Jean Leonetti : "Il faut repenser le système de santé pour assurer une prise en charge sur le long terme"
Mardi dernier, Emmanuel Macron présentait son ambitieux Plan Santé, annonçant entre autres la fin du numérus clausus et la garantie de la qualité des soins sur tout le territoire français. Pour Émile, Jean Leonetti, vice-président délégué des Républicains et médecin de profession, réagit à ces annonces.
Propos recueillis par Anne-Sophie Beauvais et Maïna Marjany
Pensez-vous que la fin du numerus clausus soit une bonne mesure ?
Il faut, en effet, desserrer l’étau de la sélection. Les études médicales doivent évidemment être sélectives, mais la méthode actuelle n’est pas opérationnelle car les frontières de l’Europe sont ouvertes. Or, aujourd’hui, face à une pénurie de médecins en France, on engage dans les hôpitaux des médecins étrangers, qui n’ont pas la même formation que leurs collègues français. Le système actuel conduit des étudiants français, ayant échoué à passer le filtre du numérus clausus, à faire leurs études de médecine à l’étranger. Dans un premier temps, ils l’ont fait en Belgique et maintenant ils vont en Roumanie. Cela n’a pas de sens...
Le second enjeu, selon moi, concerne la réforme des critères de sélection. La médecine est une science humaine. La formation médicale doit aujourd’hui gagner en humanité : des éléments sociologiques, psychologiques et culturels sont absolument indispensables. Il faut enseigner les stratégies qui facilitent les relations humaines dans des situations de tensions. Annoncer la mort, c’est un acte difficile, et qui s’apprend.
Les réformes proposées dans le plan santé peuvent-elles aider à résoudre le problème des déserts médicaux ?
Ces dernières années, le débat concernant les déserts médicaux n’a que peu avancé, sauf sur un point. Désormais, chacun s’accorde sur ce qui ne marche pas : c’est l’obligation. Il est normal de préférer une ville comme Antibes plutôt qu’un territoire au cœur d’un désert médical, qu’il soit à la campagne ou dans un grand centre urbain. Il faut donc proposer des mesures incitatives fortes. Si on va au fond du sujet, l’attente des nouveaux médecins n’est pas de gagner beaucoup d’argent, mais de travailler dans de bonnes conditions. Je pense que l’avenir de la médecine est une médecine de groupe, et c’est d’ailleurs l’esprit du plan santé. Les cabinets vont s’organiser davantage autour d’une équipe pluridisciplinaire, comme sur le modèle de l’hôpital : il y aura un kiné, une infirmière, une diététicienne, un psychologue, un généraliste… Et la qualité du travail proposé compensera alors le fait d’être au cœur d’un territoire moins attractif.
Enfin, il faut souligner que le désert médical est souvent un désert tout court : il n’y a plus de boucher ou de boulanger, le bureau de poste a fermé ainsi que le commissariat… C’est presque une réflexion sur l’organisation de notre territoire qui se pose au travers du problème médical. En tout cas, on ne résoudra pas le problème médical en imposant aux jeunes diplômés le lieu de leur installation. Personne ne pourra les y obliger. Les mesures incitatives financières ne peuvent être qu’un des éléments de la réforme. Ce qu’il faut, c’est repenser le système et régionaliser les concours pour plus d’équité sur le territoire.
Selon le chef de l’Etat, le système de santé ne souffre pas d’un sous financement mais d’un problème d’organisation. Êtes-vous d’accord ?
Certes, on peut dire que le problème d’organisation prime sur le problème financier. Toutefois, les coups de rabot à répétition n’arrangent pas la situation ! Je pense qu’il faut repenser le système de santé pour assurer une prise en charge des malades adaptée au niveau des besoins. Aujourd’hui, la médecine étant de plus en plus efficace, des maladies comme un infarctus ou le SIDA, ne sont plus mortelles, mais elles nécessitent ensuite un suivi et un traitement sur le long-terme. Ces maladies graves sont devenues chroniques. Or, l’hôpital est très bien organisé pour l’urgence et les pathologies aigües, mais pas pour le suivi médical des maladies chroniques. Pour répondre à cette situation nouvelle, il faut organiser ce suivi de long terme et la réponse au premier recours par les médecins de ville. Cette stratégie n’est pas mise en place pour l’instant.