Nicolas Lerner : "Les menaces à notre sécurité nationale se sont accrues ces dernières années"

Nicolas Lerner : "Les menaces à notre sécurité nationale se sont accrues ces dernières années"

Mutations du terrorisme djihadiste, nouvelles radicalités, guerre en Ukraine, cyber-espionnage, fake news… Les menaces auxquelles la DGSI doit faire face sont nombreuses et mouvantes. Nommé directeur général de la Sécurité intérieure en 2018, Nicolas Lerner (promo 99) a accepté de s’entretenir avec la rédaction d’Émile pour décrypter les défis auxquels la France est confrontée.

Propos recueillis par Bernard El Ghoul, Maïna Marjany et Driss Rejichi
Photos : Manuel Braun

Nicolas Lerner, directeur général de la Sécurité intérieure depuis 2018. (Crédits : Manuel Braun)

Vous avez été nommé à la tête de la DGSI en octobre 2018. Quel bilan tirez-vous de ces quatre années passées aux commandes du renseignement intérieur français ? Avec le recul sur l’actualité, feriez-vous certaines choses différemment ?

Ce qui me vient immédiatement en tête lorsque je pense à ces quatre ans et demi à la tête de la DGSI, c’est l’engagement, le professionnalisme, la compétence et l’extrême réactivité des 4 900 agents qui travaillent pour le service. Depuis 2018, nous avons déjoué 20 attentats islamistes. Neuf projets d’action terroriste motivés par un extrémisme idéologique, essentiellement d’ultra-droite, ont pu être empêchés.

Dans un contexte international marqué par une compétition accrue, voire une confrontation désormais assumée entre États, la DGSI a, dans le même temps, contribué à protéger nos intérêts nationaux contre de multiples tentatives d’espionnage, d’ingérence et de déstabilisations extérieures. Je pense, par exemple, aux actions d’entrave conduites à l’égard des services russes actifs sur le territoire national, dont la presse s’est, pour partie, fait l’écho. Mais je pense aussi à toutes ces actions, plus discrètes, dont seuls ceux qui les ont conduites apprécient la portée.

Alors que les menaces planant sur notre sécurité nationale se sont indéniablement accrues ces dernières années, la DGSI, considérablement renforcée grâce aux décisions des gouvernements successifs, a répondu présente, sachant maintenir un très haut niveau de mobilisation en matière de lutte antiterroriste, tout en accroissant encore son engagement pour protéger nos intérêts fondamentaux face aux velléités de certains États. 

Dans ce contexte, vous me demandez s’il y a des choses que je ferais différemment. Vous me permettrez de garder cela pour moi… Sur le plan personnel, ce que je peux partager, en revanche, c’est le fait d’avoir compris que diriger un service de sécurité intérieure, c’était tout faire pour contrer les menaces immédiates, bien sûr, parce que c’est ce qu’attendent de nous les Français et nos autorités. Mais diriger la DGSI, c’est aussi prendre les bonnes décisions aujourd’hui pour anticiper les menaces qui, si on ne fait rien, nous affaibliront demain. Comment, par exemple, faire vivre les partenariats diplomatique et économique qui nous lient avec la Chine tout en se protégeant activement contre les risques qu’ils génèrent ? Comment se préparer, dès maintenant, aux mutations de la menace cyber ?

Lors d’une interview que vous nous aviez accordée en 2019, vous expliquiez que votre feuille de route était d’abord tournée vers les enjeux de terrorisme. Quel est l’état de cette menace à l’heure actuelle ? Comment la DGSI l’appréhende-t-elle ?

Dès sa création, en avril 2014, la DGSI a été confrontée à une menace terroriste d’une intensité inédite dans l’histoire récente. Elle s’est adaptée en conséquence, en devenant notamment le chef de file de la lutte antiterroriste sur le territoire national et en proposant à nos autorités de nouveaux mécanismes de coopération qui sont venus renforcer l’efficacité de notre action collective. Même si la menace a évolué dans ses formes, elle demeure aujourd’hui très élevée, comme l’ont malheureusement rappelé les cinq actions terroristes que nous avons connues en un peu plus de deux ans. À l’automne 2020, nous avons même été confrontés à trois attaques terroristes successives en quatre semaines, un rythme inédit, sur fond de mobilisation d’acteurs isolés contre ce qu’ils percevaient comme du « blasphème ». Le terrorisme sunnite, même s’il a évolué dans ses modalités par rapport à 2015, reste donc une préoccupation majeure.

