Carnets de campagne 2022 : La voix d’Éric Zemmour à Sciences Po
Immersion au sein de la campagne présidentielle. Émile vous emmène à la rencontre d’élèves et d’anciens de Sciences Po – jeunes militants, conseillers politiques ou élus de la République – engagés aux côtés des candidats à l’Élysée.
Par Louis Chahuneau et Laure Sabatier
« La politique, ça m’est venu comme ça, par intérêt, à la fin du collège. » À 21 ans, chemise stricte et moustache ciselée, Alan* représente Éric Zemmour et son parti, Reconquête!, à Sciences Po. Élevé à Chambéry « dans un environnement libéral sur le plan économique et conservateur sur le plan social », cet élève de deuxième année a toujours considéré la droite comme sa famille politique naturelle. « Au départ, en 2017, je n’étais pas insatisfait d’Emmanuel Macron, j’avais de la curiosité pour le personnage, puis je me suis rapproché d’une droite plus traditionnelle. »
Il le reconnaît, c’est le patriotisme qui fait pencher la balance. Cette inclination tient en grande partie à son intérêt pour l’Histoire, une discipline qu’il découvre sur les plages du Débarquement, côtoie dans les écrits du général de Gaulle et d’André Castelot et étudie à la Sorbonne depuis 2020. Loin de se désolidariser des considérations tendancieuses d’Éric Zemmour sur l’histoire de France, le jeune étudiant y retrouve les traits d’un personnage quasi romanesque, « bluffant d’un point de vue intellectuel » et capable d’incarner tour à tour la rupture, la providence et l’État.
En septembre 2021, le polémiste, crédité de 19 % d’intentions de vote, suscite l’enthousiasme d’une partie de la droite. Alan*, jusqu’alors jamais encarté, y voit l’occasion de faire ses premiers pas en politique. C’est donc naturellement qu’il acquiesce lorsqu’un camarade, collaborateur bénévole de Stanislas Rigault, le fondateur de Génération Z, lui propose, au premier semestre, de créer une antenne du parti à Sciences Po. Renommée Reconquête! au second semestre, l’initiative est approuvée à deux reprises par les étudiants. « En tout, nous avons recueilli 256 voix au premier semestre et 153 au second. Nous sommes une cinquantaine de pro-Zemmour à Sciences Po et une dizaine d’actifs investis. »
Une petite victoire pour le primo-votant, qui ne cache pas sa fierté d’avoir été félicité par Sarah Knafo en personne, la conseillère et compagne d’Éric Zemmour. Pour autant, Alan* est conscient de l’animosité réciproque entre la communauté étudiante et son candidat. Il reconnaît aisément que son objectif premier est de « marquer le coup, faire exister la droite et rétablir le pluralisme à Sciences Po. » Une tâche qui semble pour le moment compromise par l’inactivité de l’association dans les espaces militants rue Saint-Guillaume. Absente des réseaux sociaux et de la péniche, elle n’a agi à ce jour qu’en suscitant momentanément la polémique autour de conférences tantôt annulées par l’administration (Geoffroy Lejeune), tantôt vivement contestées par la communauté étudiante (Jean Messiha).
Alan* y voit la preuve d’un manque de pluralisme et de l’affirmation d’une pensée « wokiste », dont ses cours sur la sociologie du genre portent le stigmate. Il n’en apprécie pas moins ses études à Sciences Po qui le mèneront, il l’espère, à exercer des fonctions politiques à l’échelle nationale. En attendant, il reste à distance du parti et préfère observer. « Ça ne fait que six mois que je suis vraiment entré en politique, je vois une campagne électorale de l’intérieur, c’est très formateur. »
L’étudiant est avant tout charmé par le style « populiste, très franc » d’Éric Zemmour, mais il se sent aussi solidaire de son programme. Il apprécie tout particulièrement le remplacement, dans le droit français, de la légitime défense par la défense excusable, afin d’exclure la notion de proportionnalité. Il soutient aussi la valorisation des circuits courts dans les grandes surfaces et se retrouve dans le programme d’« immigration zéro ». Mais d’ici là, juste après la séquence électorale, direction l’Italie pour son année d’échange universitaire.
Cet article a initialement été publié dans le numéro 24 d’Émile, paru en mars 2022.
*Le prénom a été changé