"Sauver la planète et le monde contribue à sauver son business" : Rencontre avec les cofondatrices de Societer

"Sauver la planète et le monde contribue à sauver son business" : Rencontre avec les cofondatrices de Societer

Orienter les dirigeants d’entreprises – des grands groupes du CAC 40/SBF 120 aux start-up – vers un leadership plus humain, plus environnemental et plus sociétal, c’est l’ambition des trois cofondatrices de la maison de conseil Societer. En créant, aux côtés de personnalités engagées, un collectif d’entrepreneurs « à impact », Nathalie de Gaulle (associée), Aurélie Motta-Rivey (présidente et associée) et Mathilde Oliveau (directrice générale et associée), toutes trois diplômées de Sciences Po, espèrent faire bouger les lignes durablement. 

De gauche à droite : Aurélie Motta-Rivey, Mathilde Oliveau, Nathalie de Gaulle. (Crédits : Karina Esher/Societer)

De gauche à droite : Aurélie Motta-Rivey, Mathilde Oliveau, Nathalie de Gaulle. (Crédits : Karina Esher/Societer)

Vous êtes trois anciennes de Sciences Po. Racontez-nous comment vos parcours respectifs vous ont amené à vous réunir pour créer cette société de conseil.  

Nous partageons une culture commune de la pluridisciplinarité et de l’entrepreneuriat, une conscience de l’impact des activités économiques sur la société et la volonté de donner du sens à notre engagement. C’est sans doute la raison pour laquelle nous restons particulièrement attachées à Sciences Po, qui nous a permis, à la fois en tant qu’alumni et maîtres de conférences, de consolider une capacité à faire dialoguer les mondes, mais aussi une volonté de faire bouger les lignes de la société. 

Au-delà des valeurs, de la vision et de la sororité des trois cofondatrices, nous avons, au sein des équipes de Societer des personnalités, des parcours et des expertises très complémentaires. Nous avons évolué à la fois dans les sphères publiques, multilatérales et privées en France et à l’international – en cabinets ministériels, aux Nations unies, dans le conseil aux dirigeants ou encore dans des start-upDans nos parcours, nous avons éprouvé des compétences précieuses pour guider la stratégie de leadership d’un ou d’une dirigeant(e) – un peu à la façon d’un cabinet ministériel, depuis la stratégie éditoriale et la production de contenus à la stratégie de communication, d’incarnation médiatique et de leadership dans le monde physique et digital, en passant par la gestion de crise, la diplomatie collaborative et la création de coalitions ad hoc, ou les relations institutionnelles et publiques. 

Notre ambition pour Societer est de développer le premier collectif multi-incarné d’entrepreneurs à impact dans l’univers du conseil aux dirigeants sous une marque commune forte, humaine et exigeante. Nous avons la chance d’être entourées dans notre comité stratégique par des personnalités remarquablement engagées, avec par exemple Bertrand Badré (ancien directeur de la Banque mondiale, CEO de Blue Like An Orange et parrain du One Planet Lab), mais aussi dans nos équipes, avec des talents de la nouvelle génération comme Tess Pettavino, notre talent ambassador (ancienne directrice de la communication d’En Marche !, membre du board de Règles élémentaires). Nous sommes en quête de personnalités en recherche d’aventure entrepreneuriale et de sens.

Vous vous présentez comme maison de conseil en « sustainable leadership ». Pouvez-vous nous expliquer ce que cela signifie ? 

La création de Societer nous est apparue comme une évidence : aucun État, aucune entreprise, aucune organisation, aussi puissant(e) soit-il/elle ne pourra résoudre seul(e) les défis du XXIe siècle. C’est le cas, par exemple, de la gestion d’une crise sanitaire comme celle du Covid-19, mais aussi d’enjeux structurants comme la lutte contre le réchauffement climatique, la mise en place d’une éthique de l’IA et du progrès technologique, la promotion de l’égalité femmes-hommes et de la diversité ou encore l’accès à une éducation de qualité pour tous. 

Nous souhaitons contribuer, à notre échelle, à promouvoir le dialogue entre les mondes, à casser les silos, à fédérer les énergies et faire converger les efforts entre ces différents univers, à créer des coalitions innovantes afin de multiplier collectivement nos chances d’atteindre les objectifs du développement durable tels que définis par les Nations unies d’ici 2030. 

Nous sommes convaincues que le leadership joue un rôle crucial dans la transformation des modèles d’affaires vers plus d’inclusion et de durabilité. Le leadership nouvelle génération sera conscient des enjeux de sustainability ou ne sera plus. Dans cette équation, le dirigeant n’est plus un leader, mais un « Societer » : un dirigeant résolument et sincèrement engagé dans la société. 

Dans le nouveau monde où la pandémie nous précipite, les entreprises et leurs dirigeants sont en première ligne : leur rôle de transformation environnementale et sociale est déterminant, pour une performance globale, financière et extra-financière. Cet enjeu dépasse la taille, le secteur, la réalité territoriale ou le statut de l’entreprise : grand groupe historique ou start-up qui se définirait comme « purpose & sustainable native », l’impact positif est possible si la vision, la culture et l’agilité sont au rendez-vous.  