« Dès sa création, en avril 2014, la DGSI a été confrontée à une menace terroriste d’une intensité inédite dans l’histoire récente. Elle s’est adaptée en conséquence, en devenant notamment le chef de file de la lutte antiterroriste sur le territoire national. »

Vous évoquez des transformations de la menace terroriste liée au djihadisme sunnite. En quoi les actions djihadistes sont-elles différentes aujourd’hui ?

De manière schématique, la France a, entre 2014 et 2018, été la cible d’organisations terroristes extérieures capables de concevoir et de projeter la menace depuis la zone syro-irakienne. Grâce à l’action déterminée de la coalition militaire sur cette zone, grâce aussi au démantèlement, par les polices européennes et françaises, de l’essentiel des réseaux actifs sur nos sols, le risque d’attentat projeté a très significativement diminué. Ainsi, la plupart des projets de passage à l’acte qui ont été déjoués impliquent des individus qui comptaient agir seuls, sans contact avec un groupe terroriste, sans déclaration d’allégeance ni revendication. Plus autonome, cette menace est portée par des individus influencés à la fois par ce qui perdure de la propagande terroriste, mais aussi par tous les discours qui font de la République, de la France, des Français, de supposés « ennemis de l’islam ».

Au plan opérationnel, le travail de détection et la neutralisation des projets portés par ce type d’acteur isolé – adepte de modes opératoires très rudimentaires – sont très différents de ceux conduits pour démanteler des cellules terroristes organisées. Cette évolution de la menace a ainsi nécessité de la part de la DGSI un plus grand investissement dans l’espace numérique. Il nous a aussi fallu développer de nouveaux partenariats comme celui, en cours de structuration, avec le monde de la psychiatrie, dans le respect absolu de nos compétences réciproques.

Pour autant, si la menace endogène est aujourd’hui la plus importante, nous restons également très préoccupés par les actions susceptibles d’être portées par des individus aguerris, notamment à leur sortie de prison, mais aussi par la capacité renouvelée des organisations terroristes à nous frapper depuis l’extérieur. Car si le risque de menace projetée a fortement diminué depuis 2014, il n’a malheureusement pas disparu. En Syrie, en Irak, l’EI fait preuve de résilience. Au Sahel, dans un contexte de dégradation de la situation sécuritaire, mais aussi en Afghanistan, l’organisation terroriste gagne du terrain, alors même qu’Al-Qaida et ses filiales demeurent dynamiques. Derrière chaque bouleversement géopolitique, il y a un risque de résurgence terroriste. Nous y sommes particulièrement attentifs, avec nos partenaires nationaux, notamment la DGSE, et internationaux, avec lesquels la coopération est d’une intensité exceptionnelle.

L’attaque d’un centre kurde à Paris, fin décembre dernier, démontre que la menace d’actions violentes émane également de l’ultra-droite. Peut-on parler d’un élargissement de la menace terroriste ? Pourrions-nous voir déferler des vagues d’attentats révolutionnaires ou identitaires à l’avenir ?

Les odieux assassinats de la rue d’Enghien, commis à Paris le 24 décembre dernier, sont l’acte d’un individu raciste qui, sous réserve de ce que démontrera l’enquête judiciaire, nourrissait une haine recluse, profonde, à l’égard des « immigrés » et des « étrangers ». L’extrémisme idéologique nourrit, chez certains, la conviction que seule l’action violente est efficace et que le passage à l’acte est non seulement légitime, mais qu’il constitue la seule manière de défendre une cause. Nombre de démocraties occidentales considèrent ainsi que la menace d’ultra-droite, suprémaciste, accélérationniste, est aujourd’hui la principale menace à laquelle elles sont confrontées. Et nous avons tous en tête les drames que ces idéologies ont générés à Christchurch, Buffalo, Ottawa, Hanau, Bratislava et dans tant d’autres villes. La France, comme toutes les démocraties, est exposée à cette même menace, dont la prévention mobilise activement les services de renseignement.

