Marc Schwartz, Révolution stratégique de la Monnaie de Paris  : "Nous sommes en train de gagner notre pari"

Marc Schwartz, Révolution stratégique de la Monnaie de Paris  : "Nous sommes en train de gagner notre pari"

Haut fonctionnaire, il fut conseiller à la Cour des comptes, au ministère des Finances et « dircab » de la ministre Françoise Nyssen. Dans le privé, directeur général adjoint à France Télévisions et associé au sein du cabinet Mazars. Marc Schwartz est aujourd’hui P.-D.G. de la Monnaie de Paris, nommé par Emmanuel Macron en 2018. Sa mission ? Faire de la vénérable institution une entreprise durable. 

Marc Schwartz, Président-directeur général de la Monnaie de Paris (promo 84) (Crédits : DR)

La présidence française de l’Union européenne et les 20 ans de l’euro marquent ce début d’année. Comment avez-vous préparé un tel événement  ?

C’est une rare conjonction d’événements, que nous préparons depuis un an. La Monnaie de Paris a proposé au président de la République, au ministre des Finances et au secrétaire d’État aux Affaires européennes de changer la face nationale de nos pièces, ce qui n’est possible que tous les 15 ans. Modifier cette face nationale nous semblait un geste fort pour marquer ces événements, car la monnaie est porteuse de symboles. C’est un moment important dans l’histoire de l’Union européenne, celle de la France et aussi celle de la Monnaie de Paris, qui frappe la monnaie européenne depuis 1998.

Fondée en 864 par Charles le Chauve, la Monnaie de Paris est la plus ancienne institution française. Comment, alors que le paiement électronique s’est largement imposé, parvient-elle à rester ancrée dans son époque ?

Cette évolution ne signifie pas que les espèces vont disparaître. Alors que le paiement électronique progresse, la demande d’espèces a fortement augmenté dans le monde depuis le début de la crise sanitaire. C’est ce que j’appelle le « grand paradoxe ». Nous devons continuer à alimenter les besoins de l’économie. En 2021, la production de pièces d’euro a par exemple augmenté de 15 %, à la demande de Bercy. Par ailleurs, nous renforçons l’exportation en nous positionnant sur les grands appels d’offres internationaux. Il y a 10 ans, la part de l’exportation dans la production de monnaies courantes s’établissait à 25 % environ, alors qu’elle en représente aujourd’hui la moitié.

Et quelle est l’ambition concernant les pièces de collection  ?

Depuis que j’ai pris la tête de la Monnaie de Paris, l’accent a été mis encore plus fortement sur les monnaies de collection. Il y a une vraie demande, que nous avons suscitée en diversifiant nos produits et en élargissant fortement notre base de clientèle. Nous avons par exemple développé, sous licence exclusive avec la Warner, une collection Harry Potter qui a été l’un des plus grands succès de la Monnaie de Paris depuis plusieurs années. Autre exemple, nos monnaies en forme de bicorne, pour les 200 ans de la mort de Napoléon, ont été vendues en moins de 48 heures.

Comment se porte la Monnaie de Paris – l’entreprise – aujourd’hui  ?

J’ai trouvé en arrivant une entreprise qui n’allait pas très bien, avec 25 millions d’euros de pertes cumulées entre 2017 et 2019. La feuille de route fixée par l’État actionnaire était simple : redresser les comptes en trois ans. Mon objectif était la relance de l’activité, accompagnée d’une politique rigoureuse de maîtrise des charges avec une diminution des coûts fixes. Nous avons réduit nos effectifs de 10 % en trois ans. Tout cela nous a permis, dès 2020, d’inverser la tendance et de revenir à l’équilibre. Nous sommes en train de gagner notre pari puisqu’en 2021, nous allons enregistrer une croissance du chiffre d’affaires de plus de 25 % et même de plus de 30 % sur les monnaies de collection.

“L’accent a été mis encore plus fortement sur les monnaies de collection.”

Et comment préparez-vous l’avenir  ?

Il faut désormais consolider ces tendances et s’engager durablement sur de nouveaux marchés. La commande annuelle de l’État en pièces de monnaie ne représente plus qu’un quart de notre chiffre d’affaires. C’est très important, mais cela ne suffit pas. Nous avons plusieurs projets de diversification, dont un projet immobilier sur nos terrains de Pessac. Il s’agit de la construction de locaux d’activités pour répondre aux besoins de la région en hébergement de start-up, notamment. Les travaux devraient démarrer en 2023 ou 2024. Cette activité permettra de nous apporter une source de revenus récurrents et stables.

Qu’a apporté à votre carrière votre formation à Sciences Po ?

Cette formation est généraliste et c’est grâce à cela qu’elle permet de s’adapter à un monde incertain et volatil. Sciences Po permet de comprendre ce qui se passe dans le monde qui nous entoure, apprend à apporter des solutions aux problèmes et à exposer clairement ces solutions. Ce dernier point est la clé pour convaincre.


En chiffres

  • 1775 : Installation de la Monnaie de Paris au 11, quai de Conti.

  • 1973 : Entrée en service de l’usine de Pessac dédiée aux frappes industrielles.

  • 1,1 milliard de pièces frappées par l’usine de Pessac en 2021.

  • 45 : Nombre de pays dont la monnaie est frappée à Pessac.

  • 25 milliards d’euros frappés depuis la naissance de la monnaie unique.


Ce publi-reportage a initialement été publié dans le numéro 24 d’Émile, paru en mars 2022.

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