À cet égard, il est éclairant de noter que les entreprises les plus résilientes et les plus dynamiques durant cette période difficile, avec parfois des levées de fond spectaculaires, sont précisément les plus engagées. Les start-up, notamment, sont de véritables laboratoires des révolutions sociétales – en réinventant le futur du travail, l’éducation, l’alimentation, en sécurisant les data ou encore en promouvant l’économie circulaire. 

« Il est éclairant de noter que les entreprises les plus résilientes, et les plus dynamiques dans cette période difficile, sont précisément les plus engagées. »

La crise a définitivement consacré le leader engagé – ce qui lui confère de nouvelles responsabilités et crée de nouvelles attentes à ne pas décevoir. Chez Societer, nous accompagnons les dirigeants de grands groupes (CAC 40, SBF 120), de groupes familiaux, de PME et d’ETI, de start-up (Next40 et FrenchTech120, notamment) pour les aider à définir, incarner et faire rayonner leur engagement sociétal, notamment dans le débat public, dans une logique vertueuse de développement des synergies avec les acteurs du changement et de l’économie de demain.

Pensez-vous qu’il soit devenu indispensable aujourd’hui que les entreprises s’engagent sur des questions de société ?

Quand nous avons lancé Societer, en juin 2019, nous étions les premières à nous positionner sur le conseil en « sustainable leadership ». Nous pressentions un momentum, dans lequel la Responsabilité sociétale et environnementale (RSE) devenait, au-delà d’un complément, d’une stratégie de conformité ou de communication, un véritable enjeu stratégique intégré, notamment sous l’effet structurant de la loi PACTE et du rapport Notat-Sénard.

Avec la crise du Covid-19 et les transformations sociétales qu’elle a accélérées, les dirigeants ont compris que leur engagement dans la transition écologique, sociale et solidaire est devenu vital pour la planète, nos concitoyens, mais aussi pour la durabilité de leur business. C’est une question d’attractivité des talents – en particulier ceux de la nouvelle génération –, qui ne transigent plus avec la contribution sociétale des marques, mais aussi de pérennité de l’organisation, face à des citoyens consommateurs de plus en plus soucieux de l’impact de l’entreprise sur la planète et la société.

Selon un sondage IFOP réalisé pour Societer etL’Opinionen avril dernier, plus de neuf Français sur 10 estiment que« les dirigeants d’entreprise doivent jouer un rôle important dans la crise ».Le plébiscite est massif. Il est protéiforme : il s’applique aussi bien à l’urgence sanitaire qu’à la réponse économique et sociale et jusqu’à la reconstruction du monde post-crise. C’est une révolution pour les dirigeants d’entreprises, qui ont besoin d’être accompagnés.

Le titre de votre tribune fondatrice est « Dirigeants d’entreprises, engagez-vous pour sauver le monde… et votre business ». Ne craignez-vous pas que certains dirigeants d’entreprise n’embrassent une cause que par pur opportunisme et que cela ne soit qu’une façade sans entraîner un changement profond ?

S’engager dans la transition écologique, sociale et solidaire n’est plus une option aujourd’hui pour les dirigeants d’entreprises, mais bien une question stratégique, de performance économique durable. Nous sommes entrés dans une phase de notre histoire dans laquelle sauver la planète et le monde contribue à sauver son business. Il n’y a pas plus de performance financière durable sans performance extra-financière. 

À l’ère de la transparence et de la surinformation, nous sommes convaincues qu’il n’y a plus de place pour lereputation washing. L’opportunisme finira toujours par être démasqué. Le discours doit nécessairement s’accompagner de preuves concrètes et d’actes. À défaut, cela revient à s’exposer à un effet de backlash, très contreproductif de fait. Par ailleurs, un mouvement structurel est engagé, face auquel les entreprises ne pourront que questionner leur modèle en profondeur : le droit et le monde de la finance évoluent rapidement pour intégrer des critères de durabilité. À ce titre, la loi sur le devoir de vigilance et la loi PACTE en France, ou le projet de taxonomie européenne, qui doit guider les investisseurs vers des activités économiques soutenables sont emblématiques.

« À l’ère de la transparence et de la surinformation, nous sommes convaincues qu’il n’y a plus de place pour le reputation washing. »

Sincérité, détermination et humilité sont les nouvelles valeurs cardinales du leadership. Si l’on peut comprendre aisément que faire pivoter le business model d’un grand groupe peut prendre du temps, il n’est plus acceptable ni accepté que la parole ne soit pas suivie d’action. L’enjeu réside plutôt dans le cap et la mesure de cette action. À cet égard, de nombreuses pistes intéressantes sont en train de se généraliser comme la certification B Corp ou encore l’impact score proposé par Impact France, qui permettrait de mesurer les progrès réalisés dans l’entreprise.