« Nombre de démocraties occidentales considèrent que la menace d’ultra-droite, suprémaciste, accélérationniste, est aujourd’hui la principale menace à laquelle elles sont confrontées. »

Au-delà des idéologies d’ultra-droite, ces services doivent faire face à la montée de la radicalité. Radicalité des mots et des pensées, d’abord, notamment sous l’effet de l’enfermement idéologique des réseaux sociaux qui, en promettant l’anonymat, sont par ailleurs propices à tous les excès. Radicalité des actions, aussi, sur la voie publique, contre les forces de l’ordre, les symboles de l’État ou du « capitalisme », mais aussi, parfois, au travers de projets encore plus violents, de nature clandestine, voire terroriste. Je disais que neuf projets d’action de ce type avaient été déjoués depuis 2018 avec, fait nouveau, la détection d’individus sans allégeance idéologique que la haine à l’égard des institutions, de leurs représentants et de tous ceux qui, à leurs yeux, incarnent le « capitalisme » et « le système à abattre », peut conduire à la violence. Convaincus que leur cause est juste, que la France est menacée par des périls existentiels, certains sont prêts à tout pour faire entendre leur voix, y compris s’il faut contester le fondement même de notre vie démocratique –  le respect des élus et des décisions qu’ils prennent en notre nom à tous.

Ces nouvelles radicalités disposent-elles de points communs avec le terrorisme djihadiste, notamment en termes de modes d’embrigadement ?

Depuis 2015, le terrorisme islamiste a tué indifféremment des femmes, des hommes, des enfants et ciblé certaines personnes en raison de leur profession ou de leur religion. Le terrorisme islamiste a conduit, il y a un peu plus de deux ans, à la décapitation d’un professeur. Il a entraîné, en 2016, la mort d’enfants après un feu d’artifice. Un tel niveau de violence et de brutalité ne se retrouve heureusement pas aujourd’hui dans la défense d’autres causes. Pour autant, sur le plan individuel, plusieurs chercheurs ont mis en évidence que certains facteurs psychologiques pouvaient conduire un individu, notamment parmi les plus jeunes, à rechercher « la radicalité » pour elle-même. Plusieurs individus interpellés par la DGSI ces dernières années étaient, de fait, animés par une appétence pour la violence avant tout. Je pense notamment à une jeune fille qui, pendant quelques mois, s’est cherchée dans une idéologie d’ultra-droite, a fréquenté des sites et des forums où l’ennemi était « le juif » et « l’étranger », avant de finalement se ranger derrière l’idéologie de l’État islamique et de préparer un projet d’action violente contre une église.

Vous évoquez la collaboration avec les partenaires internationaux. La scène géopolitique globale traverse aujourd’hui une période de tensions. Comment cette situation affecte-t-elle le travail de la DGSI ?

À la chute du mur de Berlin, de nombreux observateurs ont considéré que la rivalité entre États, sans disparaître, allait s’exercer autour de deux prérequis universellement admis : la supériorité intrinsèque du modèle démocratique, vers lequel l’ensemble des États allait spontanément converger, ainsi que la reconnaissance, par tous, des principes de l’économie de marché. Ces espoirs ont vite été contrariés… Dans un contexte mondial où de nombreux États font le choix de faire prévaloir leurs intérêts avant tout, au mépris des règles du droit international et au prix d’une agressivité accrue, la France se retrouve exposée. 

Membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, disposant du deuxième réseau diplomatique mondial, rayonnant à travers sa langue et sa culture, la France est en effet une nation qui porte un modèle de société, dont la voix compte sur la scène internationale et dont l’action contribue à la régulation des conflits. Dès lors, anticiper nos positions (par des pratiques d’espionnage), tenter de peser sur les décisions nationales (par des actes d’ingérence) ou de déstabiliser nos intérêts par les moyens les plus variés (comme la désinformation), tout cela constitue des objectifs pour les États qui cherchent à affirmer leur puissance sur la scène internationale ou régionale.

Par ailleurs, la France accueille sur son territoire des diasporas diverses qui, en leur sein, comptent des femmes et des hommes qui contestent et s’opposent aux régimes des pays dont elles sont originaires. C’est la force de la France de permettre cette expression, dès lors, évidemment, qu’elle s’exerce dans le respect absolu des lois de la République. Mais certains ne partagent pas notre conception de la démocratie et déploient d’importants moyens pour suivre ces individus sur notre territoire et, parfois, tenter de les intimider et les dissuader de tenir ces discours. Cela nous oblige à être extrêmement vigilants vis-à-vis d’actions hostiles susceptibles de venir de services étrangers. 

Enfin, le fait que notre économie et notre recherche soient parmi les plus performantes et dynamiques du monde nous expose à de nombreuses actions d’espionnage ou d’ingérence, rendant nécessaire la protection active de notre patrimoine et de nos savoir-faire. Autant de missions sur lesquelles la DGSI agit avec vigueur.

