Quelle place pour l’Afrique dans la réponse au changement climatique ?
S’ils ne contribuent qu’à 4% des émissions de gaz à effet de serre, les pays africains sont disproportionnément touchés par les conséquences du changement climatique. À l’heure où l’économie mondiale est grippée par l’inflation et où les ressources du continent s’annoncent vitales à la transition énergétique, comment assurer le développement des pays africains de manière juste et durable ?
Par le Cercle Afrique de Sciences Po
Conclue le 20 novembre avec deux jours de retard, la COP 27 s’est achevée dans la douleur à Charm-el-Cheikh, en Égypte, tant les participants ont peiné à se mettre d’accord. Ce 27ème millésime, le premier sur le continent africain, devait être celui « de la mise en œuvre » après les précédentes éditions, qui portaient davantage sur les objectifs.
Attentes fortes
L’un des enjeux de cette COP était de préciser « qui est responsable, et qui doit payer pour les dommages que subissent certains à cause du changement climatique », rappelle Adama Mariko, directeur adjoint pour les partenariats de l’Agence française de développement, invité à une conférence organisée par le Cercle Afrique et l’ASPA, le 24 novembre, sur le thème de l’adaptation des pays africains au changement climatique. « Les gouvernements africains nourrissaient l’ambition d’obtenir des résultats concrets à cette COP », explique depuis Dakar l’économiste Hervé Lado (promo 2010), également convié à témoigner.
« On est sortis de l’événement avec une avancée qu’on ne voyait pas arriver, la création d’un fonds pour compenser les pertes et préjudices que subissent les pays vulnérables au changement climatique », poursuit celui qui couvre l’Afrique de l’ouest et centrale pour le think-tank Natural Resource Governance Institute. Ce fonds devra répondre à d’importantes attentes. « Depuis la COP de 2009 à Copenhague, on a acté un besoin annuel de 100 milliards de dollars de nouveaux financements pour pouvoir vivre sur une trajectoire climatique acceptable », rappelle Adama Mariko. Une somme qui n’a encore jamais été atteinte, alors que les pays africains doivent éponger des dégâts annuels d’environ 40 milliards de dollars causés par les phénomènes climatiques de plus en plus extrêmes.
Rapport de force favorable
Dans un contexte géopolitique agité, le continent africain n’a jamais été autant central dans les débats sur l’adaptation au changement climatique et la transition énergétique. « La guerre en Ukraine a placé les pays africains en position de force, en tant que potentiels fournisseurs d’énergie aux pays occidentaux », souligne Hervé Lado. Le regain d’intérêt des puissances occidentales pour les producteurs de gaz du continent, comme l’Algérie, le Sénégal ou le Nigéria en est la preuve vivante.
Au-delà du gaz, qui demeure une énergie fossile malgré son impact environnemental plus bas que le pétrole, les ressources du sous-sol africain sont amenées à jouer un rôle crucial, en particulier « les minerais de la transition », qui permettent de construire les batteries. L’Afrique du Sud abrite ainsi les principales réserves mondiales de manganèse et son voisin zimbabwéen est le cinquième détenteur mondial de lithium, minerai que la Côte d’Ivoire, le Mali et le Sénégal ont commencé à rechercher sur leur sol. Madagascar, le Mozambique et la Tanzanie sont, pour leur part, richement dotés en graphite.
Enfin, « on parle parfois de la République démocratique du Congo comme d’un "pays-solution", qui dispose des plus importants gisements au monde de cobalt », témoigne Hervé Lado. « Kinshasa avait déjà reçu 500 millions de dollars lors de la COP26 pour la préservation de ses forêts, et cherche à capter davantage d’investissements aujourd’hui ». Une démarche dans laquelle la RDC n’est pas seule : cette année, le gouvernement congolais a joint ses forces à celles du Brésil et de l’Indonésie, signant un partenariat pour préserver les forêts tropicales, essentielles à l’absorption du CO2.
L’Afrique n’a pas à rougir
L’exploitation de ces ressources requiert des investissements colossaux dont manquent les pays africains. Consommatrices en eau et en électricité, les activités minières doivent être désormais menées avec plus de transparence et dirigées vers la transition énergétique. Et pas question de conserver les vieux modèles extractifs, qui voient les pays africains exporter leurs matières premières brutes et importer des produits transformés.
De fait, le continent n’a pas à rougir de son investissement sur les questions environnementales. Le mix électrique africain est aujourd’hui alimenté à 20% par les énergies renouvelables, un chiffre comparable aux pays occidentaux, et certains pays du continent sont même pionniers en la matière : « le Sénégal s’était donné pour objectif d’avoir 30% d’énergies renouvelables dans son mix en 2023, mais ils en sont déjà à 32% cette année », salue Hervé Lado.
Alors que la moitié des habitants du continent ne disposent toujours pas d’un accès continu à l’électricité, l’investissement dans les énergies renouvelables est indissociable des questions de développement souligne Adama Mariko. « Pour pouvoir industrialiser les pays et sortir des économies de rente. Mais aussi pour développer des services de base comme l’éducation », insiste-t-il.
Quels financements pour quel modèle de développement ?
Mais où trouver les sommes nécessaires à ces investissements ? Les pays industrialisés acceptent de contribuer dans certains cas : l’Union Européenne, la France, l’Allemagne, le Royaume-Uni et les États-Unis vont financer une partie du plan à 8,5 milliards de dollars de l’Afrique du Sud, qui veut éliminer le charbon de son mix électrique.
Mais Adama Mariko souligne un second levier plus méconnu : les banques de développement. Présentes dans quasiment tous les pays d’Afrique, elles sont environ 520 dans le monde. Secrétaire général du Sommet Finance en Commun, qui rassemble les bailleurs souhaitant mutualiser leurs moyens, il insiste sur le potentiel multiplicateur de ces institutions. Depuis sa création en 2011, l’International Development Finance Club (IDFC), qui rassemble 27 banques de développement nationales et régionales, a déjà mobilisé 224 milliards de dollars pour la finance verte.
Ces outils doivent aussi être adaptés. « Les droits de tirage spéciaux du Fonds Monétaire International permettent aux États d’injecter des financements dans les budgets nationaux. Mais une partie trop faible est redirigée vers l’Afrique », affirme Adama Marijo. « Les méthodes d’aujourd’hui doivent être mises à jour et décloisonnées ».