Pouvez-vous nous donner quelques exemples de stratégies ou d’actions ciblées que vous mettez en place ?

Nous intervenons de façon intégrée à tous les stades de définition, de révélation et d’incarnation du discours d’engagement d’un dirigeant ou d’une marque. Nous avons par exemple défini et révélé la raison d’être de grands groupes, intégré des dirigeants comme speakers du sommet climat d’António Guterres à l’assemblée générale des Nations unies, en septembre dernier ; créé des coalitions ad hoc entre grands groupes et start-up pour aider les premiers à se réinventer et les secondes à passer à l’échelle. Nous avons également intégré des dirigeants de scale-up du Next40 au Forum économique mondial de Davos en définissant pour eux un programme sur mesure de rayonnement de leur engagement, comme nous l’aurions fait pour un ministre ou un dirigeant onusien, ou encore soutenu la rédaction de rapports d’impacts ou d’essais d’intervention de dirigeants et leur médiatisation. Notre vocation est d’aider les entreprises et leurs dirigeants à révéler leur nature profonde, leur mission, leur raison d’être dans la société. 


Aurélie Motta-Rivey

PRÉSIDENTE ET COFONDATRICE

Aurélie Motta-Rivey. (Crédits : Karina Esher-Societer)

Aurélie Motta-Rivey. (Crédits : Karina Esher-Societer)

Précédemment conseillère pour la communication et les partenariats auprès de la directrice générale de l’UNESCO, Audrey Azoulay, Aurélie Motta-Rivey a commencé sa carrière au Quai d’Orsay comme conseillère Presse internationale de ministres de l’Europe et des Affaires étrangères, avant de rejoindre la Mission permanente de la France auprès Nations unies, à New York, comme conseillère Presse et porte-parole adjointe. Elle a ensuite mis son expertise en stratégie de communication au service du ministère des Affaires sociales, notamment sur les enjeux d’égalité femmes-hommes et de droits des femmes. Avant de rejoindre l’UNESCO, elle était associée et membre du comité exécutif du cabinet de conseil en stratégie de communication Tilder. Diplômée de droit et de Sciences Po Paris, elle est aujourd’hui maître de conférences à Sciences Po dans le master international de l’École du management et de l’innovation sur les sujets de stratégies de communication et de leadership durables, ainsi que dans le master Affaires publiques sur la communication de crise. Elle est aussi vice-présidente de l’Association française pour les Nations unies et membre du board du think tank EuropaNova. 


Mathilde Oliveau

DIRECTRICE GÉNÉRALE ET COFONDATRICE 

Mathilde Oliveau. (Crédits : Karina Esher-Societer)

Mathilde Oliveau. (Crédits : Karina Esher-Societer)

 Mathilde Oliveau a fondé et dirige Sensible, maison de conseil en stratégie éditoriale et de contenus dédiée à la prise de parole des dirigeants et des marques. Elle était, dans ses précédentes fonctions, directrice générale de la société de conseil aux dirigeants Altermind, ancrée dans le monde académique, et plume de plusieurs personnalités publiques. Auparavant, elle a été conseiller Discours du président de l’Assemblée nationale, et responsable de la communication de la commission pour la libération de la croissance française présidée par Jacques Attali. Elle a également mené plusieurs missions de conseil en communication dans le champ des Affaires publiques – ministère de l’Économie, médiation du Crédit aux entreprises, et des Affaires culturelles, Établissement public du musée et domaine national de Versailles, musée du Louvre, Centre Pompidou.

Ancienne élève de Sciences Po Paris, de l’École des hautes études en sciences sociales et de l’École du Louvre, Mathilde est très attachée aux sujets de transmission. Elle a ainsi enseigné plusieurs années à Sciences Po en histoire des idées politiques. 


Nathalie de Gaulle

ASSOCIÉE ET COFONDATRICE

Nathalie de Gaulle. (Crédits : Karina Esher-Societer)

Nathalie de Gaulle. (Crédits : Karina Esher-Societer)

Nathalie de Gaulle a commencé sa carrière à la Société Générale CIB de Londres, avant de rejoindre la direction financière du groupe Engie dans le cadre de son programme de cadres à haut potentiel. En 2012, elle crée Baynuna Economic Consulting, société d’intelligence stratégique aux Émirats arabes unis, en partenariat avec le groupe technologique Baynuna. En 2018, après une expérience comme directrice des Affaires gouvernementales et Banques centrales de la start-up Ledger, elle cofonde la société de Recherche & Développement NB-INOV, une société de biotechnologie visant à développer des bioplastiques dans des secteurs industriels à haute performance. En 2019, elle intègre le board d’Antaeus Technologies, société américaine spécialisée en Cloud et en Intelligence artificielle sur le secteur énergétique, et établit Princeps Strategy, société de conseil en développement stratégique et affaires institutionnelles. Diplômée de Sciences Po Paris et de HEC, elle est également certifiée par le Massachusetts Institute of Technology (MIT). Elle est aussi membre du Comex 40 du Medef. 



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