« Dans un contexte mondial où de nombreux États font le choix de faire prévaloir leurs intérêts avant tout, au mépris des règles du droit international et au prix d’une agressivité accrue, la France se retrouve exposée. »

Parmi ces nouvelles tensions internationales, la guerre en Ukraine est à la fois la plus intense et la plus proche. Quel est l’impact de ce conflit sur la sécurité du territoire national ?

Le déclenchement de la guerre en Ukraine a fait naître trois risques principaux pour la sécurité intérieure. Le premier était la crainte que certains tentent d’infiltrer les flux de réfugiés à destination de l’Europe. Bien plus limité qu’au moment de la crise syrienne de 2014-2015, ce risque, s’il ne doit pas être négligé, doit être aujourd’hui considéré comme contenu grâce à l’action coordonnée des services de renseignement intérieurs européens. Mais les flux de population génèrent également une menace en sens inverse. Plusieurs dizaines d’individus ont en effet quitté le territoire national pour rejoindre le théâtre des opérations et combattre, pour une partie du côté russe, pour l’autre du côté ukrainien. En dehors d’une situation de mercenariat, le fait d’aller combattre en Ukraine ne constitue pas une infraction en France. Pour autant, le profil de certains de ces individus, de même que l’aguerrissement qu’une situation de combat leur confère, doit nous conduire à la vigilance lorsqu’ils rentrent en France. 

Le deuxième sujet de préoccupation est lié au risque de prolifération que tout conflit militaire entraîne. L’Ukraine bénéficie du soutien occidental pour assurer sa défense, avec des mécanismes de contrôle robustes sur les armes qui lui sont livrées. Pour autant, notre responsabilité collective est de minimiser le risque que ces armes, une fois que le conflit aura cessé, se retrouvent dans des mains mal intentionnées à notre égard. L’exemple de l’ex-Yougoslavie a démontré que l’impact d’un conflit sur les armes en circulation pouvait durer de longues années…

Le troisième enjeu en termes de sécurité intérieure est plus diffus. Dès l’invasion de l’Ukraine, l’Europe a réagi de manière solidaire, rapide et coordonnée. Collectivement, nous avons su adopter les mesures que la situation appelait. Le maintien dans la durée de cette solidarité est indispensable. Le conflit s’étant inscrit dans le temps, porter atteinte à cette unité, la fragiliser, tenter de dresser les peuples contre leurs gouvernements ou les États occidentaux les uns contre les autres, tout cela est apparu comme une stratégie à mettre en œuvre. Pour ce faire, de nombreux outils peuvent être utilisés, à commencer par l’arme de la désinformation : « Si la situation économique est difficile, si vous souffrez de l’inflation, c’est la faute des choix de votre gouvernement, et uniquement de votre gouvernement. » Voilà le type de discours qui fleurit, inversant les responsabilités. Il nous faut donc collectivement être vigilants à ce que ces tentatives extérieures de manipulation de l’information n’aient pas pour conséquence de fragiliser la démocratie française et sa cohésion dans l’épreuve.

Parallèlement à cette montée des rivalités internationales, l’ingérence d’États étrangers via l’utilisation du cyberespace est croissante : dans les processus électoraux, par la diffusion de fake news, etc. Quelles sont les principales menaces identifiées par la DGSI sur l’espace numérique ?

La menace cyber est une préoccupation croissante pour les agents de la DGSI. Elle l’est, d’abord, au titre du contre-espionnage. Plusieurs affaires récentes ont montré combien l’arme cyber était d’ores et déjà utilisée à des fins de captation d’information, plusieurs attaques ayant délibérément ciblé des données qui correspondent en tous points aux centres d’intérêt de tel ou tel État. Mais l’arme cyber sert aussi à conduire des opérations de sabotage ou de pré-sabotage, dont la finalité est de se prépositionner au sein de systèmes informatiques stratégiques pour, le moment venu, l’atteindre et le fragiliser. Enfin, notre vigilance porte aussi sur les opérations de déstabilisation et de leak, dont le principe est simple : en récupérant de la donnée sensible et en la rendant publique, la réputation d’une structure ou d’une personnalité est atteinte. Plusieurs pays européens ont récemment été victimes de telles pratiques. Ma conviction, par ailleurs, est que l’arme cyber sera un jour utilisée à des fins activistes ou terroristes. 

