Rétro : 1934, l'inauguration de la Péniche et des amphithéâtres
La fenêtre de son bureau surplombe Sciences Po… Il n’y a pas meilleur poste d’observation pour savoir ce qui se passe rue Saint-Guillaume. En avait-il besoin pour tout nous raconter ? Pas vraiment. Sciences Po est une maison qu’il connaît bien : David Colon y a été élève, puis est revenu y enseigner, après son agrégation d’histoire. Il a même dirigé, il y a quelques années, le campus de Paris. Cette chronique lui donne la parole. Dans ce numéro, il revient sur l’inauguration de la célèbre Péniche et de l’amphithéâtre Émile Boutmy, en 1934…
« Une pépinière d’hommes modernes. » Ainsi le magazine L’Illustration intitule-t-il l’article que Robert de Beauplan consacre, le 19 janvier 1935, à l’inauguration, quelques mois plus tôt, des nouveaux bâtiments de l’École libre des sciences politiques (ELSP).
Les locaux de l’hôtel Mortemart étant devenus insuffisants pour le nombre toujours croissant de ses élèves (près de 2 000 à l’époque), Eugène d’Eichtal a fait construire, dans le jardin de l’immeuble voisin, le 29, rue Saint-Guillaume, acheté avant la guerre, une aile de quatre niveaux, abritant deux amphithéâtres, deux salles de cours et une salle de sport.
Confiés à l’architecte Henri Martin, « l’aile des amphithéâtres » et le vestibule qui y conduit, apparaissent en 1934 comme un modèle d’architecture moderne : le vestibule, qui ne s’appelle pas encore la Péniche, est ainsi éclairé par une verrière prismatique, tandis que les amphithéâtres sont dotés de larges baies vitrées.
Henri Martin a en outre équipé le bâtiment des amphithéâtres d’un système de ventilation qui renouvelle l’air à température voulue sans qu’il soit besoin d’ouvrir les baies – un système, hélas altéré par des aménagements ultérieurs. Le retrait aménagé à chaque étage – des étages conçus en porte-à-faux - permet quant à lui de préserver la luminosité de ce bâtiment orienté au nord. Le grand amphithéâtre, doté de pupitres biplaces dessinés par le célèbre designer Jean Prouvé, accueille alors 600 places. Il est conçu avec un sol relevé selon une courbe parabolique, afin de permettre à tous les étudiants de voir le professeur. L’enduit de caoutchouc qui recouvre les murs assure quant à lui la qualité de l’acoustique.
Ces nouveaux locaux libèrent les anciens, qui sont réaménagés : l’ancien amphithéâtre accueille désormais une bibliothèque qui compte alors près de 50 000 volumes.
En conclusion de l’article dithyrambique qu’il consacre aux nouveaux locaux de ce que l’on appelle déjà (les) Sciences Po, Robert de Beauplan écrit qu’« il est (…) toute une jeunesse studieuse, qui compense largement la jeunesse frivole, et dont l’École libre des sciences politiques (…) nous offre de réconfortants exemples ». L’histoire semble lui avoir donné raison, puisque figurent notamment, parmi les premiers étudiants à avoir eu le privilège de s’asseoir sur ce banc oblong que l’on surnomme la Péniche, Jacques Chaban-Delmas, Jean-Marcel Jeanneney, François Mitterrand et Alain Poher.