Julien Aubert : "Les grandes régions conduisent à un lent affaiblissement de l’État-nation"
Julien Aubert (promo 99) est l’un des cinq candidats en lice pour la présidence du parti Les Républicains. Le député du Vaucluse, eurosceptique de longue date, se présente pour que son courant de pensée soit représenté lors du scrutin.
Dates clés :
- Naissance à Marseille : 11 juin 1978
- Adhésion au RPR : 1998
- Diplômé de Sciences Po : 1999
- Sort de l’ENA dans la même promotion qu’Emmanuel Macron et entre à la Cour des comptes : 2004
- Elu député de la cinquième circonscription du Vaucluse : 2012
- Réélu député : 2017
Pourquoi avez-vous décidé d’être candidat à la présidence du parti?
Parce que mes idées n’étaient pas représentées dans cette compétition. Je suis gaulliste et je me définis par rapport à un courant de pensée proche de la ligne politique de Philippe Séguin et de Charles Pasqua. C’est à dire un attachement à l’État-nation, à une véritable politique de l’État en matière économique, notamment industrielle. Je crois en l’humanisation du capitalisme. Et j’ai un attachement patriotique au pays.
Qu’est-ce qui différencie votre candidature de celle de Laurent Wauquiez?
Nous avons des positions et des parcours divergents : c’est un homme qui vient du centre puis qui a changé de position sur le sujet européen. Moi j’ai toujours été eurosceptique. Je pense aussi qu’il a une vision plus libérale de l’économie. Et sur la transparence, nous n’avons pas la même approche, lui et moi, puisque je pense qu’il s’agit là d’un arbre qui cache la forêt : le problème aujourd’hui est celui de la croyance des Français dans la démocratie, il ne faut donc pas alimenter la suspicion, au risque d’accroitre le mal.
Par ailleurs, je suis un jeune député et lui est un président de région, donc nous n’avons pas la même vision de la décentralisation. Je considère que les grandes régions conduisent à un lent affaiblissement de l’État-nation : couplées avec le non-cumul des mandats, elles vont conduire à une forme de « landerisation » de ce pays, à sa fédéralisation. Je ne pense pas que Laurent Wauquiez, en tant que président de région, ait le même avis que moi là-dessus. J’estime que le combat de l’opposition doit se faire au Parlement et, par conséquent, que le président du parti LR doit se trouver au Parlement.
Enfin, nous avons certes le même âge, mais ne sommes pas du tout de la même génération politique. Un peu comme Emmanuel Macron finalement, je ne fais de la politique que depuis cinq ans. Laurent Wauquiez était déjà élu député lorsque je terminais mes études.
Pensez-vous que l’arrivée d’Emmanuel Macron puisse reclarifier l’échiquier politique avec, d’un côté, un parti d’une droite plus Bonapartiste, chère à René Rémond ; et de l’autre, un centre droit un peu orléaniste qui se redessinerait autour du président?
Je pense qu’il y a deux lignes de fractures : la ligne classique droite-gauche ainsi qu’une ligne liée à la mondialisation et aux phénomènes économiques et culturels qu’elle engendre. Nous allons ainsi vers une quadri-polarisation. Reste maintenant à savoir si Emmanuel Macron unifiera la droite libérale et la gauche sociale-libérale ? Deuxième question : est-ce que les extrêmes vont continuer à déborder de leur ruisseau naturel pour venir empiéter sur l’espace politique des partis de gouvernement ?
Si jamais vous ne figurez pas au deuxième tour, de quel candidat pourriez-vous éventuellement vous sentir le plus proche?
Il ne faut jamais répondre à cette question avant le premier tour. Vous savez, pour une élection présidentielle, je privilégie toujours les idées. En revanche pour la présidence d’un parti politique, je regarde bien évidemment les idées, mais surtout la personnalité et la crédibilité des candidats.
Quand vous pensez à votre carrière politique, est-ce qu’il y a trois mots qui vous viennent spontanément à l’esprit?
Le premier est croix de Lorraine, parce que ma première conviction politique a été de la porter tous les jours. Tout d’abord sur une affiche électorale pour montrer qu’au sein des Républicains - l’UMP à l’époque – il y avait un candidat qui la portait. Puis, comme je la portais sur l’affiche, j’ai commencé à la porter au quotidien. Le deuxième mot serait Vaucluse, parce qu’on ne peut pas être un élu sans avoir un fort enracinement, une forte affection pour le territoire que l’on représente. On est dans une forme d’hybridation, puisqu’on est à la fois un élu national tout en étant l’ambassadeur d’une zone, d’un territoire, d’un terroir ; et je suis très fier d’être l’élu de ce département. Le troisième mot est énergie, car c’est un sujet sur lequel j’ai beaucoup travaillé, notamment au sein de la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire à l’Assemblée nationale.
Et si vous deviez résumer la France en trois mots?
Premièrement, avenir, parce que contrairement à mes adversaires, je ne pense pas que la France soit dans la nostalgie. Deuxièmement, millénaire, parce qu’on a tendance à débuter l’histoire de ce pays à la Révolution française, en oubliant que son histoire est bien plus ancienne. Troisièmement, l’enracinement.
Trois livres qui vous tiennent particulièrement à cœur, avec lesquels vous partiriez, par exemple, sur une île déserte…
Je partirais certainement avec Salaud d’élu, que j’ai écrit, parce qu’il faut toujours garder au moins un de ses livres avec soi ! Un deuxième livre, serait Bilbo le Hobbit de Tolkien, car c’est l’un des livres qui m’a le plus plu, j’adore les univers imaginaires et créatifs. Et le troisième livre, ce serait sans doute De la démocratie en Amérique de Tocqueville.
Si vous deviez nous raconter la plus grande folie que vous ayez faite dans votre vie, avouable, évidemment…
J’en ai fait pas mal ! Mais je pense que la plus grande folie est de me retrouver déguisé en diable au Père Lachaise… C’était à l’occasion des 40 ans d’une amie. Nous avons organisé un jeu de piste dans Paris. Son mari voulait que nous l’emmenions dans un lieu lié au sacré et qu’un poème lui soit déclamé par un ange et un démon. C’est ainsi que je me suis retrouvé habillé en diable au cimetière du Père Lachaise en compagnie d’un camarade de promotion de l’ENA, habillé en ange…
Et puis, si vous voulez une autre folie, ma candidature aux législatives, en 2011, en était une aussi ! Quand j’ai annoncé à mon frère que je me lançais, il m’a dit : « tu l'auras jamais, ça ne marchera pas ! ». Et j’ai gagné. C'est pour ça que, du coup, après, vous avez une forme de foi inébranlable… elle est là aujourd’hui.
Propos recueillis par Anne-Sophie Beauvais (promo 01)