Lutter contre la menace cyber nécessite de relever trois défis. D’abord, celui de la coordination entre services, aujourd’hui résolu puisque le risque cyber donne lieu à des échanges particulièrement fluides, au même titre que les autres menaces envers la sécurité nationale. Il nous faut ensuite être capables d’imputer les attaques pour en désigner les auteurs, alors que la sophistication des modes opératoires rend cela plus difficile. Enfin, la porosité entre les modes opératoires criminels et étatiques est allée en s’accroissant. Il est désormais établi que certains services étatiques s’appuient sur des groupes criminels pour conduire leurs actions ou récupérer de la donnée. Cette hybridité est d’autant plus une source de préoccupation que certains de ces groupes criminels sont situés dans des pays qui ne coopèrent pas avec notre justice. 

« Il nous faut collectivement être vigilants à ce que ces tentatives extérieures de manipulation de l’information n’aient pas pour conséquence de fragiliser la démocratie française et sa cohésion dans l’épreuve. »

Face à la multiplication des actions offensives dans le domaine cyber, quelle réponse la DGSI met-elle en œuvre ?

Très attachées à la préservation des intérêts nationaux, les autorités ont su prendre les mesures adaptées à la montée en puissance des services de renseignement en général et de la DGSI en particulier. En huit ans, 1 600 agents sont déjà venus renforcer nos effectifs et 600 de plus sont programmés d’ici la fin du quinquennat. Une partie importante de cette hausse est consacrée au cyber. Comme je l’évoquais, la coopération entre services est désormais une réalité quotidienne, que ce soit au sein du ministère de l’Intérieur, sous l’impulsion de l’actuel ministre, ou au travers du C4, une instance souhaitée par le président de la République [un groupe qui réunit DGSI, DGSE, ANSSI et les armées, NDLR]. Cette coopération revêt par ailleurs, de manière croissante, une dimension internationale, indispensable dès lors que la menace se joue aisément de nos frontières…

Quelles sont les compétences que vous recherchez à la DGSI ? Les étudiants et diplômés de Sciences Po peuvent-ils contribuer à ce besoin en polyvalence ?

Comme je le dis souvent, la DGSI recherche moins des profils précis que des volontés : volonté de servir son pays et volonté d’agir au sein d’un collectif où la finalité est, bien sûr, la détection des menaces, mais aussi leur entrave.

Un étudiant ou une étudiante de Sciences Po peut nous rejoindre en passant les concours, notamment ceux de la police nationale, puisque près de deux tiers de nos effectifs sont des policiers – et je suis très attaché à ce que la DGSI reste durablement un service de police. Mais nul besoin d’être policier pour nous rejoindre ! Un agent sur cinq à la DGSI est aujourd’hui contractuel, dans des spécialités aussi diverses que la technique, l’analyse, les relations internationales, les affaires juridiques, les langues, etc. Nombre d’entre eux servent aussi directement des structures opérationnelles, conduisent des affaires sur le terrain, procèdent à des enquêtes, bref, mettent en œuvre les techniques qui sont l’apanage d’un agent de renseignement.

Je précise enfin qu’il est possible de nous rejoindre à tous les stades de la vie professionnelle. Nous accueillons beaucoup d’étudiants en alternance ou en sortie d’école. Mais de plus en plus de collègues décident aussi de nous rejoindre après une expérience dans le privé, avec le souhait de réorienter leur parcours, temporairement ou durablement. Ce que le service cherche avant tout, ce sont des hommes et des femmes qui sont à l’aise, « bien dans leurs baskets » et qui ont envie de servir leur pays avec passion, engagement, mais aussi discrétion et humilité. C’est ainsi que nous concevons notre travail. J’ai la chance de passer beaucoup de temps avec les agents, dans tous les domaines, à la centrale ou partout sur le territoire national. Et croyez-moi, il est très rare que l’on soit déçu lorsqu’on tente l’expérience à la DGSI…


Cet entretien a initialement été publié dans le numéro 27 d’Émile, paru en février 2023. Pour recevoir le magazine Émile, il faut être membre de Sciences Po Alumni.

Blaise Desbordes : "En Allemagne, le gouvernement utilise le commerce équitable comme un outil  de politique publique"

Blaise Desbordes : "En Allemagne, le gouvernement utilise le commerce équitable comme un outil de politique publique"

Rishi Sunak : 100 jours, et après ?

Rishi Sunak : 100 jours, et après ?