ensuite la proposition de rejoindre le ticket présidentiel de Reagan, dont il deviendrait le successeur à la présidence, en 1988.
Cet article a initialement été publié dans le numéro 31 d’Émile, paru en décembre 2024.