Reportage - Après la surprise Fillon, la droite de Sciences Po en ordre de marche derrière son nouveau candidat
A Sciences Po, très peu d’étudiants se définissaient comme « fillonistes » avant le premier tour de la primaire. Désormais, toute la section Les Républicains fait campagne pour le nouveau candidat de la droite. Loris Boichot, étudiant à l'Ecole de journalisme de Sciences Po, a mené l'enquête.
Des sarkozystes réunis autour du même buffet de charcuterie, chips et vin blanc, dressé pour la victoire de François Fillon. La scène se déroule dans les salons dorés de la Maison de la Chimie, dans le 7ème arrondissement de Paris, le soir du second tour de la primaire de la droite qui a vu triompher l’ex-Premier ministre de Nicolas Sarkozy. Parmi eux, Charles-Henri Alloncle, Camille Chevalier et Alexandre Freu. Tous sont des membres influents de la section Les Républicains (LR) de Sciences Po. Tous ont rallié François Fillon au second tour.
Avant le premier tour de la primaire, Camille Chevalier, l’actuel Président des Républicains Sciences Po, définissait ainsi le rapport de forces au sein de la section : « un tiers de sarkozystes, un tiers de juppéistes, un tiers de lemairistes. » Et les fillonistes ? Très rares sont ceux qui se définissaient ainsi avant l’entre-deux tours. Raphaël, membre des Républicains Sciences Po depuis six ans, se définit comme « un électeur enthousiaste de François Fillon » : « enfin un vrai libéral qui s’assume et qui présente un programme en le revendiquant comme tel ! » Après les 44% de François Fillon au premier tour puis sa victoire aux primaires, certains le reconnaissent dans la section : « on n’a rien vu venir. »
« Le premier tour a été un gros choc, on ne s’y attendait pas du tout », confirme Charles-Henri Alloncle, encore secoué par la défaite de Nicolas Sarkozy. Président de la section Les Républicains de Sciences Po en 2014-2015, il a parcouru la France pendant un an pour convaincre en tant que président des Jeunes avec Sarkozy. Jusqu’à la défaite et au ralliement de son candidat à François Fillon. « On a été très déçus du résultat, mais on a pris parti pour Fillon pendant l’entre-deux tours. Cette consigne officielle a été respectée », estime-t-il. « On retrouve certaines valeurs portées par Sarkozy dans le programme de Fillon : la restauration de l’autorité de l’Etat, la lutte contre le totalitarisme islamique… Il est conscient de ces enjeux. »
Soutenir Alain Juppé aurait été pour lui plus difficile : « on a très peu de choses en commun avec les juppéistes, qui sont aujourd’hui attirés par Macron ou Bayrou », lâche-t-il. Pourtant, Louis Marty, à la tête des juppéistes à Sciences Po, est loyaliste : « à présent, Francois Fillon est le chef légitime de la droite et du centre », a-t-il déclaré le soir du second tour. « C’est Fillon ou Le Pen, alors évidemment que je soutiens Fillon », renchérit le juppéiste Romain Millard.
Camille Chevalier, lui, n’a pas officiellement pris position pendant la campagne, même si la plupart de ses proches soutenaient Nicolas Sarkozy. A côté de ses cours du Master Finance et Stratégie, il emploie désormais toute son énergie à soutenir le nouveau candidat de la droite à la présidentielle : « après les quinze événements organisés ce semestre (cafés politiques, conférence-hommage sur René Rémond, grand débat des jeunes…) auxquels ont participé mille personnes cumulées, le deuxième semestre sera évidemment consacré à soutenir Fillon. C’est naturel pour la première association politique de Sciences Po, forte d’une cinquantaine d’adhérents », souligne celui qui s’est engagé en politique en 2013.
Et gare à ceux qui, comme l’étudiant au collège universitaire Mateï Nguangue, affichent leur intention de créer un comité de soutien à François Fillon « ouvert aux centristes et aux divers droites, pas seulement aux Républicains » : « il n’y aura pas de comité Fillon car Les Républicains Sciences Po incarnent l’unité du parti et feront campagne pour lui », répond Camille Chevalier.
Pour cela, il répond à toutes les sollicitations médiatiques, comme celles de Polka Magazine ou des Matins de France Culture. Il promet un événement par semaine, des opérations militantes, la constitution de groupes de travail « pour aider les membres de la future équipe de campagne, comme Jérôme Chartier [porte-parole de François Fillon, NDLR] qui est venu nous rendre visite en octobre. » Et espère faire venir le candidat de la droite à Sciences Po : « l’entourage de Fillon m’a dit que Sciences Po était un passage obligé, dont ça semble bien parti. »
« Je veux que cette année soit une nouvelle année folle ! » résume-t-il, en référence à l’année 2014-2015 pendant laquelle la section, présidée par Charles-Henri Alloncle, était devenue la première section LR étudiante de France avec vingt-sept événements organisés dans l’année. « Charles-Henri a été un bâtisseur, puis responsable d’un réseau de dizaines de milliers de jeunes au niveau national comme président des Jeunes avec Sarkozy. Ce serait regrettable qu’il n’ait pas de rôle à jouer dans la campagne à venir. » Charles-Henri Alloncle pourrait même monter rapidement dans l’organigramme des Jeunes Républicains, dans ce contexte de remaniement au sein du parti. « 80% des jeunes militants du parti sont sarkozystes », rappelle l’intéressé. « Ils doivent naturellement être considérés et représentés. » Au niveau national comme à l’échelle de Sciences Po, la primaire a bousculé les lignes à droite.
Par Loris Boichot